Ukraine : des soldats font congeler leur sperme pour s’assurer une descendance

Paris, le vendredi 3 mars 2023 – En Ukraine, avant de partir combattre sur le front, de plus en plus de soldats décident de faire congeler leur sperme, une manière pour eux de devenir père, même après leur mort.

« Mourir ne me fait pas peur. Ce qui m’effraie, c’est de ne laisser personne après moi », confie Vitalli Khroniuk, un soldat ukrainien de 29 ans, à l’agence Associated Press. Comme de nombreux avant lui, il a décidé de procéder à la cryoconservation de ses gamètes afin de s’assurer une descendance, si il ne devait pas revenir du front.

Une parentalité post-mortem

Alors que la congélation du sperme est habituellement plutôt une question de fertilité, elle est également devenue, en Ukraine, une arme contre la Russie et contre la guerre. «De nombreux hommes qui partent se battre sont jeunes et avaient le projet d’avoir des enfants. Ces enfants sont leur futur et ils ne veulent pas se les faire voler par la guerre », affirme le Dr Vitaliy Radko, qui exerce dans la clinique Mother and Child, à Kiev.

Nataliia Kyrkach-Antonenko, 37 ans, est enceinte de son mari, décédé au front le 9 novembre dernier. Lors de son ultime permission, il a fait congeler son sperme. Nataliia aimerait avoir un nouvel enfant de lui dans le futur, une forme de « parentalité post-mortem ». « Quand j’ai appris son décès, j’ai réalisé à quel point il était important de sauver son patrimoine génétique. Cela m’a aidée de savoir que je retrouverais chez nos enfants des traits de son caractère ou une ressemblance physique », raconte-t-elle à Julien Bouissou, envoyé spécial pour Le Monde à Kiev.

Pour l’heure, la pratique n’est pas illégale, mais elle n’est pas régulée non plus. Surtout, elle pose des problèmes en termes d’éthique, notamment quand la femme décide d’avoir un enfant avec son conjoint mort au combat, sans qu’il ait au préalable donné son accord sur la question. « Si ma patiente me demande un jour le sperme de son défunt mari, je refuserai », affirme Kseniia Khazhylenko, obstétricienne. Vitaliy Radko exige, lui, un simple accord écrit de la part du conjoint.

Une manière supplémentaire de résister à l’invasion russe

Pour certains, la congélation de son sperme et la reproduction post-mortem constituent une façon de transmettre les valeurs qui animent les soldats ukrainiens morts sur le front : courage, détermination, résistance à l’envahisseur… Mais surtout, pour beaucoup, la fertilité est tout simplement une manière supplémentaire de s’opposer à la Russie et de pallier la baisse annoncée de la démographie ukrainienne. «Le pays commence à prendre conscience que la guerre fait de nombreuses victimes », indique Olena Babich, avocate spécialisée dans les questions de fertilité. « Or la transmission et la protection de notre patrimoine génétique constituent un droit et elles représentent en même temps une façon de résister au génocide entrepris par les Russes. »

Une façon, donc, d’assurer un futur à l’Ukraine, à travers cette descendance… post-mortem. « Leurs pères ont fait tout ce qu’ils ont pu pour que ce futur ait lieu », ajoute Nataliia Kyrkach-Antonenko. « Maintenant, c’est au tour des femmes de se battre pour l’avenir de l’Ukraine, d’élever le peuple. Un peuple qui continuera de transformer le pays pour le mieux ».

Raphaël Lichten

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