Les limites du SOFA pour prédire la mortalité en Réanimation

L'évaluation séquentielle de la défaillance des organes (SOFA), tout d'abord dénommée évaluation de la défaillance des organes liée au sepsis, a été introduite en 1996. SOFA qui décrit et quantifie la gravité du dysfonctionnement ou de la défaillance de six organes essentiels, n'était, à l’origine, pas destiné à augurer du devenir du patient, jusqu’à ce que plusieurs études montrent qu'il peut assez bien prédire la mortalité dans des groupes de patients en état critique, élargissant ainsi son utilisation bien au-delà de son objectif initial.

Dans les essais contrôlés randomisés, l'étalon-or des critères d'évaluation est bien souvent la mortalité toutes causes confondues. Or, les essais interventionnels ne parviennent pas toujours à détecter une différence entre les groupes en matière de mortalité, raison pour laquelle l'utilisation de critères de substitution - comme SOFA - suscite un intérêt croissant, à tel point que des autorités réglementaires, comme l'Agence européenne des médicaments, approuvent parfois l'utilisation de paramètres de substitution en lieu et place de la mortalité comme objectifs principaux d’une étude.

SOFA est-il équitable ? Une bonne question !

SOFA qui est une variable scalaire, est vraisemblablement plus sensible pour détecter les effets d'une intervention que la mortalité, une variable binaire. Cependant, SOFA ne pourrait être considéré comme un critère d'évaluation non biaisé que si toutes ses composantes avaient un poids comparable en tant que mesure de la gravité du dysfonctionnement des organes.

De plus, l’expérience clinique montre que certaines défaillances d'organes sont plus susceptibles de se produire simultanément.

L'objectif de cette étude basée sur les données des registres nationaux des patients adultes admis dans 26 USC finlandaises au cours de la période 2012-2015, est de déterminer si les différentes composantes du score SOFA, enregistrées au cours des 24 premières heures dans l'unité de soins critiques (USC), ont un poids comparable en termes d'association avec la mortalité.

En d'autres termes, à scores SOFA comparables, les patients ont-ils des probabilités comparables de décéder, indépendamment de leurs défaillances d’organes ? Comment les combinaisons de différentes défaillances d’organes sont-elles associées à la mortalité ? En outre, cette étude a évalué l'association entre des scores SOFA croissants et la mortalité dans différents groupes de patients.

La mortalité à la sortie de l'hôpital était le critère d'évaluation principal. La mortalité à la sortie de l'USC et la mortalité au cours des 12 mois étaient les critères secondaires. Le score SOFA a été défini comme étant le score maximal au cours des 24 premières heures après l'admission en USC et la défaillance d'organe comme un score SOFA spécifique à un organe de trois ou plus. Enfin, l'association des différents scores des composants du SOFA avec la mortalité a été évaluée.

D’importantes différences de mortalité selon le type de défaillance

La population étudiée comprenait 63 756 patients avec une mortalité hospitalière globale de 10,7 %.

La mortalité hospitalière a été de 22,5 % chez les patients présentant une insuffisance respiratoire, de 34,8 % chez ceux présentant des troubles de la coagulation, de 40,1 % chez ceux présentant une insuffisance hépatique, de 14,9 % chez ceux présentant une insuffisance cardiovasculaire, de 26,9 % chez ceux présentant une défaillance neurologique et 34,6 % chez ceux présentant une insuffisance rénale. Parmi les patients ayant des scores totaux SOFA comparables, le risque de décès a été plus faible chez les patients souffrant d’une défaillance cardiovasculaire que chez ceux avec d'autres défaillances d’organe.

Mettre à jour le score du dysfonctionnement cardiovasculaire afin d’améliorer la valeur pronostique de l’ensemble du score

Bien que l'une des principales limites de cette étude réside dans le fait que les scores SOFA n'étaient basés que sur des mesures effectuées au cours des 24 premières heures en USC, alors que des études antérieures ont bien établi que l'évolution du score SOFA au fil du temps est le facteur prédictif le plus fiable de la mortalité, cette étude confirme que toutes les composantes du SOFA sont effectivement associées à la mortalité, mais à des degrés différents.

En effet, des scores SOFA cardiovasculaires élevés n’impliquaient pas un risque de décès aussi important que des scores élevés d'autres composantes SOFA, possiblement en raison du recours précoce à la noradrénaline qui est devenu courant dans tous les pays, vidant ainsi de son sens la valeur de la composante cardiovasculaire du score et affaiblissant ainsi son lien avec la mortalité.

De plus, les combinaisons de défaillances d’organe incluant une insuffisance cardiovasculaire ont été associées à une mortalité plus faible que les autres combinaisons de défaillances d’organes.

Le poids du dysfonctionnement cardiovasculaire doit donc être mis à jour afin d’améliorer la valeur pronostique de l’ensemble du score.

Dr Bernard-Alex Gaüzère

Référence
Pölkki A, Pekkarinen PT, Takala J, Selander T, Reinikainen M : Association of Sequential Organ Failure Assessment (SOFA) components with mortality. Acta Anaesthesiol Scand. 2022; 66: 731– 741. doi:10.1111/aas.14067

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