
Paris, le jeudi 30 novembre 2023 – Trois semaines après le vote du Sénat en première lecture, les députés de la majorité ont voté en faveur du rétablissement de l’aide médicale d’Etat (AME). Le débat politique n’est pour autant pas encore clos.
Retour à la case départ pour l’aide médicale d’Etat (AME). Lors de l’examen du projet de loi sur l’immigration par la commission des lois de l’Assemblée Nationale ce mercredi, les députés sont revenus sur plusieurs dispositions votées par le Sénat lors de son examen du texte et notamment sur la suppression de l’Aide médicale d’Etat ( AME).
Le 7 novembre dernier, la chambre haute avait en effet voté en faveur de la transformation de l’AME, dispositif qui garantit un accès à des soins gratuits pour les immigrés clandestins (sous conditions de revenus), en une aide médicale d’urgence (AMU) dans laquelle la gratuité des soins aurait été limitée à « la prise en charge de la prophylaxie et du traitement des maladies graves et des douleurs aigues, des soins liés à la grossesse, des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive ».
La majorité et la gauche unis sur la question de l’AME
Au cours des débats qui se sont tenus ce mercredi à la commission des lois de l’Assemblée, le député Renaissance Florent Boudié, rapporteur du texte, a affirmé que le rétablissement de l’AME « n’est pas simplement une question de santé des individus, mais aussi une question de santé collective », rappelant que supprimer l’AME c’était prendre le risque de favoriser le développement d’épidémies chez les migrants.
Bien qu’il ait dit par le passé être favorable à une suppression de l’AME, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a soutenu le rétablissement du dispositif, mais en s’appuyant sur un argument procédural : supprimer l’AME serait selon lui un « cavalier législatif évident » qui serait « à coup sûr censuré par le Conseil Constitutionnel » (bien qu’on voie mal en quoi la question de l’AME serait si étrangère à un texte portant sur l’immigration).
Les députés de gauche, qui ont également voté en faveur du rétablissement de l’AME, ont pris moins de pincettes pour critiquer la décision du Sénat. Le député PS Boris Vallaud a qualifié le vote de la chambre haute d’ « indigne moralement » tandis que la député LFI Elisa Martin a évoqué « un enjeu de santé publique et d’humanité qui ne peut pas être l’objet d’une instrumentalisation politique ».
Il n’y a donc eu guère que les députés LR et RN pour défendre la suppression de l’AME ce mercredi et se désoler du vote de la commission. « Comment peut-on comprendre qu’on ne peut pas écarter des opérations telles que recollement des oreilles décollées, gastroplastie ou intervention liée à l’obésité ? Ceci n’est pas compris par nos citoyens » s’est indigné la députée LR Véronique Louwagie. Le député RN Yoann Gillet a quant à lui rappelé que le coût de l’AME ne cessait d’augmenter, pour atteindre les 1,4 milliard d’euros en 2024 et qu’ « un tiers des Français ont déjà renoncé à des soins faute de moyens », sans convaincre ses collègues parlementaires.
Un rapport sur l’AME remis au gouvernement lundi prochain
Depuis que la droite sénatoriale (majoritaire) avait annoncé son intention de supprimer l’AME, de nombreux médecins s’étaient indignés de cette décision, la dénonçant comme tout à la fois contraire aux principes d’humanité qui doivent guider la médecine, dangereuse pour la santé publique et contreproductive pour les dépenses de santé. Plusieurs tribunes et communiqués de médecins ont ainsi été publiés ces dernières semaines pour exprimer cette désapprobation, le dernier en date ce mardi signé par plusieurs sociétés savantes (CMG, société française de pédiatrie, société française de virologie…).
La question a également divisé le gouvernement : si Gérald Darmanin s’était donc exprimé en faveur de la transformation de l’AME en une AMU, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran et la Première Ministre Elisabeth Borne ont tous critiqué le choix du Sénat. A l’annonce du vote de la commission des lois ce mercredi, le ministre de la Santé a d’ailleurs salué « une position juste et forte pour un dispositif indispensable, efficace et évalué de santé publique ».
Le débat politique sur l’AME est pourtant loin d’être terminée. Rien n’empêchera en effet (et ils ne devraient pas s’en priver) les députés LR ou RN de déposer à nouveau des amendements en faveur de la suppression de l’AME lors de l’examen du texte en séance publique, qui débutera le 11 décembre prochain. Par ailleurs, la Première Ministre Elisabeth Borne a commandé à Patrick Stefanini, ancien préfet et à Claude Evin, ancien ministre de la Santé de gauche, un rapport sur l’AME et d’éventuelles pistes de réforme, rapport qui doit être remis au gouvernement lundi prochain.
Quentin Haroche