L’IRM multiparamètrique avant chaque biopsie prostatique ?

L’IRM multiparamétrique est réputée pour sa haute sensibilité qui lui vaut d’être largement utilisée dans la détection des zones prostatiques suspectes justiciables d’une biopsie ciblée. Cette approche vient compléter si nécessaire les biopsies systématiques (BS) qui quadrillent à l’aveugle l’ensemble de la prostate. L’IRM est indiquée par la plupart des sociétés savantes en cas de BS négatives, alors qu’il persiste une suspicion élevée de cancer prostatique face à des arguments cliniques et surtout biologiques. C’est dans ces cas non exceptionnels que l’IRM va détecter une lésion maligne dans des territoires mal explorés par les BS, qu’il s’agisse de la moitié antérieure de la glande ou encore de sa base ou de son apex, tout au moins dans leur portion extrême. Qu’en est-il de l’IRM multiparamétrique avant toute biopsie prostatique ? L’idée est tentante, puisqu’une imagerie non invasive permettrait de ne réaliser des biopsies ciblées qu’à bon escient en évitant les BS bien plus traumatisantes. Le débat est ouvert quand on prend en compte deux études récentes qui ont de quoi l’alimenter.

Deux études pas totalement concordantes

En premier lieu, l’essai randomisé multicentrique international dit PRECISION a abouti à des résultats encourageants. Cinq cents patients ont été répartis en 2 groupes : (1) BS (10-12 prélèvements) sans IRM préalable (n = 250 ; (2) IRM et biopsies ciblées (3 cibles, jusqu’à 4 prélèvements par cible) uniquement quand l’IRM s’est avérée positive. Le taux de détection des cancers prostatiques caractérisés par un score de Gleason ≥7 s’est avéré supérieur dans le groupe 2 (IRM), soit 38 % versus 26 % dans l’autre groupe (p = 0,005). En contrepartie, la détection des cancers cliniquement non significatifs (score de Gleason < 6) a été plus faible dans le groupe IRM (9 % versus 22 %, p < 0,001).

Ces résultats ont suscité un certain enthousiasme quelque peu tempéré par ceux d’une étude prospective multicentrique française dite MRI-FIRST. Les 275 participants ont bénéficié d’une IRM puis de 12 à 14 BS, complétées par des biopsies ciblées (2 cibles, 3 prélèvements) uniquement en cas de positivité de l’IRM. Ces dernières ont de facto révélé plus de cancers prostatiques agressifs (Gleason ≥7), mais le gain s’est avéré non significatif (32,3 % vs 29,9 %, p = NS). Si l’on combine BS et biopsies ciblées, le taux de détection atteint 37,5 %. Des lésions caractérisées par un Gleason ≥ 7 n’auraient pas été détectées chez 7,6 % des patients sans les biopsies ciblées, vs 5,2 % sans les BS. Comme dans l’étude précédente, les biopsies ciblées ont détecté moins de cancers non significatifs, soit 5,6 % vs 19,5 %, p < 0,0001) et plus de cancers agressifs  (19,9 % vs 15,1 %, p = 0,0095).

Prudence en conséquence…

Ces deux études révèlent qu’une IRM paramétrique avant la biopsie permet de détecter plus de cancers caractérisés par un score de Gleason ≥ 7. Faut-il rendre systématique cet examen dans cette indication, voire ne procéder qu’à des biopsies ciblées guidées par l’IRM ? Dans l’état actuel des connaissances, la prudence s’impose : il convient de conserver les BS qui ont fait leurs preuves et d’utiliser l’IRM en complément au moins en théorie. En effet, le nombre de prélèvements ciblés et la qualité du guidage en IRM apparaissent comme des variables critiques qu’il convient de définir au mieux en fonction du volume de la prostate et de la taille de la cible.

Par ailleurs, la stratégie qui consisterait à imposer une IRM avant chaque biopsie prostatique se heurte à des contraintes logistiques : saturation des machines notamment en France, d’une part, sémiologie IRM encore imprécise ou mal connue, si l’on en juge d’après la grande variabilité de l’interprétation d’un lecteur à l’autre.

Dr Philippe Tellier

Référence
Rouvière O : Vers une IRM avant chaque biopsie de prostate ? Journées Françaises de Radiologie (Paris) : 12 au 15 octobre 2018.

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Vos réactions (1)

  • L'échographie transrectale est idéale

    Le 06 novembre 2018

    Pourquoi aller chercher une méthode coûteuse et compliquée alors que l'échographie transrectale est idéale par sa résolution et pour diriger l'aiguille de biopsie.


    Dr Guy Roche, ancien interniste

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