Hôpital public : une certaine convergence de vue des candidats

Paris, mardi 22 février 2022 – A moins de deux mois du premier tour de l’élection présidentielle et après les « déserts médicaux » la semaine dernière, le JIM vous propose une synthèse des propositions des principaux candidats à la magistrature suprême pour l’hôpital public*.

La crise sanitaire a été un révélateur des difficultés structurelles auxquelles fait face l’hôpital public depuis de nombreuses années. Diminution du nombre de lits, manque de personnel et de moyens, baisse de l’attractivité, surcharge administrative : nombreux sont les soignants qui font part de leur désarroi voir de leur mal-être et qui quittent même parfois l’hôpital. Dans ce contexte sanitaire si particulier où le taux d’occupation des lits fait la une de l’actualité, les propositions des candidats sur ce thème sont particulièrement attendues.

A droite comme à gauche, le constat est unanime : l’hôpital manque de soignants et il faut donc recruter davantage. Les candidats s’engagent sur le sujet dans une véritable bataille de chiffres et c’est la course à celui qui proposera le plus de recrutements. Valérie Pécresse (LR) propose ainsi « 25 000 soignants supplémentaires en 5 ans à l’hôpital public ». Un peu plus flou, Marine Le Pen (RN) souhaite combler « la moitié des effectifs hospitaliers non pourvus » tandis qu’Anne Hidalgo (PS) veut recruter « 25 000 infirmiers et aides-soignants ». Plus à gauche, on se montre encore plus ambitieux (ou irréaliste, c’est selon) : Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Fabien Roussel (PCF) proposent tous les deux 100 000 soignants supplémentaires tandis que Yannick Jadot (EELV) souhaite « recruter jusqu’à 100 000 infirmières et infirmiers » pour « reconquérir l’hôpital public ».

Dans le même ordre d’idée, presque tous les candidats se disent opposés aux fermetures de lits, qui se sont poursuivis durant l’épidémie, ce qui n’a pas manqué de créer la polémique. Marine Le Pen (RN) comme Fabien Roussel (PCF) se sont ainsi tous deux exprimés en faveur d’un « moratoire » sur les fermetures de lits, tandis que Jean-Luc Mélenchon (LFI) veut « rouvrir des lits pour que chaque Français dispose d’un service de santé public à moins de trente minutes de chez lui ». Eric Zemmour (Reconquête) considère cependant que l’on a « trop misé sur l’hôpital » et qu’il faut cesser de « mépriser les cliniques privées et les médecins libéraux ».

Pour recruter des soignants, limiter les départs et empêcher les fermetures de lits, les candidats savent bien qu’il faut agir sur l’attractivité et que cela passe par une hausse des salaires. « Pas besoin d’être Sherlock Holmes pour comprendre que le problème c’est les salaires » explique Fabien Roussel (PCF) qui veut multiplier par 1,5 voire 2 le salaire des aides-soignants et infirmiers. De son côté, Marine Le Pen (RN) veut augmenter le salaire des infirmiers de 10 % « pour arriver au salaire moyen européen ». Sans donner de chiffres précis, Jean-Luc Mélenchon (LFI) promet de « revaloriser les métiers et les revenus ». Valérie Pécresse (LR) propose de son côté un « grand plan d’attractivité des métiers des soignants » sans plus de précisions (pour l’instant).

Autre problématique révélé par la crise sanitaire et notamment par la première vague : la gouvernance des hôpitaux et la surcharge administrative, qui ferait perdre aux soignants le sens de leur mission. Les candidats sont quasi-unanimes sur la nécessité de donner plus de pouvoirs aux médecins dans la direction des établissements hospitaliers, chacun avec ses mots : Yannick Jadot (EELV) affirme que « l’hôpital public doit être gouverné par les soignants » tandis que Valérie Pécresse (LR) explique qu’il faut « débureaucratiser le fonctionnement de l’hôpital au profit des médecins chefs de service ». Un peu à contrecourant, Eric Zemmour (Reconquête) considère qu’il faut « décharger les médecins de la gestion administrative qui devient presque un second temps plein ». Toujours sur ces questions de gestion administrative, les ARS, très critiqués durant la crise sanitaire, se sont fait beaucoup d’ennemis : Marine Le Pen (RN), Eric Zemmour (Reconquête) et Anne Hidalgo (PS) souhaitent les supprimer.

Enfin, sur la question du financement des hôpitaux, on retrouve, là aussi, des convergences étonnantes. Ainsi, des candidats aussi différents que Yannick Jadot (EELV), Marine Le Pen (RN) et Jean-Luc Mélenchon (LFI) se retrouvent sur la nécessité de supprimer en tout ou en partie la tarification à l’activité (T2A), pour la remplacer par une « dotation globale de fonctionnement » selon les termes du programme du Rassemblement National. Valérie Pécresse (LR) se souvient sans doute que c’est sous Jacques Chirac que cette T2A a été mise en place : elle propose donc plus modestement de « modifier la tarification à l’activité là où c’est nécessaire, notamment sur les actes intellectuels ». Même prudence chez Anne Hidalgo (PS) qui veut simplement « revoir la place de la T2A » dans le financement des hôpitaux.

*Cet article sera actualisé au gré de l’évolution de la campagne et notamment dès la très probable candidature d’Emmanuel Macron.

Quentin Haroche

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Vos réactions (1)

  • Le système de santé se détériore pas seulement l'hôpital

    Le 27 février 2022

    Je suis infirmière en activité mixte, dans le privé depuis 12 ans et libérale depuis 2 ans. La pandémie a mis en lumière les difficultés de notre système de santé.
    Or, je suis atterrée que depuis 2 ans, un grand nombre de médias (télé, radio, presse écrite et internet) et candidats à l'élection présidentielle résument l'effondrement du système de santé en ne parlant que de l'hôpital public. Or ces gens-là semblent occulter que le système de santé englobe aussi le secteur privé, la médecine de ville, l'aide et le maintien à domicile.
    L'hôpital public ne peut pas fonctionner sans tous ces acteurs, qui rencontrent eux aussi de graves problématiques qui sont malheureusement oubliées : déserts médicaux dans certaines régions et médecins généralistes débordés (certains patients ont des difficultés à retrouver un médecin traitant si le leur part à la retraite) ; manque d'auxiliaires de vie, d'aides à domicile et d'aides-soignantes dans les SSIAD avec des salaires très bas (c'est grâce à eux/elles que le maintien à domicile des personnes dépendantes et âgées est possible) ; manque d'aides soignants, d'infirmiers et d'agents de service hospitalier, problèmes de rémunération malgré le Ségur de la santé d'autant plus que certains acteurs ont été oubliés.
    Tous ces acteurs ont assuré des soins durant la pandémie également et sont trop oubliés.
    C'est le système de santé dans sa globalité se détériore à grande vitesse, pas seulement l'hôpital public !

    Elodie L.

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