
Comme souvent à la chambre haute, les débats se sont tenus
dans le calme et sans être gangrénés par des considérations
purement politiques. Ce mercredi, la commission des affaires
sociales du Sénat a examiné et adopté le projet de loi de
financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2023 et y a ajouté
une centaine d’amendements. D’autres modifications sont à attendre
alors que le texte sera examiné à partir de ce lundi en séance
publique, une semaine après qu’il a été adopté par l’Assemblée
Nationale via la voie très particulière de l’article 49.3 de la
Constitution.
Un Ondam qui fait débat
De nombreux amendements adoptés par les sénateurs s’assimilent
à un toilettage du texte et consistent à retirer toutes les
dispositions que les parlementaires estiment n’avoir qu’un rapport
trop lointain avec les questions budgétaires. Supprimés donc tous
les articles portant sur l’organisation des soins et notamment sur
le développement de la pratique avancée infirmière et le partage de
la charge de la permanence des soins.
La présidente LR de la commission, le Dr Catherine Deroche, a
assuré que ces dispositions, auxquelles les sénateurs ne sont pas
opposés sur le fond, pourront être intégrées dans la prochaine
proposition de loi de la députée Stéphanie Rist sur le
développement de l’accès direct.
Plus polémique, le Sénat s’est également permis quelques mises
au point budgétaires. Si l’Ondam inscrit dans le PLFSS a été adopté
par la commission, elle y a ajouté une « clause de revoyure » car
les sénateurs estiment que les taux envisagés « ne semblent pas
suffire à absorber des besoins de santé en forte hausse dans un
contexte inflationniste », la preuve avec notamment les
récentes rallonges budgétaires accordées en urgence à la pédiatrie
hospitalière.
La commission a également adopté un amendement qui prévoit que
toutes nouvelles dépenses qui seraient adoptées dans le cadre des
négociations pour la future convention médicale (qui débutent ce
mercredi) devront être validées dans une loi de financement de la
sécurité sociale rectificative. Toujours sur les questions
budgétaires, les parlementaires souhaitent limiter encore un peu
plus le recours à l’intérim à l’hôpital et ont créé une
contribution exceptionnelle de 300 millions d’euros sur les
complémentaires santé.
Le Sénat adopte la 4ème année d’internat en MG…à sa manière
C’est sur la question ô combien polémique de la création d’une
quatrième année d’internat en médecine générale en zone sous-dense
que les débats ont été les plus animés. Les parlementaires ont
finalement décidé de remplacer l’amendement en question par le
texte de la proposition de loi du sénateur Bruno Retailleau adopté
par le Sénat il y a quelques semaines et qui va dans le même sens.
Seule différence, mais elle est de taille, le dispositif sénatorial
prévoit que les internes généralistes de 4ème année pourront être
payés à l’acte.
Le Dr Deroche a profité de ces débats pour exprimer une
nouvelle fois son opposition à toute forme de coercition à
l’encontre des médecins libéraux, une méthode qui n’a « jamais
marché nulle part » estime-t-elle, citant les travaux de
l’économiste de la santé Dominique Polton. Une position qui est
loin de faire l’unanimité au Sénat, où de nombreux parlementaires
qui représentent des territoires sous-dotés en médecins, souhaitent
mettre en place une forme de régulation à l’installation.
Les communistes appellent à la coercition tous azimuts
Alors que ces débats feutrés se tenaient au Palais du
Luxembourg, les députés communistes ont eux décidé de dégainer une
nouvelle proposition de loi sur l’offre de soins, après avoir été
quelque peu bâillonnés par le 49.3. Pour « rapidement désamorcer
» cette « bombe à retardement » qu’est l’état actuel de
notre système de santé, les députés communistes n’y vont pas de
main morte et misent à fond sur la coercition.
Réquisition des médecins libéraux en cas d’afflux anormal de
patients aux urgences, mise en place du conventionnement sélectif,
stage obligatoire en zones sous-denses pour les internes en fin
d’étude, contrat d’engagement de service public obligatoire : avec
cette proposition de loi, la médecine de ville n’aurait plus
grand-chose de libéral.
Si cette proposition de loi, qui reprend plusieurs articles
d’une précédente proposition rejetée par le Parlement en fin
d’année dernière, a bien peu de chances d’aboutir, elle a le mérite
de montrer qu’il existe des visions diamétralement opposées sur
l’organisation idéale de notre système de santé et que l’éternel
débat sur la coercition des médecins libéraux est toujours
vivace.
Quentin Haroche