
Paris, le mardi 3 mai 2022 – Plusieurs addictologues alertent sur la hausse de la consommation de cocaïne en France.
« Une épidémie de cocaïne ». Le Pr Amine Benyamina
commente en ces termes la situation à laquelle il fait face depuis
quelques années dans le service de psychiatrie et d’addictologie
qu’il dirige à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif. Comme lui, ils
sont nombreux parmi les addictologues à constater une hausse de la
consommation de cocaïne dans la population et donc à une
augmentation du nombre de patients souffrant d’addiction. Selon
l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives
(OFDT), ce sont 600 000 personnes qui consomment régulièrement ce
produit et 2,2 millions qui l’ont déjà expérimenté, soit quatre
fois plus qu’il y a 20 ans. La cocaïne est devenue le deuxième
stupéfiant le plus consommé en France derrière le cannabis.
Baisse des prix et « démocratisation » de la cocaïne
Cette « épidémie » de cocaïne est due à une forte augmentation de la production mondiale (elle aurait doublé entre 2014 et 2019 selon le dernier rapport de l’ONU) qui a entrainé une baisse des prix. Ces dix dernières années, le prix du gramme de cocaïne en Ile-de-France est passé de 80 euros à 60 euros voire 50 euros dans les quartiers populaires. Fini le cliché tiré des années 1980 du trader ou du chef d’entreprise cocaïnomane. Cette drogue s’est « démocratisée » et n’est plus réservée à l’élite : nombreux sont ceux qui en consomment pour faire la fête ou tout simplement pour travailler, notamment dans la restauration où l’usage de cocaïne serait devenu monnaie courante.
« La cocaïne a suivi le destin naturel d’une drogue : d’abord
elle circule dans des milieux confidentiels en raison de son
prix élevé, puis elle est produite en grande quantité pour subvenir
à la demande, le tarif baisse, résultat tout le monde en
consomme » résume le Pr Benyamina, qui explique que la qualité
et la pureté de la cocaïne disponible au marché noir a augmenté ces
dernières années. Les réseaux sociaux ont également facilité le
trafic et les dealers organisent désormais des « call
centers » qui permettent aux consommateurs d’être livrés à
domicile. Le trafic international tourne lui à plein régime : la
France métropolitaine est alimentée par des filières venues de
Guyane et chaque année les douaniers battent leur record de saisie
(2 tonnes de poudre saisie à l’aéroport d’Orly en 2020).
Une poudre pas si inoffensive
L’une des difficultés des médecins dans la lutte contre la
cocaïne est que cette drogue bénéficie encore aujourd’hui dans la
population d’une relative bonne image de produit « festif ». La
cocaïne, stupéfiant fortement addictif, peut pourtant avoir des
conséquences psychiatriques et somatiques graves. « Le risque,
c’est une atteinte cardiovasculaire, neurologique, un arrêt
cardiaque, c’est une drogue très addictive qui a des effets sur
l’humeur » explique le Pr Benyamina. Contrairement à ce qu’il
en est pour l’héroïne, il n’existe pas de produits de substitution
pour la cocaïne et les addictologues se retrouvent démunis face aux
fortes addictions. « On reconstruit ce qui est cassé : on
traite les maladies psychiatriques, les problèmes cardiaques, on
répare les cloisons nasales ». « Mais malgré toutes nos
alertes, on pense encore que la cocaïne n’est pas dangereuse »
conclut-il amèrement.
Nicolas Barbet