
La lombalgie aiguë est l’un des premiers motifs de consultation en médecine générale. Mais malgré l’extrême banalité du symptôme, la prise en charge des patients n’est uniforme ni d’un pays à l’autre ni d’un praticien à l’autre.
La plupart des Sociétés savantes recommandent en première ligne (après avoir éliminé une étiologie grave sous jacente) d’associer une information du patient sur la bénignité de sa pathologie et son bon pronostic, des conseils sur le maintien de l’activité la plus normale possible et une prescription de paracétamol. En seconde intention, des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou des manipulations vertébrales sont préconisées. En pratique clinique, la distinction entre traitement de première et de deuxième ligne est loin d’être nette et les malades reçoivent très souvent des AINS ou sont soumis à des manipulations vertébrales d’emblée.
Cependant, les études démontrant l’efficacité des AINS ou des manipulations ne sont pas totalement concluantes ne serait-ce que parce que les malades inclus dans ces essais n’ont pas tous bénéficié d’un traitement de première ligne bien conduit. C’est pourquoi une équipe australienne a remis l’ouvrage sur le métier en soumettant ces deux interventions réputées de seconde ligne à l’épreuve de la randomisation contre placebo (1).
Des ultrasons factices !
Deux cent quarante malades de la patientèle de 40 généralistes souffrant de lombalgie aiguë (moins de 6 semaines d’évolution), d’intensité modérée, sans signes d’atteinte grave d’une racine et sans contre-indication aux AINS ou aux manipulations vertébrales ont été inclus dans l’essai.
Tous ces patients ont bénéficié de l’information et des conseils habituels et de la prescription de paracétamol à la posologie d’un gramme 4 fois par jour si nécessaire. Dans les 48 heures de cette première consultation, ils ont été randomisés en 4 groupes : manipulation + diclofénac (50 mg deux fois par jour), manipulation placebo + diclofénac, manipulation + placebo et double placebo. Le diclofénac ou le placebo devaient être poursuivis jusqu’à la disparition des symptômes ou durant 4 semaines au maximum. Pour des raisons incontournables, la randomisation vers les deux types de manipulation, réelle ou placebo, a été réalisée en simple aveugle. Les patients ont été assignés soit à des manipulations vertébrales adaptées à leur état selon un algorithme pré-établi autorisant différentes techniques (lentes ou à haute vitesse) soit à des séances factices d’ultrasons (l’appareil n’émettant aucune onde). Deux à trois séances, selon les cas, étaient prévues chaque semaine pendant 4 semaines.
Le critère principal de jugement était le nombre de jours jusqu’à la disparition des douleurs (score 0 ou 1).
Des courbes de guérison superposables
Sur ce critère simple, l’évolution des 4 groupes a été désespérément similaire : la médiane de durée des douleurs a été de 15 jours avec les manipulations réelles et factices, de 13 jours avec le diclofénac et de 16 jours avec le placebo (différence non significative ; p=0,516). L’association des deux traitements n’a pas non plus permis une guérison significativement plus rapide que le double placebo (p=0,609). Aucune différence significative n’a été non plus constatée sur les critères secondaires de jugement (score de douleurs, de mobilité, de handicap ou perception globale d’efficacité).
Cette étude iconoclaste ne manquera pas de susciter les
critiques :
- manque de puissance n’ayant peut-être pas permis de rendre
significative la tendance à la disparition plus rapide des douleurs
observée avec l’AINS,
- type de manipulations choisies et absence de double aveugle
pour ce bras de l’essai.
En tout état de cause, ce travail démontre que l’impact de ces prises en charge lorsqu’elles sont associées à des conseils simples et du paracétamol est nul ou au mieux négligeable. Il devrait conduire à une simplification du traitement des lombalgies aiguës non compliquées et à une réduction très significative de son coût (en terme économique et d’effets secondaires).
Dans la suite logique de cette publication dérangeante, des études sur la prescription des AINS dans d’autres pathologies musculo-squelettiques bénignes aiguës et dans les lombalgies chroniques seraient souhaitables (2).
Dr Céline Dupin