De plus en plus d’hospitalisations pour bronchiolite en Europe depuis 20 ans

La bronchiolite, maladie virale aiguë des voies respiratoires inférieures touchant les enfants de moins de deux ans, constitue l'une des menaces actuelles les plus importantes pour la santé infantile dans le monde. L’infection par le virus respiratoire syncitial (VRS) reste la principale cause d'hospitalisation des jeunes enfants, tous pays confondus. La mortalité associée à la bronchiolite a été réduite à son minimum dans les pays à revenu élevé ayant accès aux soins intensifs. Parallèlement, les épidémies virales saisonnières exercent une forte pression sur les unités de soins intensifs pédiatriques (USIP). De récentes études menées aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande, montrent une augmentation du nombre annuel d'admissions en USIP pour bronchiolite au cours des deux dernières décennies.

Qu’en est-il sur le vieux continent ?

Ce travail a évalué le poids de la bronchiolite sévère en analysant rétrospectivement la tendance des admissions en USIP dans six pays européens, dont trois disposant de registres nationaux complets, de 2000 à 2019. Trois bases de données nationales (France, FR, données de 2011 à 2019 ; Pays-Bas, NL, 2003-2018 ; Écosse, SC, 2001-2016) et trois USIP monocentriques (Bruxelles, BE, 2000-2019 ; Padoue, IT, 2000-2019 ; Oslo, NW, 2000-2019) ont été incluses dans l'étude. Une régression linéaire a permis d’évaluer les changements dans le temps pour les variables continues d'intérêt et une régression logistique binaire pour les variables discrètes, le cas échéant.

Une augmentation du nombre annuel de cas

Au total, il y a eu 15 606 admissions en USIP pour bronchiolite (enfants âgés de moins de deux ans). Il a été observé une augmentation du nombre annuel, du taux et des estimations pour 100 000 enfants des admissions en USIP pour bronchiolite dans tous les sites au cours des deux dernières décennies, tandis que la proportion de patients à haut risque de maladie grave est restée relativement stable. Cette tendance à l'augmentation a également été observée dans la contribution relative des admissions en USIP liées à la bronchiolite par rapport au nombre total d'admissions en USIP, et dans les estimations basées sur la population pour 100 000 enfants pour les sites disposant de données. Dans les cinq sites disposant de données sur les caractéristiques des patients, il n’a pas été observé d'augmentation concomitante de la proportion d'enfants à haut risque d'évolution grave de la bronchiolite, notamment les patients âgés de moins de 6 mois, les comorbidités ou les naissances prématurées. Dans les quatre sites (FR, NL, BE, IT) disposant de données sur l'assistance respiratoire, l'utilisation globale de la ventilation invasive a semblé diminuer avec le temps (FR : Odds Ratio OR 0,86 intervalle de confiance à 95 % IC95% 0,84 - 0,88, NL : OR 0,92 IC95% : 0,90-0,93), ce qui pourrait être lié à un recours plus fréquent à l’assistance respiratoire non invasive, telle que l'HFNC (High-flow nasal cannula), à l'intérieur et à l'extérieur de l'USIP. Cependant, il a été observé de grandes différences dans la proportion d'enfants ayant reçu une ventilation invasive, les sites y recourant soit en majorité (NL) soit en minorité (FR, BE). Mais, paradoxalement, le nombre absolu d’enfants recevant une ventilation non invasive semble rester constant, ce qui indique que la proportion d'enfants chez lesquels une assistance respiratoire non invasive suffit a été le principal moteur de l'augmentation globale de la charge de la bronchiolite dans les USIP.

Pas d’explication à cette augmentation

Les raisons (facteurs liés à l'hôte, au virus et à l'environnement) de cette augmentation de la charge de la bronchiolite pour l'USIP ne sont pas claires. Rien n'indique que la proportion de patients à haut risque, traditionnellement associés à une bronchiolite grave, ait changé. Des études antérieures portant exclusivement sur la bronchiolite à VRS ont montré des fluctuations normales, mais aucune augmentation réelle de la charge en VRS dans la population générale et seulement une augmentation minime des admissions dans les services généraux, ce qui ne peut donc pas expliquer l'augmentation des admissions dans les USIP pour bronchiolite au fil du temps. Cette étude s'est étalée sur une période de près de 20 ans au cours de laquelle les pratiques en soins intensifs pédiatriques, y compris sur les sites de cette étude, ont changé en termes de disponibilité de l'assistance respiratoire non invasive (par exemple, la canule nasale à haut débit, HFNC).

Il existe bel et bien une augmentation inexpliquée de la charge de bronchiolite virale dans les USIP en Europe au cours des deux dernières décennies, probablement liée à l'utilisation accrue des modalités d'assistance respiratoire non invasive. Cette situation mérite que l'on s'y attarde et que la communauté des soins intensifs pédiatriques mène des études prospectives approfondies dans le cadre d'une collaboration internationale, afin d’éclairer les décideurs en matière de soins de santé et les futures stratégies de prévention (vaccination). D’autant que pendant la pandémie de Covid-19, les mesures de distanciation sociale ayant entrainé une chute du nombre de cas de bronchiolite, cela pourrait contribuer à l'émergence d'une population jeune ayant une faible immunité de groupe pour d'importants virus respiratoires communs tels que le VRS. La prudence est de mise dans les années à venir, car une tendance très imprévisible des taux d'admission en USIP pour bronchiolite pourrait survenir, menaçant potentiellement la capacité des soins de santé critiques.

Dr Bernard-Alex Gaüzère

Référence
Linssen RS et coll. : Increasing burden of viral bronchiolitis in the pediatric intensive care unit; an observational study. J Crit Care, 2022, 68 : 165-168. doi.org/10.1016/j.jcrc.2021.07.009.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article