
A peine l’entretien était-il paru que pleuvaient déjà sur twitter les protestations de professionnels et d’usagers de santé visiblement piqués au vif, à l’instar de celle du secrétaire général adjoint de l’Union française pour une médecine libre (UFML) - Association, le docteur Emmanuel Zenou, qui s’est fendu d’un : « À quand un stage de bon sens, un DU de clairvoyance, voire un doctorat de gentillesse ? Vraisemblablement, @agnesbuzyn a zappé le module du respect de ses pairs dans son cursus… ». Ailleurs, on pouvait également lire : « Le système de santé, à bout de souffle, ne tient que par la dévotion et l'abnégation des soignants. Dire qu'ils manquent d'empathie, c'est leur cracher à la figure ! » ou encore : « Nos médecins traitant sont majoritairement, à la fois médecin, psychologue, et j'en passe. Ils sont juste débordés! Luttez contre le manque de médecins. Plutôt que de dire des bêtises ».
Un système de formation déshumanisant
Puisque la ministre évoque la question de la formation des médecins, c’est précisément sur ce point qu’a choisi de lui répondre le docteur Dominique Thiers-Bautrant, gynécologue obstétricienne à Aix-en-Provence, dans un billet d’humeur publié sur les sites de la Fédération des médecins de France (FMF) et de l’UFML-Syndicat. Ironisant sur la proposition d’Agnès Buzyn de créer « une certification d’empathie, des professeurs d’empathie, des tests d’empathie », elle se demande à quel moment du cursus des études médicales un tel enseignement pourrait être dispensé. Visiblement pas en Première année des études en santé (PACES), « cette moulinette à étudiants à qui on demande d’apprendre par cœur et de recracher des milliers de data dont plus de la moitié sont parfaitement inutiles au métier de soin ».Plus tard dans la formation, quand « vient le temps du lent et laborieux apprentissage des pathologies […] mais aussi des stages hospitaliers dont l’encadrement est très aléatoire, assez souvent maltraitant, sexiste » ? Le Dr Thiers-Bautrant doute également que l’empathie y ait une place de choix. Enfin vient l’Examen classant national (ECN), pour lequel « la préparation se fait dans une angoisse extrême, au sein de facultés où bienveillance et empathie sont loin d’être des valeurs phares ». Bref : « La fac n’est pas un lieu de bienveillance, mais de contrôle et de sanctions ». Dans ce cadre où « on désapprend [les] qualités humaines pour les remplacer par des technique de management… », la gynécologue est persuadée que ces étudiants sont obligés d’avoir « la foi en leur futur métier chevillée au corps » et que l’empathie fait « partie intégrante de leur âme dans l’immense majorité des cas ». Plus qu’à tous ces jeunes, ce serait finalement « aux institutions, aux dirigeants qu’il [faudrait] enseigner l’empathie » et « cesser les gouvernances maltraitantes qui génèrent des maltraitants et brisent les vocations ».
Benoît Thelliez