Ebola : quid des infections asymptomatiques ?

L'existence de formes asymptomatiques d'infection à virus Ebola a rarement été évoquée depuis l'émergence de l'épidémie actuelle en Afrique de l'Ouest. Or, selon une lettre au Lancet mise en ligne le 14 octobre 2014, ces infections inapparentes pourraient avoir une grande importance épidémiologique et leur dépistage, un intérêt majeur dans la lutte contre l'épidémie.

Comme le rappellent Steve E Bellan et coll. de l'université du Texas à Austin, lors des épidémies précédentes qui ont frappé l'Afrique centrale, il est apparu qu'un nombre très élevé de sujets pouvaient être infectés par Ebola sans jamais présenter de symptômes, comme en témoignent des sérologies positives. Ces individus ayant été infectés mais indemnes de tout symptôme représentaient dans une étude 71 % des séropositifs, tandis que dans un autre travail près de la moitié des sujets (46 %) ayant eu des contacts rapprochés avec un malade, étaient séropositifs sans avoir jamais eu de symptômes.

Evaluer la protection conférée par une infection inapparente

Si on est loin de tout savoir sur ces formes inapparentes, il semble, sans certitude absolue, que d'une part elles ne soient pas contagieuses et que d'autre part elles confèrent une immunité. Il est urgent, pour des raisons évidentes, de conduire des recherches sur le terrain au cours de l'épidémie actuelle pour évaluer la fréquence réelle de ces infections asymptomatiques, pour confirmer ou infirmer le caractère toujours non contagieux de ces sujets (ce qui est capital pour la lutte contre la transmission du virus) et pour évaluer la qualité et la durée de la protection conférée par une séroconversion après une infection inapparente.

L'évolution de l'épidémie dépend de la fréquence des formes asymptomatiques
Bellan et coll. évoquent brièvement les conséquences épidémiologiques et pratiques possibles d'une prise en compte de ces infections asymptomatiques.

Au plan épidémiologique, il est aisé de comprendre que nos projections sur la propagation de l'épidémie en Afrique de l'Ouest dépendent de l'importance du phénomène. Ainsi, par exemple, si une infection sur deux était asymptomatique, la vitesse de doublement des cas serait sensiblement réduite par rapport aux modèles prédictifs ne tenant pas compte des formes inapparentes. De plus, si comme on le pense le pourcentage de formes asymptomatiques est élevé, il faudra nécessairement en tenir compte lors d'essais vaccinaux pour évaluer l'efficacité sérologique d'un vaccin testé sur une large population à risque afin de ne pas confondre séroconversion induite par le vaccin et séroconversion spontanée.

Sélectionner les professionnels de santé de première ligne parmi les sujets immuns ?

Sur un plan plus immédiat, Bellan et coll. estiment que le dépistage de ces séroconversions asymptomatiques, s'il était confirmé qu'elles sont toujours protectrices, pourrait avoir un grand intérêt pour identifier parmi les personnels de santé des sujets immuns qui pourraient être sélectionnés pour travailler en première ligne dans les centres de lutte contre la maladie ou dans les équipes mobiles ad hoc.

Enfin Bellan et coll. suggèrent d'étudier, chez les malades,  les effets de transfusions provenant de sujets séropositifs indemnes d'infection clinique ce qui serait plus simple à mettre en œuvre que des transfusions de convalescents comme cela avait été pratiqué quelques fois dans les épidémies précédentes.   

On le voit, toutes ces questions sont loin d'être purement théoriques et nécessitent des investigations urgentes.

Dr Anastasia Roublev

Référence
Bellan S et coll.: Ebola control: effect of asymptomatic infection and acquired immunity. Lancet 2014; publication avancée en ligne le 14 octobre. (doi.org/10.1016/S040-6736(14)61839-0)

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