5G, attention fausse alerte !

Paris, le samedi 29 juin 2019 – La France prépare minutieusement le déploiement du réseau 5G dans le pays, qui devrait permettre d’accroitre encore les performances des communications sans fil. Parallèlement aux enjeux techniques (commerciaux et même diplomatiques) de ce déploiement, la préparation revêt également un aspect sanitaire. En effet, même si un consensus scientifique solide a jusqu’à aujourd’hui exclu toute nocivité des radiofréquences, l’arrivée de la 5G n’a pu que raviver les craintes alimentées depuis de nombreuses années par des discours pseudo-scientifiques (et régulièrement soutenus par des médecins et certains scientifiques). Ainsi, avant même que la 5G ne devienne une réalité, de multiples appels ont été lancés invitant à la prudence, parfois non sans outrance. Docteur en biologie, spécialiste des radiofréquences et fine connaisseuse des discours médiatiques sur ce sujet, Anne Perrin nous propose un décryptage de la toxicité des appels contre la 5G.

Par Anne Perrin

Environ 240 scientifiques et médecins de 40 pays mettent en garde contre les dangers qui, selon eux, accompagnent la 5ème génération de communication sans fil (5G). Ils appellent à un moratoire pour en arrêter le déploiement.

Le « 5G Appeal » a été lancé en 2017 sous forme de lettre ouverte à l’Union Européenne. Il repose sur un texte baptisé « International EMF Scientist Appeal » adressé aux Nations Unies et à l’OMS, médiatisé initialement en 2015 et suivi de plusieurs versions, en 2017, puis 2019, avec un contenu quasi identique et une cinquantaine de soutiens en plus.

L’appel concerne tous « les appareils émettant des radiations en radiofréquences (RFR), les téléphones sans fil et leur station de base, les Wifi, les antennes de communication, les smart-phones et leurs stations relais, et les baby phones, ainsi que les appareils électriques et les infrastructures (utilisées pour délivrer de l’électricité) qui génèrent des champs électromagnétiques d’ondes à très basses fréquences (ELF EMF)». Les signataires  affirment l’existence d’effets nocifs à des seuils bien inférieurs aux normes en vigueur qui seraient ignorés, et pas des moindres : « risque accru de cancer, stress physiologique, augmentation des radicaux libres, dégâts génétiques, changements structuraux et fonctionnels du système reproducteur, déficiences de l’apprentissage et de la mémorisation, désordres neurologiques, et impacts négatifs sur le bien-être général des individus. Les dommages vont bien au-delà de l’espèce humaine : des preuves évidentes, toujours plus nombreuses, montrent les effets néfastes des ondes sur TOUS les végétaux et les animaux (d’une simple cellule, à l’abeille et aux mammifères) » énumèrent-ils, sans oublier d’insister sur la vulnérabilité des enfants, des fœtus et des femmes enceintes. Dans la version dédiée à la 5G, il est en plus spécifié que la fameuse étude NTP confirmerait l’existence de réels dangers  : «  L'étude officielle américaine du National Toxicology Program (NTP) qui a coûté 25 millions de dollars, montre un accroissement statistiquement significatif de cancer du cerveau et du cœur chez des animaux exposés à des niveaux de champs électromagnétiques bien inférieurs aux valeurs limites préconisées par la Commission Internationales de Protection contre les Champs Électromagnétiques (ICNIRP) […] » écrivent-ils. Ce qui est juste faux. En effet, si les fréquences et signaux de modulation utilisés dans cette étude correspondent à ceux de réseaux de téléphonie 2G et 3G, les conditions testées sont  incomparables avec l’exposition engendrée par la téléphonie mobile. Les niveaux d’exposition sont très supérieurs aux normes de sécurité en vigueur.

Crime contre l’humanité

Forts de cette conviction d’un réel danger, les signataires accusent l’OMS de faillir à son devoir, et la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP) d’être incompétente, en insinuant que l’industrie biaise les discussions et les conclusions.

Le 5G appeal fait en plus référence à des organisations et des documents singeant les instances officielles et leurs avis ainsi qu’au rapport BioInitiative, dont bon nombre des contributeurs sont signataires de l’appel. Le principe de précaution est invoqué, et même le code de Nuremberg comme s’il s’agissait de dénoncer un crime contre l’humanité, thèse d’ailleurs soutenue par les participants signataires.

Ces alertes resurgissent régulièrement dans les médias, et sont relayées sous forme de pétitions. En Belgique, c’est une pétition auprès de professionnels de santé, en Suisse un jeune écologiste en a également lancé une, etc. De fausses informations sans lien avec les aspects sanitaires mais suscitant l’émotion peuvent aussi servir d’appât pour inciter à signer l’appel, comme celle décryptée par l’AFP, montrant des arbres qui seraient massivement coupés dans les villes pour déployer la 5G. Dans l’actuel climat de défiance propice au complotisme, la population est réceptive à de tels arguments dont les réseaux sociaux favorisent la dissémination. Si certains journalistes en font une présentation nuancée, d’autres, ainsi que certains élus politiques les reprennent un peu trop hâtivement. Aucun ne semble avoir eu la curiosité de se pencher sur l’aura des dits scientifiques dont certains vont pourtant jusqu’à affirmer que les ondes de téléphonie ou de la TV ne seraient pas pour rien dans le développement du sida, de la poliomyélite et du prion !

Evidemment, si les effets annoncés étaient réels, ils ne passeraient pas inaperçus, les victimes se compteraient par millions. Par ailleurs, 250 scientifiques et médecins peuvent impressionner, mais c’est bien peu comparé aux milliers de chercheurs impliqués ou ayant été impliqués depuis des décennies dans les recherches sur les effets des champs électromagnétiques basses et hautes fréquences. Même sans être spécialiste du sujet, un peu d’esprit critique et quelques clics permettent de comprendre que ces appels ne sont pas à prendre au pied de la lettre.

On peut regretter qu’aucune instance officielle ne juge bon de démentir clairement ces rumeurs.

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Vos réactions (12)

  • Teleguidage

    Le 29 juin 2019

    Encore un article pipo téléguidé par les industriels ...
    Mais non, il n'y a rien à craindre ... ! Comme si les 250 étaient les seuls à se poser des questions, comme si la Suisse n'avait pas cru bon de l'interdire chez elle ...
    Un pour tous, tous p...

    Dr Patrick Marchesseau

  • Conflit d'intérêt ?

    Le 29 juin 2019

    Manque la déclaration d'absence de conflit d'intérêt de la part d'Anne Perrin, l'argumentaire me paraissant spécieux et peu documenté. On ne parle pas de la possibilité d'effet additif de toutes ces OEM, dont on rajoute à plaisir l'intensité pour des avantages contestables.

    Dr Alain Forget

  • En finira t-on jamais avec le compmotisme?

    Le 29 juin 2019

    Il est affligeant de voir comme un article qui tente de ramener un peu d’esprit critique se voit aussitôt accusé par des complotistes. Cela montre bien à quel point il peut être difficile pour les autorités de défendre la réalité scientifique.

    Dr Bruno Koeltz

  • Affirmer l'inocuté ?

    Le 29 juin 2019

    Je cite : "On peut regretter qu’aucune instance officielle ne juge bon de démentir clairement ces rumeurs."
    Peut-être bien que les instances officielles n'ont pas trop envie d'engager leur responsabilité en affirmant une innocuité qui est d'ores et déjà un mensonge. Quand le scandale sanitaire sera là, elles pourront toujours dire "On ne savait pas… Responsable mais pas coupable."

    Dr Joël Delannoy

  • Complotisme

    Le 30 juin 2019

    Et si l'on se penchait un peu plus sur le complotisme, cette paranoia collective et envahissante, maintenant toujours présente lorsqu'un fait scientifique est énoncé ?

    Dr Eric Klingler

  • Et si on regardait les chiffres

    Le 30 juin 2019

    "...si les effets annoncés étaient réels, ils ne passeraient pas inaperçus, les victimes se compteraient par millions". Cette phrase résume l'effet des "ondes".
    Merci à Anne Perrin pour cet article car il en faut du courage pour affronter les "ondes-sensibles"!

    M Lainé (SF)

  • Qui veut tuer son chien...

    Le 30 juin 2019

    ..;l'accuse de la rage.
    Les opposants à la croissance de l'électrosmog, on les accuse de complotisme : qualificatif volontairement dévalorisant.
    Le procédé est classique : Quand on n'a pas d'argument à opposer à des idées, on dévalorise ceux qui les émettent.
    C'est ainsi que les résistants sont devenus des terroristes, que les EHS deviennent des malades mentaux.

    Mais là, il y a un problème de sémantique : La signification du mot complot.
    "Projet secret élaboré par plusieurs personnes contre une autre ou une institution."

    Or, les opposants aux ondes ne pensent pas, pour l'immense majorité en tous cas, qu'on multiplie les émissions électromagnétiques parce qu'on leur veut du mal.
    Non, ils pensent simplement que l'industrie veut gagner de l'argent, que l'état ne veut pas rater un virage technologique et que tous ces gens préfèrent croire qu'il n'y aura pas trop de victimes car cela impliquerait moins de clients et peut-être des investissements perdus.

    Non, il n'y a pas de complot. Il y a simplement une recherche effrénée du profit avec pour crédo :" On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs ".

    Et pour ceux qui croient encore que, c'est SCIENTIFIQUEMENT prouvé, les ondes sont inoffensives, je leur suggère de consulter cette page qui :
    -explique le mécanisme d'action des ondes sur les canaux calciques voltage dépendants des neurones.
    -donne des liens vers de multiples études qui prouvent la nocivité. (il y en a des centaines)
    https://www.robindestoits.org/Expose-du-Pr-Martin-Pall-comment-les-champs-electromagnetiques-peuvent-ils-impacter-notre-biologie-2015_a2298.html
    Je suggère aussi de consulter l'étude Comobio :
    https://www.youtube.com/watch?v=_xmDVYdTCgk

    Enfin, je signale que les statistiques officielles de l'Institut de Veille Sanitaire font état d'une augmentation du nombre de glyoblastomes de 3% chaque année. Pour ceux qui pensent que si les ondes étaient nuisibles, cela se verrait, eh bien, cela se voit mais les glyoblastomes étant plutôt rares, pour le moment, cela ne se voit qu'en y prêtant attention.

    Mais, comme disait fort justement ma grand mère, Il n'y a pire sourd que celui qui ne veut entendre.

    Dr Joël Delannoy

  • Merci Anne Perrin

    Le 30 juin 2019

    On avait aussi prédit que le corps humain exploserait si l'automobile dépassait les 100km/h.
    Ce qui me surprend le plus c'est que les deux premières réponses montrent justement la réalité de l'existence de parano chez les médecins eux mêmes.
    Comment l'HAS pourrait elle prendre parti pour un peuple entier, quand même parmi les lecteurs du JIM, dont le niveau d'étude ne fait pas de doute, existent des inventeurs de "vérités" ?

    Dr Didier Marc Poisson

  • Effet Petkau

    Le 30 juin 2019

    Je sais, je vais avoir une levée de boucliers. Pourtant personne n'a jugé nécessaire de s'interroger scientifiquement sur l'exposition à des ondes EM ionisantes ou non de faible intensité mais de longue durée. Les seuils officiels n'en tiennent pas compte, et de plus ne tiennent pas compte du fait que la 5G va s'ajouter à toutes les G précédentes, sans compter la TNT, (par exemple 700 000 Watts rayonnés en permanence à Brest) les GPS, radars et autres satellites de telecoms, etc etc. Tout ceci forme une soupe, ou un "bruit de fond" qu'il est à mon sens quasi impossible de quantifier et qualifier scientifiquement. Mais dont les effets pourraient être très loin d'être négligeables... Tout comme la prescription de 5 ou 10 molécules différentes à une même personne risque d'avoir des effets très difficilement prévisibles.... Cet article fait le jeu des industriels, sans poser les vraies questions. Pour une personne qui se prétend spécialiste... Il me semble que c'est léger.

    Daniel Buob

  • Parano les médecins qui s'inquiètent de la généralisation de la 5G ?

    Le 01 juillet 2019

    "Les adversaires de l'amiante relèvent de la psychiatrie" disait déjà le ministre de la recherche quelques années avant que la vérité (que l'on connaissait depuis 50 ans) n'éclate.
    Comme elles le font actuellement pour les risques sanitaires liés aux ondes de téléphonie mobile qu'elles refusent d'assurer, les compagnies d'assurance (qui ont toujours eu du nez) refusaient à l'époque d'assurer le risque amiante quand dans le même temps des membres éminents de l'Académie de Médecine émettaient en continu des propos lénifiant dont une certaine presse médicale s'empressait de faire l'écho: "attention, fausse alerte!"

    Dr Jean-Jacques Perret

  • Parano ? (réponse au Dr Poisson)

    Le 02 juillet 2019

    Toujours le même procédé.
    Quelqu'un n'est pas d'accord avec vous.
    Quelqu'un constate les multiples exemples d'industries qui ont dissimulé la vérité pour le profit : amiante, tabac, chlordécone, insecticides tueurs d'abeilles, médiator, prothèses PIP...

    Quelqu'un applique simplement la devise : "Chat échaudé craint l'eau froide".
    On le traite de parano et l'affaire est réglée. Il est inutile de discuter avec les fous, tout le monde sait ça!
    Là encore, il y a un problème de manipulation sémantique.
    Il faudrait revoir la question Psychose paranoïaque.

    Dr Joël Delannoy

  • Facile d’accuser sans preuve Anne Perrin

    Le 07 juillet 2019

    Alors vu les commentaires qui imaginent que Anne Perrin est une émissaire à la solde des industriels j’ai tapé sur swisscow Anne Perrin et j’al trouvé ceci:
    Anne Perrin est ex-présidente de l’Afis et toujours membre de l’Afis biologiste, spécialiste du risque électromagnétique.
    L’Association française pour l’information scientifique (Afis), créée en 1968, se donne pour but de promouvoir la science et d’en défendre l’intégrité contre ceux qui, à des fins lucratives ou idéologiques, déforment ses résultats, lui attribuent une signification qu’elle n’a pas ou se servent de son nom pour couvrir des entreprises charlatanesques.

    L’Afis est une association d’intérêt général ouverte à tous. Elle est indépendante et sans lien d’intérêt financier ou idéologique avec quelque entité que ce soit : gouvernement, parti politique, entreprise, etc.

    Sauf information contraire.

    Dr Frédéric Langinier

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