Paris, le samedi 30 octobre 2021 – La volonté de lutter contre les
préjugés et les discriminations qui touchent les personnes obèses a
pu entraîner certains militants à aller jusqu’à discuter le
caractère pathologique de l’obésité. Le journaliste Benjamin Sire
expliquait ainsi récemment dans l’Express « L'autre discours
instillé par les "fat studies" consiste carrément à remettre en
cause les conséquences de l'obésité sur la santé de ceux qui en
souffrent. Dans leur viseur se trouve, l'IMC, le fameux indice de
masse corporel, servant à déterminer la corpulence des
individus ». Une telle orientation militante est totalement
contraire à l’objectif suivi depuis toujours par Anne-Sophie Joly,
présidente du Collectif national des associations d’obèse (CNAO).
Celle qui vient d’être distinguée par le Collectif Femmes de Santé
se bat au contraire depuis plus de 20 ans pour que la réalité
médicale de l’obésité soit mieux connue, non seulement du grand
public mais aussi des professionnels de santé. Ainsi, quand le
Collectif Femmes de Santé l’interroge sur les enjeux de son combat
dans le domaine de la santé, elle est très précise : « Les
enjeux sont énormes et cela à tout niveau. L’obésité coûte à la
France 23 milliards d’euros par an. Le surpoids et l’obésité
touchent environ 47 % de la population nationale soit environ 31
millions de personnes en France. Elles représentent pour la crise
du Covid-19, 47 % des personnes en réanimation et 40 % des décès
(...). Les prévisions catastrophiques de l’OMS, au niveau mondial,
à l’aube de 2030 seront malheureusement largement dépassées ! Le
surpoids et l’obésité sont bien plus que des tailles de vêtements
plus grandes, ce sont des maladies chroniques qui émergent très tôt
dans la vie des personnes. Des années de vie en mauvaises santé,
des années de vie en moins, de la discrimination dans la vie
professionnelle, de la précarité pour certains, une inégalité à la
prise en charge des soins, voir un retrait total pour d’autre, une
torture psychologique et physique, de la mésestime de soi et des
autres… Cela est bien plus que d'arrêter de manger, et faire un peu
de sport ! ».
Lutter contre le déni de la société
Cette parfaite prise de conscience de l’ampleur des enjeux médicaux
liés à l’obésité n’empêche nullement Anne-Sophie Joly de porter
également un discours très ferme sur la lutte contre les
discriminations. Elle rappelle ainsi régulièrement que ces
dernières s’observent dans toutes les sphères, y compris dans le
milieu médical. L’absence par ailleurs d’une véritable prévention,
qui prenne notamment acte du caractère pathologique de l’obésité
(en s’écartant enfin de la représentation de l’obésité vue comme un
comportement alimentaire qui pourrait être amélioré par la seule
volonté) est pour elle un symptôme fort du déni de notre
société.
Ce combat contre les discriminations, Anne-Sophie Joly l’endosse
d’autant mieux qu’elle a elle-même été la victime de ces brimades,
de ces refus d’embauche, de ces rejets. Elle en fait d’ailleurs
sans conteste le point de départ de son engagement, comme elle
l’explique au collectif. « Ayant connu une forme, des formes de
souffrance en lien avec mon obésité et toutes ses multiples
facettes, je ne souhaite pas que d’autres, que des enfants, la
connaisse. Cela est illusoire, mais cela est aussi pour moi, tout
comme beaucoup d’autres personnes : la modeste mission que je me
suis fixée ». Ce terme de mission signale bien la profondeur de
l’engagement d’Anne-Sophie Joly, qui confesse qu’une des raisons de
son travail sans relâche à la tête du CNAO depuis 20 ans en dépit
des multiples obstacles n’est pas étranger à une réflexion qui nous
étreint tous sur le sens de l’existence : « Entre nous, me dire un
jour au seuil de ma mort : ma modeste vie aura-t-elle servi à
quelque chose à part à moi-même… ? ».
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