
Lisbonne, le lundi 15 mai 2023 – Pour la cinquième fois en trois ans, le Parlement portugais a voté une loi légalisant l’euthanasie et le suicide assisté.
La cinquième fois sera-t-elle la bonne ? Pour la cinquième fois sur les trois dernières années, l’Assemblée de la République du Portugal a voté une loi autorisant le suicide assisté et l’euthanasie dans le pays. La proposition a été adoptée ce vendredi par la majorité socialiste au pouvoir, par 129 voix pour et 81 contre.
En 2018, une première proposition de loi en ce sens avait échoué à seulement cinq voix près. Mais depuis février 2020, les députés ont multiplié les votes en faveur de la légalisation de l’aide active à mourir. Ces lois cependant n’avaient pu entrer en vigueur à cause du Président de la République Marcelo Rebelo de Sousa, un catholique pratiquant, qui y a opposé son veto à deux reprises et également en raison de l’opposition de la Cour Constitutionnelle, qui a censuré le texte deux fois également, arguant qu’il comportait des imprécisions.
La Cour Constitutionnelle peut encore bloquer la loi
Cette fois, les partisans de la légalisation de l’euthanasie ont bon espoir que la loi entrera en vigueur, puisque le Président Rebelo de Sousa a indiqué qu’il n’utiliserait pas son veto. Si tout se passe bien, la loi devrait pouvoir être appliquée à l’automne. « Nous sommes enfin arrivés à la fin d’une longue bataille » s’est réjouie après le vote la députée Isabel Moreira, qui défend la légalisation de l’euthanasie depuis plusieurs années. La saisine de la Cour Constitutionnelle par un dixième des députés est cependant encore possible.
Selon cette loi, les personnes souffrant d’une maladie incurable et subissant des souffrances intolérables pourront bénéficier d’une aide médicale à mourir. La demande devra être validée à plusieurs reprises par un collège de médecins et notamment par un psychiatre, qui veillera à ce que la décision du patient soit libre et éclairée. L’aide médicale à mourir sera réservée aux personnes majeures, citoyens ou résidents portugais, afin d’éviter qu’un « tourisme de la mort » ne se créé comme en Belgique ou Suisse. La priorité sera donnée au suicide assisté, l’euthanasie étant réservée aux patients dans l’incapacité physique de se donner la mort. L’opposition de droite a obtenu que les médecins puissent refuser de pratiquer une euthanasie en invoquant une clause de conscience, comme c’est le cas pour l’avortement.
Après le Portugal, bientôt la France ?
Ces trois dernières années, la volonté du gouvernement socialiste de légaliser l’euthanasie a provoqué de vifs débats dans ce pays de forte tradition catholique, bien que les sondages indiquent qu’une majorité de Portugais soutiennent cette réforme. Les opposants à l’euthanasie ont organisé d’importantes manifestations dans le pays à plusieurs reprises et ont demandé, sans succès, qu’un référendum sur la question soit organisé, comme ce fut le cas en 2007 sur la question de l’avortement.
Avec cette loi, le Portugal deviendra l’un des rares pays européens, avec ceux du Benelux et son voisin espagnol, a autorisé l’euthanasie. En France, plusieurs instances (CCNE, CESE, convention citoyenne…) ont exprimé dernièrement un avis favorable à la légalisation de l’aide active à mourir. Le 3 avril dernier, le Président de la République Emmanuel Macron a affiché sa volonté qu’un projet de loi légalisant l’aide active à mourir soit adopté d’ici la fin de l’été.
Nicolas Barbet