
Paris, le mardi 3 janvier 2023 – La liste des pays qui mettent en place des contrôles sanitaires pour les voyageurs venus de Chine ne cesse de s’allonger, provoquant l’ire de Pékin.
La mise en place de tests Covid obligatoires pour les voyageurs venus de Chine a beau être jugé peu utile par de nombreux scientifiques, qui considèrent que des contrôles aux frontières ne peuvent pas empêcher la circulation d’un virus, de plus en plus de pays se tournent vers cette solution, dans l’espoir d’empêcher l’arrivée d’un éventuel variant chinois sur leur territoire. Après l’Italie, l’Espagne ou les Etats-Unis, c’est au tour du Royaume-Uni et de l’Australie de demander aux résidents Chinois qui veulent se rendre dans l’ile-continent de présenter un test négatif de moins de 48 heures. Le Maroc a lui pris une décision encore plus radicale, puisque tous les vols entre la Chine et son territoire sont suspendus à compter de ce mardi.
Rappelons qu’en France, conformément à un décret publié samedi dernier, toute personne désirant se rendre sur le territoire national depuis la Chine devra, à compter de ce jeudi, présenter lors de l’embarquement un test négatif de moins de 48h et s’engager à accepter d’être éventuellement testé à son arrivée en France. Par ailleurs, dès ce dimanche, les passagers sont obligés de porter un masque tout le long du vol.
Bruxelles offre des vaccins bivalents à la Chine
Des mesures de contrôles aux frontières très peu appréciés par Pékin, en ce qu’elles remettent en cause son plan de réouverture du pays. En effet, à compter du 8 janvier, les sujets entrant en Chine n’auront plus à respecter une période d’isolement, une mesure qui doit permettre aux Chinois de reprendre les voyages internationaux après trois ans de fermeture du pays.
Ce mardi, le ministère des affaires étrangères chinois a annoncé que les mesures prises par les pays occidentaux étaient “dénuées de base scientifique et inacceptables” et a menacé de “prendre des contre-mesures, selon le principe de réciprocité”. “On fait cela dans le respect des règles de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et on continuera de le faire” estime pour sa part la Première Ministre Elisabeth Borne.
Malgré ces critiques du gouvernement chinois, l’Union Européenne continue de tendre la main à Pékin et de tenter d’amorcer une coopération sanitaire. Selon des informations du Financial Times, Bruxelles aurait ainsi récemment proposé à la Chine de lui livrer gratuitement des vaccins à ARN bivalent, adaptés aux virus Omicron et potentiellement plus efficace que les vaccins chinois. “La commissaire européenne à la Santé Stella Kyriakides a contacté ses homologues chinois pour leur offrir une expertise en matière de santé publique, notamment des vaccins européens adaptés aux variants” écrit le quotidien britannique. La Chine ayant toujours mis un point d’honneur à refuser d’importer les vaccins occidentaux, il est probable que cette offre généreuse ne soit pas acceptée.
Une épidémie d’ampleur inédite
La situation épidémique est toujours aussi confuse dans l’Empire du Milieu, où l’abandon brutale de la stratégie zéro-Covid le 7 décembre dernier a permis au virus de circuler librement. Depuis le 25 décembre dernier, la Commission nationale de la santé a cessé de publier des statistiques officielles, qui étaient de toute façon biaisées par l’abandon du dépistage massif et par la définition très restrictive des décès par Covid-19 retenue par le gouvernement chinois. C’est désormais le Centre de contrôle et de prévention des maladies chinois (CDC) qui publie les données officielles, mais seulement une fois par mois !
Les experts en sont donc réduits à des conjectures mais les données parcellaires qui émanent des rares régions où des statistiques sont encore publiées permettraient d’estimer qu’environ 250 millions de personnes ont été contaminées en seulement un mois. Selon les épidémiologistes chinois, le pic aurait été atteint dans les grandes villes du pays, où entre un tiers et la moitié des habitants ont été contaminés. Le Nouvel an chinois à la fin du mois de janvier et au cours duquel des centaines de millions de Chinois retrouvent leur famille, devrait introduire le virus dans les campagnes. Le nombre de décès est également inconnu mais les files d’attente devant les crématoriums bondés laissent présager d’une hécatombe qui pourrait bientôt se chiffrer en millions de morts.
Et si la menace venait des Etats-Unis ?
Selon le virologue Bruno Lina, la Chine paye sa politique zéro-Covid, qui a corseté le pays durant trois ans, mais surtout son faible taux de vaccination. “La politique zéro-Covid a du sens si elle est menée comme l’a fait la Nouvelle-Zélande : le pays a fermé ses frontières et ne les a rouvertes que lorsque la population a été immunisée après une politique massive de vaccination ; à l’inverse, cela fait des mois que les scientifiques disent que la Chine se prépare à une catastrophe” explique le scientifique.
Comme l’ont souligné depuis plusieurs semaines de nombreux experts, la circulation du virus dans une population aussi importante augmente le risque d’apparition de nouveaux variants plus contagieux mais surtout plus pathogènes. Pour le moment cependant, il semble que les variants dominants en Chine soient des mutants d’Omicron circulant déjà en Europe, BA.5 et BF.7 notamment.
Mais alors que tous les yeux sont braqués vers la Chine, la menace pourrait venir des Etats-Unis. Un sous-variant d’Omicron nommé XBB.1.15 y progresse rapidement et est en passe de devenir majoritaire. Ce variant présenterait tout à la fois une plus grande capacité d’échappement immunitaire et une contagiosité accrue par rapport aux autres variants d’Omicron. “Si un nouveau variant, quel qu’il soit, s’imposait en Europe, il serait responsable en France d’une 10ème vague épidémique” explique le Pr Bruno Megarbane, chef du service de réanimation de l’hôpital Lariboisière.
La Covid-19 est décidément un éternel recommencement.
Quentin Haroche