Le Portugal légalise l’euthanasie

Lisbonne, le lundi 1er février 2021 – Le Parlement portugais a adopté ce samedi une proposition de loi autorisant le recours à l’euthanasie pour les personnes de plus de 18 ans souffrant d’une maladie incurable.

C’est (peut-être) la fin d’un débat qui animait la vie politique et la société portugaise depuis de nombreuses années. Ce samedi, l’Assemblée de la République du Portugal a adopté un projet de loi légalisant l’euthanasie, par 136 voix pour et 78 contre. Si les partis avaient préféré laisser la liberté de vote aux députés sur ce sujet éminemment sensible, ce sont sans surprise les parlementaires de la coalition de gauche qui ont permis l’adoption de la loi.

Dans le détail, cette loi légalise le recours à l’euthanasie ou au suicide assisté pour tous les résidents portugais de plus de 18 ans qui se trouvent dans une « situation de souffrance extrême » du fait de « lésions d’une extrême gravité » ou d’une « maladie incurable ». La décision du patient de se suicider subira un double contrôle : elle devra être validée par un collège de trois médecins, dont un psychiatre puis à nouveau par un autre médecin au moment de l’euthanasie. Les praticien devront notamment veiller à ce que le patient exprime une « volonté sérieuse, libre et éclairée » de mettre fin à ses jours.

L’Eglise catholique demande un référendum

Dans un pays où la tradition catholique occupe une place encore importante, la question de l’euthanasie a fait l’objet depuis plusieurs années d’un vif débat. En 2018, le Parlement portugais avait rejeté une proposition de loi légalisant l’euthanasie à seulement cinq voix près. Le débat a été relancé en février 2020, quand des députés de gauche ont déposé cinq projets de loi dans le même sens, finalement fusionnés dans le texte adopté samedi dernier. L’Église catholique avait depuis tenté de mobiliser la population contre le projet et ce malgré la pandémie. La Fédération portugaise pour la vie (FPV), association ultra-catholique, a ainsi réussi à réunir près de 100 000 signatures en vue de l’organisation d’un référendum, mais l’Assemblée avait refusé d’y recourir en octobre dernier.

Jeudi dernier encore, le parti social-démocrate, principale formation d’opposition, avait demandé, sans succès, que l’examen du projet de loi soit reporté à la fin de l’épidémie, alors que le Portugal est actuellement confiné depuis le 15 janvier dernier. Les derniers sondages montrent d’ailleurs que les Portugais sont profondément divisés sur la question : 43 % d’entre eux se disent favorable à la légalisation de l’euthanasie, 28 % y sont opposés tandis que 29 % sont hésitants sur la question.

8ème pays du monde à légaliser l’euthanasie

Il reste cependant encore un espoir aux militants « pro-vie ». En effet, le président de la République Marcelo Rebelo de Sousa, récemment réélu triomphalement, doit promulguer la loi dans les 8 jours. Mais il dispose également de la possibilité de renvoyer le texte à la Cour Constitutionnelle ou de demander son réexamen par l’Assemblée de la République. Catholique pratiquant, il n’a encore jamais donné publiquement son avis sur la question.

Le Portugal serait le 8ème pays du monde à légaliser l’euthanasie. Ces derniers mois, la Nouvelle-Zélande (par référendum) et l’Espagne ont adopté des législations dans le même sens. En France, si l’euthanasie active reste interdite, l’euthanasie passive est autorisée depuis 2016.

Nicolas Barbet

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Vos réactions (1)

  • Les idées justes nécessitent des mots précis

    Le 02 février 2021

    Cette loi portugaise n'est pas une légalisation de l'euthanasie, mais l'adoption d'un droit au suicide, encadré mais explicite. Il s'agit d'une décision importante reconnaissant que certains peuvent juger que leur vie ne vaut pas d'être vécue, sans rapport avec la question de la véritable fin de vie.
    Elle dit simplement qu'il est légitime, dans des circonstances déterminées, de se suicider - et donc qu'y apporter un concours médical n'est pas pénalisable. Il est malheureux que les parlementaires portugais, pas plus que leurs commentateurs, ne formulent pas clairement les idées simples. Par crainte peut-être de leur portée réelle, ils manipulent comme tout le monde ce mot toujours malvenu d'"euthanasie", que chacun comprend à sa façon, mais toujours de manière erronée.

    L'euthanasie est étymologiquement et conceptuellement la "belle mort", qui s'oppose à la mort dans de mauvaises conditions. Elle ne relève pas du souhait de mettre fin à une vie, mais de la volonté de mettre fin à une agonie.

    Dr Pierre Rimbaud

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