
Kiev, le jeudi 16 février 2023 – La guerre en Ukraine a provoqué la pire crise humanitaire que l’Europe ait connu depuis la Deuxième Guerre Mondiale.
Le 24 février 2022, le président russe Vladimir Poutine lançait des centaines de milliers de ses soldats à la conquête de l’Ukraine. Un an plus tard, la guerre éclair voulue par le dictateur continue de faire rage et ne semble pas près de prendre fin, alors que de violents combats continuent d’opposer les troupes russes et ukrainiennes dans l’est du pays. Une guerre qui a bouleversé l’équilibre du monde mais qui est surtout la cause d’une crise humanitaire d’une ampleur terrifiante.
Difficile de connaitre un bilan précis des pertes humaines provoquées par ces presque 12 mois de combat. Selon différentes sources, l’armée ukrainienne déplorerait entre 100 000 et 150 000 morts et blessés contre entre 150 000 et 180 000 pertes pour les envahisseurs russes. Plus de 40 000 civils ukrainiens auraient perdu la vie, dont la moitié dans la seule ville de Marioupol, cité portuaire du sud-est du pays conquise par l’armée russe après de violents combats en mai dernier. Nombreux sont les civils ukrainiens qui ont été victimes des bombardements russes ciblant les villes du pays où de crimes de guerre commis par les occupants.
8 millions de réfugiés ukrainiens
Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 8 millions d’Ukrainiens ont quitté leur pays depuis le début du conflit, soit 18 % de la population ukrainienne, sans compter les 5 millions de déplacés intérieurs. Près de 3 millions d’entre eux sont partis vivre en Russie, ce que le gouvernement ukrainien qualifie d’ « évacuations forcées ». Les autres ont notamment trouvé refuge en Pologne (1,5 million de réfugiés), en Allemagne (1 million) et en République Tchèque (480 000). La France a accueilli pour le moment 120 000 Ukrainiens sur son territoire. Au sein de l’Union Européenne, ces réfugiés bénéficient du système dit de « protection temporaire » qui leur assure notamment un accès gratuit à la santé.
Pour les millions d’Ukrainiens restés dans leur pays, la destruction d’une grande partie des infrastructures civiles par les envahisseurs russes rend la vie particulièrement difficile. 50 % de ces infrastructures auraient été endommagées au cours des combats, dont une grande partie du réseau énergétique. Des millions d’Ukrainiens sont ainsi privés d’électricité, alors que les températures descendent régulièrement en dessous des -10°C. Fort heureusement, les Ukrainiens se chauffent majoritairement au gaz, qui, paradoxalement, continue d’être acheminé depuis la Russie.
Les services de santé ukrainiens payent un lourd tribut à la guerre menée contre la Russie. En novembre dernier, on comptabilisait plus de 703 attaques contre des établissements de santés ukrainiens (ce qui constitue un crime de guerre) dont 144 qui ont été complètement détruits par les frappes russes. En juillet dernier, le ministère de la Santé ukrainien faisait état de 18 médecins et infirmiers tués depuis le début de l’invasion russe. Le 2 février, Pete Reed, un infirmier américain volontaire, a été tué dans une frappe russe près de Bakhmut.
L’Ukraine accusée d’utiliser des mines anti personnelles
Mais la préoccupation principale des associations humanitaires est désormais la prolifération de mines anti personnelles sur une grande partie du territoire ukrainien. L’organisation non gouvernementale (ONG) Halo, spécialisée dans le déminage, estime que 30 à 40 % du territoire ukrainien est potentiellement miné, soit une zone plus grande que le Royaume-Uni. « L’élimination des mines terrestres sur le territoire ukrainien est l’un des plus grands défis causés par la guerre dans l’histoire récente, le nettoyage de l’Ukraine nécessitera un financement mondial sans précédent et une collaboration entre les donateurs étatiques, privés et philanthropiques » estime Yulia Melnyk, une démineuse travaillant pour Halo.
Si l’utilisation de mines anti personnelles par l’armée russe est clairement établie, l’ONG Human Rights Watch (HRW) accuse les forces ukrainiennes d’avoir également déployé ce genre d’explosifs dans un rapport rendu ce mardi. Selon l’organisme, l’Ukraine aurait utilisé des mines PFM appelées « mines papillon » ou « mines pétale », qui sont déployées par des roquettes, lors de la bataille d’Izioum en septembre dernier. L’Ukraine a pourtant signé la Convention d’interdiction des mines de 1997 (contrairement à la Russie) et s’est engagée dans un processus de destruction de son stock de mines.
Les agents de HRW ont mené l’enquête dans la région d’Izioum en octobre dernier, après la libération de la ville par l’armée ukrainienne. Ils ont ainsi découvert qu’une cinquantaine de civils, dont des enfants, avaient été gravement blessés à cause de ces armes. « Les forces russes ont fait un usage répété de mines anti personnelles et commis des atrocités dans tout le pays, mais cela ne justifie pas l’utilisation par l’Ukraine d’armes prohibées » rappelle Steve Goose, auteur du rapport de HRW. Mais le ministère de la Défense ukrainien n’a pour le moment pas daigné répondre aux accusations de HRW, signe peut être que Kiev considère que le combat légitime pour la défense du pays impose malheureusement d’oublier certains principes moraux.
Grégoire Griffard