
Paris, le mercredi 16 août 2017 - Marlène Schiappa avait provoqué l’émoi du corps médical il y a quelques semaines par des déclarations qui assimilaient certains examens gynécologiques à des "maltraitances".
L’historienne Nathalie Sage Pranchère, dont l’ouvrage l’Ecole des sages-femmes, naissance d’un corps professionnel vient de paraître, risque d’attiser encore une fois les tensions par ses déclarations, auprès du journal Libération, sur la relation médecin-patiente qu’elle juge « empreint de paternalisme ».
Elle rappelle tout d’abord le contexte « depuis cinq ans, il y a une libération de la parole sur ces questions (…). C’est le produit d’une génération qui ose parler du corps et qui veut en finir avec les tabous paternalisants »…les praticiens apprécieront !
C’était mieux avant ?
Pour l’essayiste, la "dépersonnalisation" de la gynécologie et de l’obstétrique qui pourrait conduire à des "maltraitances" trouve sa source dans la fin de l’accouchement à domicile.
Elle explique ainsi « en 1952, 50 % des accouchements se faisaient à domicile et 50 % d’entre eux à l’hôpital. Dès 1969, c’est 98 % des femmes qui accouchent en centre hospitalier (…). A domicile, il y a une sorte de tête à tête avec une personne dévouée à votre accouchement. Dans le cadre hospitalier en revanche, la prise en charge est plus fragmentée, moins continue (…). Aujourd’hui, 90 % des femmes enceintes ne connaissent pas le praticien qui va les faire accoucher. Les femmes doivent donner d’office leur confiance à des « experts » avec qui elles n’ont noué aucune relation personnelle durant leur grossesse. Il y a une réelle perte de contrôle de son propre corps et de l’événement à venir ».
Et d’aller plus loin « tout patient est fréquemment « déresponsabilisé ». En ce qui concerne l’obstétrique, cette infantilisation se double d’un certain paternalisme. On est entré dans une rhétorique du risque qui minore la parole féminine sur le corps féminin lui-même. La médecine occidentale a du mal à se défaire d’une vision ancienne selon laquelle les femmes seraient moins raisonnables dans leur rapport au corps que les hommes ».
Elle dénonce également des hôpitaux « dans une logique managériale où le résultat (un bébé en bonne santé) prime sur le processus (le déroulement de l’accouchement) et où le temps consacré à une patiente n’est pas perçu comme rentable ».
Sans mettre ces questions en parallèle avec l'effondrement de la
morbi-mortalité néonatale, Nathalie Sage Pranchère s’étonne enfin
de ne pas voir des « gynécologues-obstétriciens dans la
rue protester contre l’inhumanisation des accouchements (!)
».
Xavier Bataille