
Paris, le mardi 3 janvier 2023 – Toujours opposés à la CNAM sur le montant des efforts budgétaires que doit réaliser le secteur, les biologistes médicaux ont cessé de faire remonter le résultat des tests Covid-19 et menacent d’une grève.
“Un janvier noir pour éviter des années noires”. En ce début d’année 2023, les biologistes médicaux sont bien décidés à faire entendre leur colère et leur revendication. Depuis ce lundi, les laboratoires privés ont cessé de remonter les résultats des tests Covid-19 au système SI-DEP, qui permet de centraliser le dépistage, comme ils l’avaient déjà fait fin octobre. Si les patients continueront de recevoir le résultat de leurs tests, les autorités vont en revanche perdre en visibilité sur le suivi de l’épidémie.
Cette nouvelle grève SI-DEP n’est qu’un nouveau rebondissement du bras de fer qui oppose depuis maintenant près de trois mois les biologistes médicaux, dont les syndicats et les grands groupes privés se sont rassemblés dans l’Alliance de la biologie médicale (ABM) et le gouvernement sur la question des efforts budgétaires que le secteur va devoir faire ces prochaines années. La dernière loi de financement de la Sécurité Sociale (LFSS) pour 2023 prévoit déjà des économies de 250 millions d’euros. Après des négociations houleuses, marquées par une grève début décembre, les biologistes et la CNAM sont finalement parvenus à un accord pour la répartition de ce coup de rabot budgétaire, entre les tests Covid (70 millions d’euros) et les actes courants (180 millions).
Jusqu’à 1,3 milliards d’euros d’économie d’ici 2026
Mais c’est s’agissant de la période 2024-2026 que les négociations achoppent. La CNAM souhaiterait réaliser 1,3 milliards d’euros d’économies entre 2023 et 2026 au total. Pour faire passer la pilule, elle promet d’investir 150 millions d’euros pour aider les biologistes à financer des “actes innovants”. Mais du côté des biologistes, on estime impossible de réaliser plus de 685 millions d’euros d’économie entre 2023 et 2026, ce qui représenterait déjà 80 % des bénéfices liés à la pandémie de Covid-19.
“Si ces politiques sont appliquées à court terme, ce sera 400 laboratoires et 10 000 emplois en moins” s’inquiète Lionel Barrand, président du syndicat Les Biologistes Médicaux. “Nous ne pourrons pas répondre aux prochaines vagues épidémiques dans ces conditions, ni au renforcement des politiques de prévention dans le pays” ajoute le biologiste qui dit craindre “la fin de la biologie médicale de proximité qu’on connait et une dégradation du système dans son ensemble”. Les biologistes regrettent également la lenteur des négociations, l’Assurance Maladie ayant renvoyé les discussions sur le montant des économies et leur répartition à “la signature d’un protocole pluriannuel avant la fin du premier semestre”. “On aimerait une visibilité au moins jusqu’en 2025” demande François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes (SDBIO).
Vers une grève dure dans les prochains jours ?
Cette grève des remontées SI-DEP a été très vivement critiquée par le ministre de la Santé François Braun. “Prendre en otage la santé des Français n’est pas admissible, négocier en me mettant un fusil sur la tempe n’est pas une façon de faire” lance-t-il. Pour le ministre, les économies demandées sont raisonnables au regard des importants bénéfices réalisés par les laboratoires grâce à la pandémie (1,6 milliards d’euros en 2020, 3 milliards en 2021). “Ces bénéfices sont liés à l’argent des Français, il est normal que tout le monde participe à l’effort” estime François Braun, qui tempère en précisant dans la foulée que “sa porte était toujours ouverte”.
Si le mouvement se limite pour le moment à l’arrêt de la remontée des tests, les biologistes envisagent d’aller plus loin si les négociations n’avancent pas. Ils pourraient ainsi décider d’arrêter le séquençage des prélèvements positifs pour le virus de la Covid-19 (une question d’actualité au vu de la situation chinoise) voire même la fermeture des laboratoires, comme ce fut déjà le cas début décembre. “Nous envisageons une nouvelle grève nationale sur plusieurs jours et l’arrêt total des actes Covid pour une durée indéterminée” prévient François Blanchecotte.
Une grève dure qui, combinée à celle des médecins libéraux actuellement en cours, pourrait mettre encore un peu plus en difficulté notre système de santé moribond.
Grégoire Griffard