
Paris, le mercredi 1er mars 2023 – C’est Emmanuel Macron lui-même qui a annoncé la généralisation de la vaccination contre le virus HPV en classe de 5ème.
C’est un coup de Jarnac qui pourrait sauver de nombreuses vies. En déplacement dans un collège de la ville charentaise ce lundi, le Président de la République Emmanuel Macron, accompagné du ministre de la Santé François Braun et du ministre de l’Education Nationale Pap Ndiaye, a annoncé vouloir « généraliser à partir de la rentrée prochaine pour les 5èmes » la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) car « cela permet d’éviter beaucoup de cancers ». Une annonce du chef de l’Etat attendue (il avait prévenu en décembre dernier qu’il prendrait bientôt des mesures sur le sujet) et qui intervient quatre jours avant la journée mondiale de sensibilisation autour du HPV.
Concrètement, cette campagne vaccinale se déroulera sur le même modèle que celle menée de manière expérimentale dans la région Grand Est depuis deux ans. Le personnel du centre de vaccination se rendra une première fois dans l’établissement scolaire pour une séance d’information, puis deux autres fois, à six mois d’intervalle, pour administrer les deux doses de vaccin. La vaccination sera gratuite et non-obligatoire, le chef de l’Etat préférant mener « un travail de conviction », même s’il n’exclut pas totalement d’édicter une obligation dans le futur. Afin d’augmenter le nombre d’effecteurs, « la prescription et la vaccination contre le HPV pourront être réalisées par les pharmaciens, les sage-femmes et les infirmiers » dès la rentrée 2023 a annoncé le Président de la République.
Une couverture vaccinale particulièrement faible en France
Infection sexuellement transmissible (IST) la plus fréquente, le virus HPV est responsable chaque année de 30 000 lésions précancéreuses du col de l’utérus ainsi que de plus de 6 000 cancers par an : 2 900 cancers du col de l’utérus (maladie qui cause 1 000 décès par an), 1 500 cancers ORL, 1 500 cancers de l’anus et des centaines de cancers de la vulve, du vagin ou du pénis. Les trois quarts des victimes de ces cancers sont des femmes.
En France, le vaccin contre le virus HPV est recommandé pour les filles de 11 à 14 ans depuis 2007 avec un schéma à deux doses et pour les garçons du même âge depuis 2021. Un rattrapage vaccinal est également possible avec trois doses entre 15 et 19 ans et même jusqu’à 26 ans pour les hommes ayants des relations sexuelles avec les hommes (HSH) qui sont plus à risque de contracter le virus HPV et ne sont pas protégés par la vaccination des femmes.
Mais cela, les taux de vaccination chez les jeunes français sont extrêmement bas, comparés à ceux de nos voisins européens. Ainsi, seulement 37 % des adolescentes et 9 % des adolescents sont vaccinés contre le virus HPV en France, contre 82 % des adolescentes au Royaume-Uni, 81 % au Portugal, 80 % en Suède, 79 % en Espagne et 78 % en Hongrie. « Nous avons une des plus faibles couverture vaccinale d’Europe » se désole le Dr Roland Viraben, dermatologue à Toulouse. « Si l’on parvenait à faire grimper ce taux à 85 %, on éviterait chaque année 2 500 interventions chirurgicales sur le col de l’utérus, 377 cancers du col et 139 décès » explique le Dr Jean-Baptiste Méric, membre de l’institut national contre le cancer (INCa).
Vers l’éradication du HPV… en Australie
Plusieurs éléments peuvent expliquer ce retard vaccinal de la France par rapport à ses voisins. Tout d’abord, la stratégie française de vaccination était jusque-là « opportuniste », ce qui signifie que c’est aux parents de faire la démarche de vacciner leur enfant. Ensuite, le coût du vaccin est important : entre 95 et 116 euros, avec un remboursement par l’Assurance Maladie de seulement 65 % (éventuellement complété par une mutuelle). « Une prise en charge par la médecine scolaire pourrait permettre d’augmenter la couverture vaccinale comme cela a été observée en Australie, au Canada, en Finlande, en Norvège ou en Ecosse » espère Sophie Vaux, responsable de la vaccination HPV à Santé Publique France.
Dans certains pays comme le Royaume-Uni et l’Australie, où la vaccination généralisée a débuté dès 2007, les résultats sont particulièrement parlants. Une étude publiée dans la revue The Lancet en novembre 2021 a montré que la vaccination avait permis de faire baisser de 87 % le taux de cancer du col de l’utérus chez les femmes vaccinées à l’âge de 12-13 ans entre 2006 et 2019. En Australie, le taux de jeunes femmes de 18-24 ans infectées par le virus HPV est passé de 23 % en 2006 à 1,5 % en 2015. Le gouvernement australien pense même pouvoir éradiquer le virus dans le pays d’ici une quinzaine d’années.
Quentin Haroche