
Pour éviter la pénurie
Pour répondre à ces interpellations et à ce désarroi, la Direction générale de la Santé (DGS) a publié hier un nouveau communiqué énumérant de façon très précise les préconisations pour chaque catégorie de professionnels (ou presque) alors que de nouvelles livraisons de masques ont commencé à arriver dans les pharmacies. Si les opérations de déstockage réalisées ces dernières semaines permettent la mise à disposition de marques chirurgicaux et d’appareils respiratoires à hauteur de 25 millions d’unités, les ressources pourraient être rapidement épuisées. Aussi, « afin de [les] préserver », une gestion très encadrée est mise en place par la DGS.FFP2 : uniquement pour les actes invasifs
Cette dernière insiste tout d’abord sur le fait que ces modalités concernent prioritairement « les zones où le virus circule activement », zones dont la liste est régulièrement réactualisée. Dans ces aires, les masques FFP2 sont réservés à certaines indications (actes invasifs). Il est ainsi précisé que ces appareils respiratoires seront « mis à la disposition des médecins et des infirmiers » « selon les indications et la disponibilité de ces derniers ». On relève encore qu’ils pourront « être mis à disposition ponctuellement » des chirurgiens-dentistes pour les urgences ; et seront également possiblement distribués aux kinésithérapeutes pour les actes de kinésithérapie respiratoire. Plus certainement, les FFP2 sont réservés aux établissements de santé, qu’ils soient habilités ou non à la prise en charge des patients infectés ou suspectés d’être infectés par Covid-19.En EHPAD, des masques seulement pour prendre soin des personnes infectées
Ainsi, les masques chirurgicaux demeureront le principal dispositif de protection en ville. Si le port devra être systématique par les médecins, infirmiers, pharmaciens, chirurgiens-dentistes (« étant entendu » concernant ces derniers « que les patients cas possibles ou confirmés et les cas contacts à haut risque sont invités à reporter leurs soins dentaires » et que ces praticiens sont invités à limiter leur activité aux soins prioritaires) et les kinésithérapeutes (qui doivent également se concentrer sur les soins prioritaires), la situation est différente dans les Etablissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) et pour les personnels accompagnant les plus âgés à domicile. Ici, les masques chirurgicaux doivent être réservés lors des soins aux cas suspects et confirmés d’infection par le Covid-19 (ce qui est illusoire faute de tester les malades !). Les mêmes préconisations sont formulées pour les transporteurs sanitaires et les prestataires de services et distributeurs de matériels.Des laboratoires d’analyse toujours dans l’incertitude
Ces précisions de la DGS n’établissent apparemment pas de
recommandations spécifiques à l’intention des laboratoires
d’analyse ; qui doivent donc appliquer les indications concernant
chaque catégorie professionnelle en leur sein (médecins ou
infirmiers), tandis que l’incertitude demeure concernant les agents
non professionnels de santé. Constatant les limites des
recommandations des autorités officielles, et la diversité des
réponses apportées par les Agences régionales de santé (ARS), le
Syndicat national des biologiques commente dans un communiqué
diffusé hier : « On sait maintenant que des laboratoires
spécialisés proposent le diagnostic, mais quand aurons-nous du
matériel adapté (EPI) garantissant la protection des préleveurs ?
Quel équipement est préconisé ? Qui fait le prélèvement ? Où ?
».
Il détaille encore que « Les préleveurs doivent être
équipés de masques FFP2, à défaut, de masques chirurgicaux,
cagoules, lunettes de protection et surblouse ».
Le Dr Jean-Paul Hamon contaminé
Au-delà de certaines lacunes, l’arrivée d’un nouveau stock de masques dans les officines et l’édiction de ces directives permettront-elles d’apaiser (au moins temporairement) les inquiétudes des professionnels de santé. D’autant que les contaminations se multiplient dans leurs rangs et que les masques chirurgicaux qui constituent encore la majorité des EPI disponibles seront insuffisants à assurer leur protection. De façon emblématique, le docteur Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF) a révélé hier avoir été testé positif, ainsi que la moitié des praticiens de son cabinet. Interrogé par de nombreuses chaines de télévision, le praticien a jugé que sa situation était représentative des conséquences désastreuses de la pénurie de masques à laquelle les professionnels de santé ont été confrontés en raison de l’impréparation des pouvoirs publics. Partout, les contaminations de soignants inquiètent ; tandis que dans le Grand-Est région la plus fortement touchée aujourd’hui, certaines équipes hospitalières, afin d’assurer la continuité des soins, demandent aux praticiens peu symptomatiques de poursuivre leur activité. Un phénomène particulièrement inquiétant.Des spécialistes prêts à soutenir les généralistes
Face à cette situation, beaucoup estiment qu’une véritable
analyse de la gestion de la crise sera indispensable quand
l’épidémie sera endiguée. Telle est ainsi la teneur du message
adressé hier à tous les médecins par le Conseil national de l’Ordre
des médecins (CNOM).
« Après ce combat qui va durer, lorsque la victoire aura
été obtenue, viendra le temps des rendez-vous politiques, car des
explications devront nous être données » écrit l’instance.
Avant cette phase indispensable, l’Ordre se félicite de la
mobilisation de l’ensemble des médecins et tonne : « Nos
cabinets, nos cliniques, nos dispensaires, nos hôpitaux vont rester
ouverts ». Dans les faits, il existe un contraste entre
certains services hospitaliers engorgés ; des cabinets de médecine
générale qui répondent à un afflux important de patients (notamment
par téléconsultation dont la prise en charge est désormais à 100 %)
et des praticiens, notamment spécialistes, qui enregistrent une
baisse notable de leur activité. Constatant cette situation
parfaitement logique, la branche spécialiste de la Confédération
des syndicats de médecins français (CSMF) a d’ailleurs affirmé que
ces praticiens se tenaient à la disposition des généralistes pour
les soutenir. Une solidarité bienvenue et indispensable.
Aurélie Haroche