Scandale Orpea : comment mieux contrôler les Ehpad ?

Paris, le mercredi 2 février 2022 – Les révélations du livre Les Fossoyeurs sur les dysfonctionnements dans les Ehpad ont mis en lumière le manque de contrôle des pouvoirs publics sur les établissements qui prennent en charge nos aînés.

Neuf jours après la publication dans le journal Le Monde des bonnes feuilles de Les Fossoyeurs, le livre enquête du journaliste Victor Castanet sur les dysfonctionnements des Ehpad gérés par le groupe Orpea, leader mondial du secteur, le scandale provoqué par ces révélations continue de faire grand bruit. Nous nous sommes déjà penchés, dans nos précédentes éditions, sur les nombreuses conséquences financières et politiques de cette affaire, qui a pris une place importante dans le débat public. Dernière information en date : Yves Le Masne, PDG de la société Orpea limogé ce dimanche, est accusé par Le Canard enchainé d’avoir commis un délit d’initié en vendant en juillet dernier ses actions du groupe après avoir eu connaissance de l’enquête de Victor Castanet.

Ce mardi, la ministre chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, a ordonné deux enquêtes administratives, l’une de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales), l’autre de l’IGF (Inspection générales des finances) visant la société Orpea.

Un contrôle confié aux ARS et conseils départementaux

Mais derrière le cas très particulier d’Orpea, il est sans doute nécessaire de se poser la question du contrôle des Ehpad par l’administration. Jeudi dernier, l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Ile-de-France, en lien avec le conseil départemental des Hauts-de-Seine, a mené une inspection « flash » d’une journée au très luxueux établissement Les Bords de Seine de Neuilly-sur-Seine, Ehpad géré par la firme Orpea et où de nombreux résidents auraient été « maltraités » selon l’enquête de Victor Castanet. Une maison de retraite qui avait déjà fait l’objet d’un rapport du Défenseur des droits en décembre 2019, qui avait pointé du doigt des « atteintes à la dignité » dont certains résidents avaient été victimes, sans qu’aucune mesure ou sanction ne soit prise à l’encontre de l’établissement.

Actuellement, la mission de contrôle des Ehpad publics comme privés est confiée aux ARS et aux conseils départementaux. Ce doublement des autorités de contrôle est en soit problématique, ces deux administrations ne disposant pas de grille d’évaluation commune. Toute inspection donne lieu à un rapport et le cas échéant à des recommandations adressées à l’établissement, qui dispose d’un droit de réponse et doit ensuite établir un plan d’action pour mettre fin aux éventuels dysfonctionnements mis en lumière par l’enquête administrative.

Faut-il supprimer les ARS ?

Voilà donc pour la théorie. Mais en pratique, le contrôle des Ehpad en France est très insuffisant explique le Défenseur des droits. Entre 3 et 50 contrôles inopinés seulement sont réalisés chaque année par les ARS selon les régions, sur plus de 7 400 établissements. « Les contrôles inopinés sont rares ; de plus, le suivi des recommandations de l’ARS après une visite n’est pas toujours effectué » assure-t-on au pôle droit des malades et dépendance du Défenseur des droits. « Les sanctions comme le non-renouvellement d’une autorisation voire le retrait d’une habilitation sont extrêmement rares ».

Plusieurs propositions ont été faites ces derniers jours pour améliorer les contrôles des Ehpad. Laurent Garcia, infirmier en Ehpad qui a participé à l’enquête ayant abouti à Les Fossoyeurs, propose la création d’une autorité administrative indépendante de contrôle. Des députés socialistes ont également demandé que les parlementaires soient autorisés à visiter inopinément les Ehpad, comme c’est le cas des lieux de privation de liberté.

Une seule chose est sure : l’insuffisance de ces contrôles administratifs écorne encore un peu plus l’image des ARS, déjà décriées pour leur action durant la crise sanitaire. Voilà qui conforte deux candidats à l’élection présidentielle aux idées pourtant radicalement opposées : le « populiste » Eric Zemmour et la socialiste Anne Hidalgo, qui propose tous les deux la suppression des ARS.

Nicolas Barbet

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Vos réactions (2)

  • Et donner les moyens humains ?

    Le 02 février 2022

    Avant de contrôler et sanctionner, ne vaudrait il pas mieux donner (enfin) aux ehpad les moyens de soigner dignement les personnes âgées ? Les boites privées qui font du fric par les ehpad avec des groupes cotés en bourse et qui placent dans les paradis fiscaux alors que les personnels et les vieux trinquent ça devrait être interdit.

    L'accompagnement des personnes âgées devrait être une mission de service public pas un eldorado pour fonds de pension. Les ehpad publiques devraient avoir des moyens en personnel d'abord. Exemple dans le handicap on peut avoir 3 accompagnants pour 12 résidents le matin. En ehpad c'est 3 pour 5 fois plus de résidents. Comment voulez vous faire un travail potable en étant 2 la nuit pour 90 résidents dont une dizaine de lits d'Alzheimer, 1 aide soignante pour 15 toilettes à faire en moins de 3h ? Des soit disant secteurs Alzheimer qui ne sont que des secteurs fermés à clé avec des patients livrés à eux mêmes parce que pas assez de personnel ? Des établissements qui rationnent les protections etc. Il y en a des choses à dire et à faire avant de seulement remettre encore des contrôles !

    Céline Bouillot (IDE)

  • Service public n'est pas synonyme d'excellente prise en charge

    Le 04 février 2022

    Toutes vos reflexions montrent votre douloureux vécu. Cependant le passage du privé au public n'est pas un gage d'efficacité, de prise en charge plus humaine. Il existe des structures privées à but non lucratif qui ont le désir de bien faire (Voir récente interview de Claude Evin). Le passage au tout public impliquerait la tutelle de la HAS ! Qu'en pensez vous?

    Dr Yves Plantard

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