
Au 11 avril 2022, 80 260 092 cas de Covid-19 dont 983 237 décès avaient été signalés aux États-Unis. Le bilan des décès dans ce pays a récemment dépassé celui de la grippe espagnole de 1918 en tant que pandémie la plus meurtrière de l'histoire récente.
Outre les décès liés à la Covid-19, la pandémie a également eu des effets indirects sur d'autres pathologies. C’est ainsi qu’au niveau national, l'espérance de vie a diminué de 1,5 an entre 2019 et 2020, soit la plus forte réduction depuis la Seconde Guerre mondiale ! Au 11 avril 2022, près de 570 millions de doses de vaccin avaient été administrées dans le pays et plus de 11 milliards de doses de vaccin dans le monde.
Dans le monde réel, l'efficacité des vaccins contre la Covid-19 a largement correspondu aux estimations d'efficacité observées lors des essais cliniques. Toutefois, les données et les analyses au niveau des populations sont limitées. D’où l’intérêt de cette étude observationnelle qui a cherché à estimer comment l'augmentation de la couverture vaccinale au niveau des États-Unis avait affecté la mortalité et l'incidence de la Covid-19.
Les données de 300 millions de personnes
Les données de surveillance des cas et d'administration des vaccins ont été collectées par les CDC, de décembre 2020 à décembre 2021 (1), parmi les habitants de 2 558 comtés de 48 États américains, soit près de 300 millions de personnes et 80 % de la population américaine.
Le résultat principal était le taux de mortalité lié à la Covid-19 dans les comtés (décès/100 000 habitants/semaine/comté). Le résultat secondaire était l'incidence du Covid-19.
Les ratios de taux d'incidence ont été utilisés pour comparer les taux selon les niveaux de couverture vaccinale. L'impact d'une amélioration de 10 % de la couverture vaccinale du comté (définie comme au moins une dose de vaccin contre la Covid-19 chez les adultes) a été estimé. Pendant les époques de prédominance des variants alpha et delta, les impacts des niveaux de couverture vaccinale très faible (0 – 9 %), faible (10 – 39 %), moyen (40 – 69 %) et élevé (≥ 70 %) ont été comparés.
Les niveaux de couverture vaccinale plus élevés ont été associés à une réduction des taux de mortalité et d'incidence
Au total, 30 643 878 cas de Covid-19 et 439 682 décès associés à la Covid-19 sont survenus au cours de 132 791 semaines/comté. Une amélioration de 10 % de la couverture vaccinale a été associée à une réduction de 8 % (intervalle de confiance de 95 % IC 95 % de 8 à 9 %) des taux de mortalité et de 7 % (6 à 8 %) de l'incidence, pendant les périodes de prédominance des variants alpha et delta.
Les chiffres correspondants à la réduction de l'incidence des cas par rapport aux comtés les moins vaccinés sont de 57 %, 70 % et 80 %. Ce qui est parfaitement en cohérence avec les résultats des essais cliniques. Il est à noter que l’impact sur la mortalité a été similaire au cours de la seconde moitié de 2021, alors que le variant delta prédominait aux États-Unis, avec des effets plus faibles sur l'incidence.
De façon surprenante, la vaccination aurait eu des effets disproportionnés dans les comtés à couvertures faible et moyenne. Des augmentations de la couverture vaccinale de 20 % (de très faible à faible) et 50 % (de très faible à moyenne) entraînent respectivement des réductions de la mortalité de 60 % et 75 %. L’explication probable est que les campagnes de vaccination y ont tout d'abord ciblé les personnes âgées et fragiles, dont l’histoire nous a appris qu’elles sont les plus exposées aux formes graves et au décès.
Selon un éditorial indépendant relatif à cette publication (2), il est clair que beaucoup plus de vies auraient pu être sauvées si la couverture vaccinale de la population avait été encore plus élevée soulignant l’importance de rester « à jour » dans les vaccinations face à la diminution de l'immunité au fil du temps et à l’apparition de nouveaux variants du SARS-CoV-2. Alors, comment ne pas évoquer les décès qui auraient pu être évités si la politique et la désinformation ne s’étaient pas opposées à l’élargissement, voire à la généralisation de la vaccination ?
Les comtés les moins vaccinés, probablement dans les états opposés à la vaccination, principalement dans le sud du pays, sont ceux dans lesquels la réduction de la mortalité a été la plus faible. Alors que les données sont désormais disponibles, état par état, quelques questions douloureuses risquent d’être posées aux gouverneurs populistes et aux relayeurs de fausses informations, voire donner lieu à des procès et des demandes d’indemnisation.
Oui, les vaccins protègent les communautés contre les maladies et les infections graves
Outre les avantages au niveau individuel, cette vaste étude démontre que les vaccins protègent les communautés contre les maladies et les infections graves. Une couverture vaccinale plus élevée semble conférer des niveaux plus importants de bénéfices communautaires. Étant donné que les avantages communautaires sont ancrés dans les avantages individuels, pour lesquels l'efficacité des vaccins a été établie dans des pays du monde entier, ces données peuvent être généralisées à d'autres pays.
Plusieurs limites doivent être prises en compte lors de l'interprétation de ces données. D'autres marqueurs de la gravité de la maladie, tels que les admissions à l'hôpital, n'ont pas été explorés dans cette étude en raison de différences possibles dans la couverture de la vérification et de la déclaration entre les juridictions.
Enfin, étant donné que des données agrégées de surveillance des cas ont été utilisées pour disposer des données les plus complètes sur les cas et les décès, d'autres caractéristiques, telles que les données démographiques et les comorbidités, n'étaient pas disponibles. Enfin, l'immunité naturellement acquise à la suite de l'infection par le SARS-CoV-2 peut avoir influé sur la réduction de l'incidence des cas observée pendant la période d'étude.
Néanmoins, les réductions de l'incidence et des décès observées dans les données américaines émergentes à l'aide de sources de données et de conceptions d'études alternatives renforcent ces conclusions ainsi que leur ampleur.
À quand une telle étude en France ?
Dr Bernard-Alex Gaüzère