Covid : Pékin lâche du lest

Pékin, le lundi 5 décembre 2022 – Après près de deux semaines de manifestation contre les restrictions sanitaires, le gouvernement chinois amende progressivement sa politique zéro-Covid.

« Chaque personne est individuellement la première responsable de sa santé ». Le message s’affichait en grand ce jeudi sur l’immense tour Canton, qui surplombe la mégapole du sud de la Chine du haut de ses 600 mètres. Le message se veut clair : trois ans après le début de l’épidémie de Covid-19 en Chine, la très drastique politique zéro-Covid qui régit le pays est en passe d’être abandonnée, lentement mais surement.

Aucune annonce définitive d’un abandon des mesures sanitaires drastiques n’a été prononcé, mais plusieurs déclarations çà et là annoncent le début d’un revirement. Mercredi dernier, la vice-première ministre Sun Chunlan, responsable de la gestion de l’épidémie, a déclaré que « le combat contre la pandémie arrivait à une nouvelle étape » et n’a pas prononcé le mot zéro-Covid une seule fois dans son discours. Dans une manœuvre assez habituelle dans les dictatures, celle qui n’avait pas hésité à confiner pendant plusieurs mois la ville de Shanghai au printemps dernier rejette désormais la responsabilité des excès de la politique sanitaire sur les comités de quartier et les autorités locales.  

Bientôt la fin des centres de quarantaine ?


« Le pouvoir pathogène d’Omicron s’affaiblit et les conditions sont désormais réunies pour ajuster la réponse épidémique » a-t-elle ajouté pour enfoncer le clou à l’issue d’une réunion ce jeudi. Le président Xi Jinping lui-même aurait déclaré, lors d’une rencontre avec le président du conseil européen Charles Michel, que le « variant Omicron permet plus de souplesse ».

Un changement dans les propos officiels donc mais également dans les faits. Ces derniers jours, plusieurs municipalités chinoises ont allégé les restrictions, qui restent tout de même très sévères par rapport aux critères occidentaux. A Canton, le confinement en vigueur depuis plusieurs semaines a ainsi été levé. A Pékin et à Shanghai, il n’est plus nécessaire de présenter un test négatif pour emprunter les transports en commun ou pour se rendre à l’hôpital. Certaines municipalités envisagent également d’autoriser les personnes contaminées à s’isoler à leur domicile et non plus dans les gigantesques centres de quarantaine construits un peu partout dans le pays et qui sont très critiquées pour leurs conditions de détention « inhumaines ».

Ce changement de discours et cet assouplissement des règles sanitaires fait suite à deux semaines de manifestations contre la politique sanitaire de Pékin. Lancée à Urumqi, ville du nord-ouest du pays où les règles sanitaires auraient empêché les pompiers de venir au secours des victimes d’un incendie, la contestation a gagné tout le pays, un mouvement inédit depuis le soulèvement de Tiananmen de 1989. Une contestation qui a rapidement pris un tournant politique, de nombreux protestataires scandant des slogans hostiles au Parti Communiste et à Xi Jinping.

Vacciner et changer les mentalités, le nouveau défi de Pékin


Tout en réprimant les manifestations et en multipliant les arrestations, le gouvernement communiste lâche donc du lest et le président Xi Jinping aurait reconnu que « les gens étaient frustrés » par la politique sanitaire. Un allègement des mesures qui s’explique également par les conséquences économiques de la politique zéro-Covid (la croissance ne devrait être que de 3,2 % en 2022, au plus bas depuis 40 ans) et par ses limites, puisque ce sont désormais près de 35 000 contaminations par jour qui sont (officiellement) recensées.

L’abandon de la politique zéro-Covid ne pourra cependant être que progressif. Il faudra d’abord vacciner une population très réticente. Actuellement, seulement 40 % des Chinois de plus de 80 ans ont reçu trois doses de vaccin et ceux immunisés l’ont été avec des vaccins chinois à l’efficacité douteuse. Mardi dernier, le ministère de la Santé s’est fixé pour objectif d’arriver à 90 % de vaccinés. Selon certains épidémiologistes, cette faible couverture vaccinale est une véritable épée de Damoclès pour la Chine : en cas de levée trop brutale des restrictions, ce sont entre 1,5 et 2 millions de Chinois qui pourraient mourir en 3 mois.

L’autre défi des autorités chinoises sera de changer la mentalité des habitants. Car si certains Chinois n’en peuvent plus des restrictions, d’autres, abreuvés par trois ans de propagande intense, sont persuadés que la Covid-19 est une maladie très souvent mortelle. Dans un revirement extraordinaire, la presse officielle chinoise exhume désormais des articles scientifiques datant de janvier dernier qui prouvent la moindre dangerosité du variant Omicron. Des articles qui avaient à l’époque étaient censurés comme relevant du « laxisme occidental ».

Quentin Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Réagir à cet article

Les réactions sont réservées aux professionnels de santé inscrits et identifiés sur le site.
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.


Lorsque cela est nécessaire et possible, les réactions doivent être référencées (notamment si les données ou les affirmations présentées ne proviennent pas de l’expérience de l’auteur).

JIM se réserve le droit de ne pas mettre en ligne une réaction, en particulier si il juge qu’elle présente un caractère injurieux, diffamatoire ou discriminatoire ou qu’elle peut porter atteinte à l’image du site.