Bronchiolite : la réanimation pédiatrique déjà saturée ?

Paris, le mercredi 16 août 2023 – Un enfant atteint de bronchiolite a dû être transféré de la région parisienne à Rouen par manque de lits disponibles. Les pédiatres parlent d'une situation exceptionnelle.

Il est plutôt rare que les difficultés des services de pédiatrie hospitalière à faire face à l'afflux de nourrissons atteints de forme grave de bronchiolite fassent l'actualité en plein mois d'août, pourtant, en Île-de-France, les services de pédiatrie semblent d'ores et déjà débordés.

C'est ainsi qu'un nourrisson atteint d'une forme grave de bronchiolite et hospitalisé dans les Hauts-de-Seine a dû être transféré en urgence dans la nuit de samedi à dimanche jusqu'au CHU de Rouen, aucun lit de réanimation pédiatrique n'étant disponible dans toute l'Île-de-France. « On a fait le tour des services de réanimation pédiatrique d'Île-de-France, zéro place. On a refait un deuxième tour en disant « non mais là, c'est vraiment problématique, tu ne peux vraiment pas nous trouver de la place ? » et au bout du compte, pas de place », raconte à France Info le Dr Gilles Jourdain, responsable médical du SMUR pédiatrique des Hauts-de-Seine.

Aucun lit de réanimation pédiatrique disponible dans toute l’Ile-de-France

Il n'y avait en effet aucun lit de réanimation pédiatrique disponible dans les cinq hôpitaux en disposant en Île-de-France. L'enfant a donc dû être transféré au CHU de Rouen, à 140 km de son domicile. Si ces transferts de nourrissons atteints de bronchiolite et nécessitant des soins de réanimation sont relativement fréquents (il y en a eu 62 au départ de l'Île-de-France en 2022), ils ne surviennent généralement pas avant mi-septembre.

L'explication du manque de lits en pédiatrie est bien connue : c'est le manque d'effectifs, en médecins et en infirmières, dû à une rémunération jugée trop faible et à des conditions de travail difficiles, qui explique la fermeture de lits. Les congés d'été pourraient également être en cause. « Le problème ce n'est pas qu'il n'y a pas de place physique, c'est que les lits sont fermés par manque de soignants, d'infirmières en l'occurrence », explique le Dr Gilles Jourdain. « Il y a une tension depuis plusieurs jours, on a à peu près un tiers des lits qui sont fermés, donc cela réduit considérablement l'offre de soins », abonde dans le même sens Azzedine Ayachi, coordinateur de la Fédération SAMU-SMUR pédiatrique de l'AP-HP.

La Société française de pédiatrie (SFP) tend cependant à relativiser la gravité de la situation. « Il n'y a pas de nombreux services de réanimation pédiatriques saturés », tient ainsi à rassurer la Pr Christèle Gras-Le Guen, cheffe de service de pédiatrie au CHU de Nantes et porte-parole de la SFP. Elle reconnaît cependant « qu'on a, tous les étés, un exercice particulièrement difficile entre les soignants qui partent en congés et les fermetures de lits, avec lesquelles il faut jouer pour avoir le nombre nécessaire, l'équilibre est précaire ». « Cela arrive aussi dans les hospitalisations conventionnelles où des enfants passent la nuit aux urgences faute de place en hospitalisation », ajoute-t-elle.

Un anticorps monoclonal pour sauver l’hôpital !

Le fait que les services de réanimation pédiatrique soient déjà en grande difficulté au cœur de l'été ne présage a priori rien de bon pour la prochaine épidémie de bronchiolite. « Quand on se dit aujourd'hui, en plein été, qu'on n'a pas de place, qu'est-ce que ce sera quand l'épidémie de bronchiolite arrivera », s'inquiète ainsi Azzedine Ayachi.

Un médicament pourrait cependant changer la donne : le Beyfortus (nirsevimab), développé par les laboratoires Sanofi et AstraZeneca. Cet anticorps monoclonal réduirait, selon les études, de 75 % le risque d'une infection grave au virus respiratoire syncytial chez les nourrissons lorsqu'il est administré préventivement. Le 1er août dernier, la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé l'administration du nirsevimab pour tous les nourrissons traversant leur première saison de circulation du VRS, et ce nouveau médicament devrait être disponible en France dès septembre.

La Pr Gras-Le Guen compte beaucoup sur le Beyfortus pour réduire les cas de bronchiolite grave et donc la pression sur les services de pédiatrie hospitalière. « J'espère que le nirsevimab est de nature à améliorer très significativement la situation, c'est un produit pour lequel on a des résultats d'étude tout à fait convaincants et pour lequel on n'a pas d'effets secondaires », commente la pédiatre.

S'agissant de la question plus large de la crise de la pédiatrie et du manque chronique d'effectifs, les discussions entamées l'an dernier entre l'exécutif et les syndicats de pédiatres pour trouver des solutions de long terme se poursuivent. « J'espère qu'on va pouvoir, dès la rentrée, mettre en place des mesures pour éviter que cette alerte ne se confirme et qu'on puisse cet hiver gérer comme il se doit les besoins de santé des enfants », conclut, optimiste, la Pr Gras-Le Guen.

Quentin Haroche

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