Le Pr Alain Fischer dénonce l’ « état préoccupant » de la recherche française

Paris, le jeudi 19 janvier 2023 – Manque de moyens, lourdeurs administratives, objectifs mal définis : le Pr Alain Fischer dresse un portrait inquiétant de l’état de la recherche française.

Dans la période de crise de notre système de santé que nous traversons, il ne se passe pas une semaine sans que l’on dénonce la dégradation et la situation alarmante de telle ou telle branche de la médecine. Cette semaine, c’est l’état inquiétant d’un secteur moins fréquemment mis en lumière, celui de la recherche biomédicale, qui est déploré. L’alerte ne vient pas de n’importe qui : c’est le Pr Alain Fischer, l’un des plus éminents scientifiques français (il a notamment été président du conseil d’orientation de la stratégie vaccinale durant la crise sanitaire) qui publie ce mercredi pour le think tank Terra Nova un rapport sur l’ « état préoccupant » de la recherche en France.

Le travail du Pr Fischer s’appuie sur un constat implacable : « la recherche biomédicale est en recul en France ». Notre pays n’occupe plus les premiers rangs des divers classements internationaux sur la recherche, comme c’était le cas il y a encore une quinzaine d’années. « La part de la France dans les publications scientifiques mondiales a baissé de 34 % entre 2005 et 2018 et notre place mondiale a reculé du sixième au neuvième rang, derrière l’Italie et la Corée du Sud » explique le spécialiste de l’immunologie. « Le déclin est plus relatif qu’absolu : ce sont les autres qui progressent plus vite alors que nous restons sur un plateau ».

« La priorité c’est le financement »

Les causes de ce déclin sont finalement les mêmes que pour toutes les autres difficultés que rencontre notre système de santé : un manque de moyens et une mauvaise organisation administrative. « La priorité c’est le financement » explique le Pr Fischer, « l’effort financier est très insuffisant ». « Des moyens supplémentaires doivent servir à améliorer l’attractivité du métier en revalorisant les salaires et en offrant un meilleur environnement de travail » poursuit ce pionnier de la thérapie génique.

Il appelle ainsi Emmanuel Macron à prendre exemple sur l’Allemagne, où le budget de la recherche a beaucoup augmenté sous le gouvernement d’Angela Merkel, elle-même docteur en chimie. Par ailleurs, le Pr Fischer regrette le temps et l’énergie que les chercheurs doivent désormais déployer pour obtenir de l’argent, depuis que les sources de financement se sont multipliées.

De là, on en arrive logiquement à l’autre frein majeur au développement de la recherche, celui du millefeuille administratif. La multiplication des différentes agences consacrées à la recherche (ANRS-MIE, INCa, Inserm…sans oublier les hôpitaux) n’a fait que complexifier les choses. « L’un de mes constats est qu’il n’y a pas beaucoup de stratégie autour de la recherche médicale en France » explique le Pr Fischer, qui appelle à la création d’une « institution forte pour simplifier le système, dont l’organisation en millefeuille nuit à l’efficience », un rôle que l’Inserm pourrait remplir selon lui.

Actuellement, l’organisation de la recherche française conduirait à promouvoir des études court-termistes de faible qualité. Le Pr Fischer critique notamment l’indicateur Sigaps, qui oriente l’attribution des financements et qui ne prend en compte que le nombre de publications scientifiques « sans distinguer réellement le poids d’un article selon sa qualité, une folie qui encourage les publications nombreuses d’intérêt modeste ».

La culture scientifique méprisée en France ?

Le Pr Fischer pointe également du doigt les difficultés rencontrées par la recherche hospitalière, avec toujours les mêmes observations : pas assez de moyens, pas de stratégie et des « décisions prises par des administrateurs sans lien avec la recherche ou l’université ». Les programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) fonctionnent mal, malgré un budget important : seulement 1 700 articles publiés et 5 000 projets en 20 ans. Là encore, le Pr Fischer appelle à une simplification administrative et à confier aux chercheurs le choix de définir leur stratégie de recherche.

Plus globalement, le Pr Fischer se plaint du recul généralisé de la place de la science en France. « Dans notre pays, la culture scientifique n’a pas la même place que la littérature ou les arts » regrette-t-il. Celui qui vient d’être nommé président de l’Académie des sciences plaide pour sa paroisse : pour lui, l’institution doit assurer un rôle d’ « éducation à la rationalité des citoyens » et de conseil scientifique du pouvoir politique. « Il faut que les citoyens aient une meilleure prise de conscience des enjeux scientifiques, ce serait bénéfique pour la démocratie » conclut l’académicien.

Grégoire Griffard

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