
Paris, le vendredi 5 janvier 2024 – L’année 2023 devrait être l’année ayant enregistré le moins de naissances en France depuis la Seconde Guerre Mondiale, battant ainsi…2022.
Plus de 75 ans après le baby-boom, la France est en plein baby-blues. Les chiffres définitifs ne sont pas encore connus et consolidés, mais 2023 devrait être une nouvelle année noire pour la natalité française, selon les dernières statistiques officielles de l’Insee publiés ce jeudi. Lors des onze premiers mois de l’année 2023, 621 691 enfants sont nés en France, soit environ 45 000 de moins qu’en 2022 sur la même période, une baisse de 6,8 %. Avec 723 000 naissances, l’année 2022 était pourtant déjà l’année avec le plus faible nombre de naissances depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale (époque où la France ne comptait pourtant que 40 millions d’habitants), un triste record en passe donc d’être battu.
Les femmes françaises sont pourtant les plus fécondes d’Europe
Dans le détail, on a compté 56 297 naissances en novembre 2023 (1 877 bébés par jour en moyenne), soit une baisse de 5,1 % par rapport à novembre 2022. Il s’agit du 17ème mois consécutif où le nombre de naissances est plus faible qu’un an auparavant, signe que la tendance à la baisse de la natalité est un mouvement de fond.
En France, le nombre de naissances diminue en effet chaque année depuis 2011, sauf en 2021 quand il avait connu une légère augmentation après la fin des confinements de 2020. La baisse concerne l’ensemble des régions mais est plus marqué dans le sud de la France (8,4 % de naissances en moins en Corse en 2023, 8,3 % en Occitanie) et plus modéré en outre-mer (2,7 % de naissances en moins à la Réunion, 0,2 % en Guyane).
En parallèle de ce recul des naissances, le nombre de décès est lui aussi en augmentation continue depuis 2006. Sous l’effet de ces deux mouvements, le solde naturel, soit la différence entre le nombre de naissances et de décès, s’est effondré depuis 2014, passant de 260 000 personnes supplémentaires par an à seulement 56 000 en 2022. En 2023, ce solde naturel devrait être proche de zéro.
Plusieurs éléments démographiques expliquent cette baisse des naissances. Tout d’abord, le nombre de femmes âgés de 20 à 40 ans, période où elles sont les plus fécondes, a fortement diminué depuis le milieu des années 1990 et stagne depuis 2016 autour de 8,4 millions. En parallèle, l’indice de fécondité est lui passé de 2 enfants par femme en 2012 à 1,8 en 2022. La France reste malgré tout le pays de l’Union Européenne où les femmes font le plus d’enfants, loin devant l’Espagne (1,19 enfant par femme) ou l’Italie (1,24 enfant).
Une tendance qui peut s’inverser
Selon les démographes et les sociologues, plusieurs facteurs socio-économiques expliquent cette baisse de la natalité. La conjoncture économique et politique incertaine, marqué par l’inflation et le conflit en Ukraine, ainsi que le réchauffement climatique et l’éco-anxiété peuvent créer un « climat d’incertitude » désincitant les Français à avoir des enfants estime Catherine Scornet, maitre de conférences en sociologie-démographie à l’université Aix-Marseille.
Un changement d’aspiration serait également à l’œuvre chez certaines femmes, qui voudraient faire moins ou pas d’enfants au nom de « l’émancipation individuelle ». « Les femmes diplômées sont celles qui se projettent le plus en dehors de la maternité, elles s’investissent et s’épanouissent dans d’autres domaines personnels ou professionnels » poursuit Catherine Scornet.
Si elle se poursuit, cette baisse de naissances pourrait avoir de lourdes conséquences d’un point de vue social et économique, le vieillissement de la population et la diminution du nombre de jeunes devant nous pousser à repenser certaines politiques publiques. Cette tendance à la baisse de la natalité pourrait cependant être atténuée voir inversée grâce à une politique nataliste forte.
« Les politiques publiques efficaces sont celles qui rendent la vie plus facile aux parents » résume simplement Laurent Toulon, directeur de recherche à l’institut national d’études démographiques. L’inversion de tendance est tout à fait possible : les naissances ont fortement diminué entre 1988 et 1994 (- 8 %) avant de remonter en flèche jusqu’en 2010 (+ 13 %).
Quentin Haroche