
Tours, le jeudi 21 avril 2022 - Dans une série de collages apposés dans la nuit du 14 au 15 avril sur les murs de la faculté de médecine de Tours, un collectif féministe dénonce des faits de harcèlement et d’agressions sexuelles dont seraient victimes des étudiantes et accuse l'université de protéger les agresseurs.
« Ici sont formés et protégés des violeurs »
« Aujourd'hui ton violeur, demain ton docteur », « ici sont formés et protégés des violeurs », « Étudiant.es, pas morceau de viande » : voici les trois slogans chocs qu’ont découverts enseignants et étudiants au petit matin du 15 avril.
Derrière cette action coup de poing, le collectif Actions féministes Tours (qui se présente comme « intersectionnel et non-mixte ») qui pointe une « situation gravissime » : une affaire toujours en cours d'instruction, dans laquelle cinq femmes ont déposé plainte contre un étudiant en médecine pour un viol et plusieurs agressions sexuelles et que la faculté est accusée de « protéger ».
Placé en détention provisoire de septembre à novembre 2020, le jeune homme a été placé sous contrôle judiciaire, mais a néanmoins été en mesure d'être transféré dans une autre faculté, où il a effectué son stage en gynécologie. Un transfert « facilité », selon le collectif par une « lettre de recommandation » signée de la main du doyen, le Pr Patrice Diot, qui est également président de la Conférence des doyens des facultés de médecine. Soulignons néanmoins que les faits auraient eu lieu dans le cadre privé de soirées entre étudiants et ne peuvent entraîner d'interdiction d'étudier dans un service ou un autre, l'affaire étant toujours en cours d'instruction.
Le doyen porte plainte
Interviewé par la Nouvelle République, le Pr Diot juge aussi « excessivement violente » l'action du groupe féministe, confirmant néanmoins le souhait de la faculté que l'étudiant « change d'université, compte tenu des charges qui pesaient sur lui ». Ce mercredi 20 avril, Patrice Diot a finalement rendu publique sa décision de porter plainte pour « diffamation » contre le collectif.
« Les messages affichés sur les murs de la faculté et sur Twitter indiquant que des violeurs y sont formés et m'accusant d'être complice et protecteur de violeur sont inacceptables », s'est-il expliqué dans un courriel envoyé aux enseignants et aux étudiants. L'université va également porter plainte pour « intrusion et dégradation de ses locaux ».
Au-delà de cette affaire, le collectif Actions féministes Tours pointe l'existence de cas de harcèlement sexuel et de remarques sexistes qui lui ont été rapportés dans plusieurs services, notamment « la cardiologie, l'urologie et l'orthopédie ».
Sur un post, on pouvait ainsi lire des dénonciations de harcèlement sexuel « en cours et sur des lieux de stage » dont auraient été victimes des étudiantes.
Sur ce point, Patrice Diot réplique : « il n'est pas question d'avoir la moindre complaisance à l'égard de comportements ou de propos sexuels ou sexistes, et je me suis engagé fortement sur le sujet, en lien avec les représentations étudiantes et toutes les parties prenantes tout au long de mon mandat à la présidence de la Confédération des doyens de médecine et dans mon action au sein de la faculté ».
L’ANEMF s’en mêle
Quoi qu’il en soit, l'association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) demande des « investigations » sur ces différentes affaires.
« Face à des accusations d’une telle gravité, comment expliquer que les doyens de médecine de Tours et de Limoges aient favorisé le transfert de faculté d’un étudiant à peine sorti de détention provisoire ? Comment expliquer que cet étudiant puisse être en stage de gynécologie malgré les charges portées contre lui ? », s’interroge ainsi l’association, qui souhaite mettre fin à « l’omerta à l'Université ».
L’ANEMF s’interroge également sur le temps écoulé entre ces plaintes pour des faits aussi graves et l’éloignement de l’agresseur présumé. « Il y a eu plusieurs semaines entre le dépôt de la plainte et la détention provisoire, délai durant lequel l’étudiant a pu continuer en stage à Tours, ce n’est pas acceptable ».
Marlène Augustin