Le psychiatre, face au terrorisme

Avec son cortège tragique de morts et de souffrances, le terrorisme ne saurait laisser les psychiatres indifférents. Seule puissance nucléaire du monde arabo-musulman à ce jour, le Pakistan n’échappe malheureusement pas au terrorisme, comme le rappelle dans The American Journal of Psychiatry une psychiatre exerçant dans ce pays, à propos d’une bombe ayant fait 47 morts et 135 blessés à Karachi en mars 2013.

L’auteur évoque la façon dont le terrorisme a « profondément affecté la vie quotidienne » et le besoin d’un soutien psychologique pour les rescapés de l’attentat. Un espace de parole a donc été organisé pour permettre aux survivants de partager leurs expériences sur cette terrible épreuve. Un jeune homme raconte ainsi une vision chaotique de « fin du monde », le feu et la fumée, les appartements et les commerces détruits, et surtout cette scène apocalyptique de victimes tombant d’un immeuble en ruine : « Je ne parviens pas à oublier cet enfant de 10 ans tombant du second étage et mourant » sous mes yeux. »

Les rescapés sont confrontés notamment à la culpabilité d’avoir survécu quand tant d’autres sont morts et à celle de n’avoir rien pu faire pour les protéger de ce sort funeste. L’auteur s’interroge sur son rôle de psychiatre contribuant à « nourrir la résilience » et explique que le terrorisme ne frappe pas seulement une personne ou une famille, mais toute la société dans son ensemble. Ces événements paraissent « au-delà de l’endurance humaine » : quiconque est témoin d’un tel drame en reste à jamais affecté. Ces témoins en perdent le sommeil ou l’appétit, et ne cessent de penser à la tragédie qu’ils ont vécue : « Ayant été en contact avec de la chair (humaine), je suis désormais incapable de manger de la viande », explique ainsi un rescapé. L’auteur éprouve « la même colère et le même délaissement » que ses patients et on ne peut qu’approuver sa dénonciation de la vacuité du « combat » terroriste : « Si les organisations terroristes estiment qu’elles livrent une guerre, qui combattent-elles ? Des enfants, des femmes ou des hommes innocents et désarmés ? » Les mouvements terroristes devraient méditer cette formule trop peu connue : « Tuer un homme pour défendre une idée, ce n’est pas défendre une idée, mais c’est tuer un homme. »

Dr Alain Cohen

Référence
Aijaz A: Pakistan. Am J Psychiatry, 2013; 170:8, 826–827.

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