Covid long : un pavé dans la mare

Après une infection par le SARS-CoV-2, certains patients, qu’ils aient été hospitalisés ou non, signalent des symptômes persistants. Fatigue, dyspnée, troubles de l’attention, peuvent altérer la qualité de vie. Plusieurs explications ont été avancées et le terme de « Covid long » a été retenu pour décrire ces symptômes. Une équipe française s’est interrogée sur le lien entre l’infection et ces symptômes prolongés.

Près de 30 000 personnes appartenant à la cohorte Constances (cohorte épidémiologique constituée de 200 000 adultes âgés de 18 à 69 ans à l’inclusion) ont répondu à un questionnaire en ligne. Il leur était demandé s’ils pensaient avoir eu la Covid-19, si le diagnostic avait été confirmé et par quelle technique, et s’ils ont présenté, ou présentent encore, des symptômes persistant pendant plusieurs semaines. Plusieurs symptômes étaient proposés : troubles du sommeil, douleurs articulaires ou musculaires, manifestations cutanées, troubles de la sensibilité, de l’audition, constipation, douleurs gastriques, céphalées, difficultés respiratoires, palpitations, vertiges, douleurs thoraciques, diarrhée, anosmie, ou « autres symptômes ». Les réponses ont ensuite été croisées avec le statut sérologique des participants.

Plus de Covid long chez ceux qui pensent avoir été infectés

Le questionnaire concerne la période de mars à novembre 2020, pendant laquelle les tests PCR n’étaient pas toujours facilement accessibles. Certains patients ont reçu un diagnostic de Covid sans en avoir la confirmation et pensent donc avoir été infectés alors que leur sérologie est négative. Inversement, d’autres pensent ne pas avoir été infectés et ont une sérologie positive. Enfin pour les autres le statut sérologique correspond à leur réponse concernant une possible infection.

La confrontation des données sérologiques avec la persistance de symptômes plusieurs mois après la première vague montre que ces signes persistants sont associés au fait de croire avoir été infecté plutôt qu’à un test sérologique positif. Seule la persistance d’une anosmie est associée significativement à une sérologie positive (Odds Ratio OR 2,72 ; intervalle de confiance à 95 % 1,66 à 4,46).

Pour les auteurs, deux mécanismes peuvent intervenir. Le premier est que les personnes présentant différents symptômes de manière prolongée peuvent en conclure qu’ils ont été infectés, particulièrement dans le contexte d’un intérêt croissant pour le Covid long. D’autre part, le fait de penser avoir été infecté peut augmenter le risque de symptômes, soit directement en perturbant la perception, soit indirectement en favorisant des comportements de santé inadaptés (réduction de l’activité physique, exclusions alimentaires).

Une étude qui fait polémique

Les résultats de cette étude ont déjà provoqué de nombreuses protestations, notamment de la part d’associations de patients estimant notamment que la réalité de leurs symptômes était mise en doute. Dans « Le Monde », le Pr Cédric Lemogne, coordonnateur de l’étude précise que l’analyse « se borne à suggérer que la présence de symptômes prolongés ne serait pas spécifiquement associée au fait d’avoir été infecté par le nouveau coronavirus, et non que les symptômes n’existent pas ». La communauté médicale a elle aussi réagi, et les principales critiques concernent la possibilité de faux négatifs des tests sérologiques, ou de tests devenus négatifs avec le temps. Selon les auteurs, ce risque est trop faible pour avoir perturbé le résultat, d’autant que les symptômes persistants sont associés dans la même mesure à la croyance en une infection chez les participants avec sérologie positive ou négative. Enfin, le lien solide avec la persistance de l’anosmie, signe le plus spécifique de Covid, renforce pour les auteurs la confiance qui peut être accordée aux résultats obtenus.

En conclusion, les auteurs de cette étude recommandent la poursuite des investigations pour rechercher les mécanismes de ces symptômes persistants, y compris des mécanismes qui pourraient ne pas être spécifiques au SARS-CoV-2. Les patients doivent être soigneusement évalués pour éviter que leurs symptômes ne soient faussement attribués à un Covid long et pour identifier les mécanismes cognitifs et comportementaux concernés.

Dr Roseline Péluchon

Références
Matta J. et coll.: Association of Self-reported COVID-19 Infection and SARS-CoV-Serology Test Results With Persistent Physical Symptoms Among French Adults During the COVID-19 Pandemic. JAMA Intern Med., 2021 Publication avancée en ligne le 8 novembre. doi:10.1001/jamainternmed.2021.6454

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Vos réactions (9)

  • Ils n'ont pas tort

    Le 15 novembre 2021

    Actuellement n'importe quel patient qui se plaint de symptômes persistants subjectifs et/ou complètement aspécifiques peut facilement être étiqueté COVID long.

    Personne ne nie que l'existence d'élément physiopathologique pouvant expliquer des symptômes persistants, mais il serait important de trier de le bon grain de l'ivraie pour faire des diagnostics s'appuyant sur la science.

    Julien Caillat

  • Comme à chaque fois

    Le 15 novembre 2021

    Que quelque chose n'entre pas dans le champ des connaissances des médecins pointe la tendance psychosomatique...
    Jusqu'au jour où quelqu'un comprendra...
    De toute façon psyché/soma, c'est un patient.

    Pr A. Muller

  • Rôle de l'immunité cellulaire et de la réactivation du virus EBV

    Le 15 novembre 2021

    Faire de la seule sérologie l'arbitre de la véracité des symptômes de COVID long chez ceux qui en ont les symptômes parait une vraie limitation de cette étude. Sans être un spécialiste du sujet de la réponse immunitaire à l'infection par le SARS-COV 2, il me semble que:

    1. d'authentiques infections COVID-19 ont été démontrées chez des sujets contacts de sujets infectés avec sérologie négative mais réponse lymphocytaire T spécifique du SARS-COV 2 jusqu'à 3 mois après les symptômes. (Intrafamilial Exposure to SARS-CoV-2 Associated with Cellular Immune Response without Seroconversion, Emerging Infectious Disease de janvier 2021)

    2. une réactivation du virus EBV séquelle d'une ancienne MNI, qui a été observé dans 73% des cas d'une cohorte de patients avec un COVID long clinique, sachant que bon nombre de ces symptômes sont communs entre COVID long et réactivation d'infection à EBV, aurait pu être investigué dans cette étude (Investigation of Long COVID Prevalence and Its Relationship to Epstein-Barr Virus Reactivation, Pathogens mai 2021).

    Dr Jamil Hamza

  • Très intéressant

    Le 15 novembre 2021

    Très intéressant et à mettre en parallèle avec l'augmentation mal expliquée des dépressions, laquelle mériterait le même genre d'étude.

    Dr Bernard Maroy

  • Et l'immunité à médiation cellulaire ?

    Le 15 novembre 2021

    On ne parle presque jamais de l'immunité à médiation cellulaire ! Pourtant, elle semble très prolongée, (Cf. EGORA, Ammouche le 31-03-2021).

    Selon Samira Fafi-Kremer (laboratoire de virologie du CHU de Strasbourg), les gens qui ont développé les AC neutralisants et qui les ont perdus ont probablement gardé leur réponse cellulaire T... Une étude suédoise a rapporté que les individus infectés par la COVID peuvent développer une réponse immunitaire cellulaire T mémoire EN ABSENCE D’ANTICORPS DÉTECTABLES (Sekine et al Biorxiv doi: https://doi.org/10.1101/2020.06.29.174888)

    Le fait qu'il ne soit pas possible de tester la réponse cellulaire T en pratique courante ne devrait pas empêcher de le faire au laboratoire de recherche, même si cela est coûteux et laborieux,
    nécessitant la séparation des cellules du plasma et tout un processus qui dure 2 jours pour rendre un résultat (technique mise au point dans le laboratoire de Samira Fafi-Kremer).

    Et quid de l'immunité tissulaire ?
    Décidément, se limiter à l'étude de la sérologie n'est pas très sérieux...

    Dr Gérard Loeb

  • Ou du sens des mots....! Pourquoi long...?

    Le 15 novembre 2021

    La terminologie « covid long » est tout à fait inappropriée et prête à confusion.
    La covid est essentiellement une pathologie inflammatoire (orage cytokinique) et vasculaire (thrombose). Au delà de l'épisode aigu avec possibles thromboses majeures pouvant toucher quasiment tous les organes (cœur, poumon, cerveau, rein,etc...), il y a des formes cliniques moins massives où les lésions inflammatoires et thrombotiques sont beaucoup plus localisées et surtout dont les conséquences vont persister au niveau des tissus atteints, l'organe étant alors moins fonctionnel (fibrose séquellaire).
    Il faut alors distinguer :

    1- Les COVID plus ou moins CHRONIQUES pour lesquels le virus est toujours présent et encore plus ou moins actif (personnes immunodéprimées…, ou au stade de la réa).

    2- Les SYNDROMES POST-COVID pour lesquels le virus n’est plus présent, a été éliminé. Par contre persistance de séquelles avec:
    a. soit des lésions anatomiques locale:
    - du type inflammation locale résiduelle sur les tissus atteints par cet orage cytokinique (poumon, cerveau, rein, etc…) avec tous les associés secondaires du type radicaux libres et autres
    - du type fibrose qui est une façon pour l’organisme de « finir » un processus inflammatoire excessif dans la durée, avec les conséquences lésionnelles et fonctionnelles sur l'organe touché.
    b. soit dysfonction non lésionnelle post-covid expliquant tous les troubles fonctionnels post-viraux : asthénie, troubles cognitifs, pulmonaires, etc… y compris psychologiques, avec : dysfonction de tel ou tel organe touché préférentiellement sur une prédisposition antérieure.

    Dr A. Carillon



  • Long-COVID19 ou Long-Pandemic Syndrome ?

    Le 15 novembre 2021

    C'est une question posée également dans le cadre d'une étude incluant 1560 adolescents. Elle mentionne l'absence de différences des symptômes entre les séropositifs et séronégatifs (1).

    1. Blankenburg J, Wekenborg MK, Reichert J, Kirsten C, Kahre E, Haag L, Schumm L, Czyborra P, Berner R, Armann JP. Mental health of Adolescents in the Pandemic: Long-COVID19 or Long-Pandemic Syndrome? medRxiv 2021.05.11.21257037; doi: https://doi.org/10.1101/2021.05.11.21257037

    Dr Johannes Hambura

  • Voici un nouveau syndrome à la mode ?

    Le 19 novembre 2021

    Surtout ne pas mépriser la plainte, mais guérir en donnant un nom (si possible scientifique) à un état de malaise est une pratique trop courante qui satisfait malade et médecin. Reconnaitre l'état de "malade" est nécessaire à la confiance mais on peut passer à coté d'un diagnostic.

    On m'a enseigné que l'état de "patraquerie" qui a pris ses lettres de noblesse avec la psychanalyse demandait à rester éveillé (ce n'était pas encore à la mode).

    Dr Robert Chevalot

  • Rien de bien nouveau

    Le 22 novembre 2021

    Nous connaissons depuis toujours les syndromes post infectieux (après une infection sévère bactérienne ou virale comme la grippe et la mononucléose), qui se signalent principalement par une forte asthénie (physique et psychique).
    Il faut, bien entendu, d'abord exclure ceux qui ne sont pas post infectieux mais traduisent la persistance de l'infection. Il faut ensuite diagnostiquer les lésions organiques et les déficits fonctionnels séquellaires.

    Une fois l'infection guérie et en dehors de séquelle objective, le syndrome post infectieux traduit essentiellement un épuisement immunitaire qui nécessite une reconstitution notamment nutritionnelle.
    Deux problèmes peuvent se greffer sur ce simple tableau :
    - soit un état anxio-dépressif en raison des conditions de vie perturbées et d'un terrain prédisposé, qui peut s'installer durablement et évoluer pour son propre compte ;
    - soit un état névrotique (la sinistrose) qui relève d'un trouble de la personnalité et se développe en raison d'un sentiment victimaire et de pseudo-bénéfices attendus.

    Si le premier cas est directement lié à une atteinte inflammatoire préalable, le second peut fort bien n'être déclenché que par un stress pychologique - en l'absence même d'une infection réelle.

    Il n'y a là rien de spécifique au coronavirus, et ces phénomènes s'observent quotidiennement dans d'innombrables contextes médicaux.

    La prise en charge effective de tous ces patients qualifiés de "psychosomatiques" n'est malheureusement pas organisée rationnellement. Il est indispensable qu'un corps de psychothérapeutes spécialement formés soit déployé pour y faire face, sous le contrôle étroit du médecin traitant qui, une fois établi le bilan diagnostique, n'a pas la disponibilité nécessaire ni d'ailleurs la compétence réelle dans les cas difficiles (chacun son métier).

    La nature ayant horreur du vide, ce sont des avocats et autres gourous qui s'emparent de ces souffrances, mettant tragiquement au débit du système judiciaire des dépenses qui incombent à la sécurité sociale.

    Dr Pierre Rimbaud

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