Où le stress psychosocial influe sur le risque d’AVC

Le stress psychosocial autodéclaré est considéré comme un facteur de risque indépendant d’accident vasculaire cérébral (AVC) et d’infarctus myocardique. Une exposition  à long terme à un stress accru a été associée au développement d’une athérosclérose et d’une maladie des petits vaisseaux. A court terme, une augmentation du stress a été signalée comme déclencheur d’événements cardiovasculaires aigus. Malgré un consensus sur le rôle du stress dans les AVC, on doit regretter qu’aucune intervention notable n’ait été entreprise pour tenter d’en diminuer l’importance. Même si l’exposition au stress n’est pas toujours évitable, certaines stratégies d’adaptation peuvent en atténuer l’impact (notion de locus de contrôle*).

Une sous-analyse de l’étude INTERSTROKE

INTERSTROKE est une vaste étude cas-témoin internationale sur les facteurs de risque de premier AVC qui a recruté 13 462 patients ayant présenté un AVC et 13 488 témoins, entre le 11 janvier 2007 et le 8 août 2013. Pour cette analyse de l’association entre une exposition dans l’année précédente à un stress psychosocial et la survenue d’un AVC, furent appariés selon l’âge, le sexe et la zone d’habitation 13 350 cas avec 13 462 contrôles (âge moyen 62,2 [13,6] et 61,3 [13,3] ans, hommes 59,6 %). La nature de l’AVC était précisée par imagerie, la sévérité quantifiée par l’échelle modifiée de Rankin à l’inclusion et à un mois. Le stress a été défini comme un sentiment d’irritabilité ou d’anxiété ou des difficultés au sommeil en raison des conditions de travail ou de la vie courante. Le stress durant l’année précédente fut mesuré à l’aide d’un questionnaire standardisé auto rapporté qui a ciblé le stress à domicile, au travail, et financier. Le lieu de maitrise, ou locus de contrôle, a été mesuré par une échelle à 6 items analysant le degré de maitrise ressenti à domicile ou au travail, la perception d’équité, l’optimisme quant à l’avenir. Furent aussi collectées des données démographiques et médicales (pression artérielle, mode de vie, dépression dans les 12 mois précédents…).

Cartographie du stress

Globalement, les sujets souffrant de stress général élevé étaient plus jeunes (âge moyen 57,5 [3,7] ans vs 62,6 [13,2] ans), avaient un niveau scolaire plus élevé, un index de masse corporelle plus haut et une activité physique plus restreinte. La fréquence la plus faible d’un état de stress permanent ou très fréquent a été observée en Chine (5 % des témoins et 9,1 % des cas) et, à l’opposé, était très élevé en Asie du Sud Est (respectivement 26,1 et 30,8 %). Les états à forts revenus avaient dans l’ensemble un niveau de stress permanent plus important que celui des pays à faibles revenus.

Association entre AVC et stress…

Au total, 1901 cas (14,2 %) ont rapporté plusieurs périodes de stress dans l’année contre 1292 témoins (9,6 %). En analyse multivariée, être stressé de façon permanente ou répétitive à domicile a été associé à une augmentation statistiquement significative du risque d’AVC : OR 1,95 (CI : 1,77-2,15) pour les AVC ischémiques et OR 2,95 (CI : 2,05-3,18) pour les hémorragies intra-cérébrales. Il en fut de même en cas de stress professionnel permanent ou itératif, l’OR étant alors calculé à 2,27 (CI : 2,25-3,23) pour les ischémies et à 5,20 (CI : 3,48-7,77) pour les hémorragies. Tout évènement stressant de vie a été associé à une augmentation du risque (OR global 1,17 [CI : 1,09-1,25]), d’ampleur plus élevée en cas d’association de 2 événements stressants ou plus (OR 1,31 [CI : 1,19-1,43]). L’OR était de 1,77 (CI : 1,60-1,98) en cas de conflit familial majeur, de 1,33 (CI : 1,07-1,66) en cas de séparation et de divorce et de 1,35 (CI : 1,11-1,63) lors du décès d’un conjoint.

… tempérée par le contrôle

A l’inverse, un lieu de maitrise élevé a été associé à une réduction significative des AVC tous types confondus : OR 0,73 (CI : 0,86- 0,70), sans atteindre une signification statistique pour le seul locus de contrôle au travail : OR 0,90 (CI : 0,80-1,01). Toutefois, en cas de stress professionnel, un niveau de contrôle élevé a été associé à un risque plus faible, en comparaison avec un niveau de contrôle plus réduit (OR 2,20 vs 2,70 ; p=0.008 pour l’interaction).

L’association entre stress répétitif ou permanent a été noté dans toutes les zones géographiques pour les AVC ischémiques, à l’exclusion des pays africains. En analyse stratifiée en fonction du sexe, l’association entre conflits intrafamiliaux et autres événements stressants de vie et risque d’AVC était plus forte chez les hommes que chez les femmes.

Une cible pour la prévention ?

Ce travail démontre qu’un stress psychosocial rapporté dans les 12 mois est associé à une majoration du risque d’AVC, ceci pour tout type de stress. Cette association est indépendante du statut socio-économique, du niveau d’éducation, de la profession exercée et des autres facteurs de risque cardiovasculaires, tels qu’une hypertension artérielle, un tabagisme ou un régime alimentaire inadéquat. Point notable, un niveau de contrôle élevé tend à diminuer l’ampleur de cette association. Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents seraient essentiellement une activation du système nerveux autonome conduisant à une vasoconstriction et à une rupture de plaques vasculaires chez les individus les plus vulnérables. Jouent aussi un rôle dans l’association la présence d’une forte sédentarité, d’un indice de masse corporelle élevé et d’une consommation éthylique excessive. Les réserves inhérentes à ce travail tiennent au fait qu’il s’agit d’une étude auto rapportée, avec une perception du stress qui a pu varier selon les individus, les pays et la culture locale.

En conclusion, cette étude cas contrôle internationale démontre l’association entre stress psychosocial et risque d’AVC tous types confondus. Elle est retrouvée dans toutes les classes d’âge et zones géographiques, à l’exception possible de l’Afrique. Le niveau de contrôle semble être un modificateur d’effet important dans cette association, et mériterait une évaluation plus approfondie en tant que cible potentielle des interventions de santé publique.


*Locus de contrôle (ou lieu de maitrise) : en psychologie de la santé, il s’agit de «  la tendance que les individus ont à considérer que les événements qui les affectent sont le résultat de leurs actions ou, au contraire, qu’ils sont le fait de facteurs externes sur lesquels ils n’ont que peu d’influence, par exemple la chance, le hasard, les autres, les institutions ou l’État » (ref : https://fr.wikipedia.org/wiki/Locus_de_contr%C3%B4le)

Dr Pierre Margent

Référence
Reddin C, Murphy R, Hankey GJ, et al ; INTERSTROKE investigators. Association of Psychosocial Stress With Risk of Acute Stroke. JAMA Netw Open. 2022 Dec 1;5(12):e2244836. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2022.44836. PMID: 36484991.

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