Mère courage malgré elle

Paris, le samedi 22 avril 2023 – Animatrice de télévision, Eglantine Eméyé a témoigné après la mort de son fils Sammy, autiste polyhandicapé décédé à l’âge de 17 ans.

Longtemps, la vie d’Eglantine Eméyé s’est apparentée à un conte de fée. Belle, intelligente, fille de bonne famille (son père est haut fonctionnaire et écrivain, sa mère journaliste et écrivaine), elle a d’abord embrassé une carrière de mannequin, avant de mener, depuis 1999, celle d’animatrice de télévision sur diverses chaines (Canal+, TF1, France Télévisions) ainsi que d’actrice au théâtre et à la télévision.

Mais une épreuve a bouleversé sa vie. Depuis 2005, elle a dû prendre en charge son fils cadet, Sammy, lourdement polyhandicapé : il souffre de traits autistiques sévères, d’épilepsie et est également handicapé moteur en raison d’un accident vasculaire cérébral survenu peu après sa naissance. Une lourde tache qu’elle doit supporter presque seul, puisque son mari et père des deux enfants l’a finalement quitté. « La relation n’a pas tenu le coup, comme beaucoup de couples qui vivent la même situation. 80 % des familles dans le handicap sont monoparentales » expliquait-t-elle l’an dernier, sans rancune apparente.

Une vie de souffrance

Depuis des années, l’animatrice de télévision illustre la prise en charge difficile de son fils, à travers les réseaux sociaux, ainsi qu’un documentaire, « Mon fils, un si long combat », sorti en 2014 et deux livres, « Le voleur de brosse à dents » publié en 2015 et « Tous les mots sont dans ma tête » en 2020. Elle ne cache rien, ni les moments de joie, ni ceux très difficiles où le handicap de son fils, qui ne parle pas, ne dort pas et hurle et s’automutile sans raison, la met aux bords de la crise de nerfs. « Le plus difficile a été de me battre physiquement avec mon enfant » témoignait-elle. En octobre dernier, elle avait dit comprendre le geste d’une mère qui avait assassiné son fils autiste. « Je vous avoue qu’il m’est arrivé d’y penser, de me dire « je vais craquer, je vais le jeter par ma fenêtre et me suicider après » avait-elle déclaré. Elle a également créé en 2008 une association, « Un pas vers la vie », pour venir en aide aux familles d’enfants autistes. 

Une médiatisation de la prise en charge de son fils, qui permet également de mettre en lumière les insuffisances de la lutte contre l’autisme en France. On le sait, les places en institutions spécialisés manquent dans notre pays, forçant de nombreux parents à prendre en charge leur enfants seul ou à s’exiler en Belgique. Après des années d’errance, Eglantine Eméyé avait finalement réussi à trouver une place pour Sammy dans un institut du sud de la France.

Son combat a brutalement pris fin le 20 février dernier, lorsque Samy est mort à l’âge de 17 ans. Invitée le 12 avril dernier sur le plateau de BFM TV pour évoquer la mort de son fils, Eglantine Eméyé a assuré que « cela n’avait rien à voir avec l’autisme » et que Samy était mort d’un « trouble très particulier », un accident vasculaire localisé dans la moelle épinière. Un entretien très émouvant dans lequel l’animatrice de télévision a raconté avec une grande dignité « l’histoire tragique de mon fils ».

« Je me sens toujours mère d’un enfant handicapé »

Appelant de nouveau l’Etat à investir davantage dans le combat contre cette maladie, en créant davantage de places dans les institutions spécialisés, elle a, à rebours du discours ambiant, rappelé les limites de la politique d’inclusion. « Il y a des autistes qui auront toujours leur place dans la société, il faut la leur donner, mais il y a énormément qu’il faut prendre en charge » a-t-elle rappelé.  

Sans fausse pudeur, Eglantine Eméyé a reconnu que, après 17 ans à devoir s’occuper d’un enfant lourdement handicapé, sa disparition pouvait créer une forme de soulagement, ou du moins tente elle de s’en persuader. « J’ai demandé à mon fils aîné d’accepter cette idée-là, il était très angoissé à l’idée qu’un jour il était responsable de son frère, je lui ai dit « autorise toi des sentiments ambivalents ». Pour moi, en tant que maman c’est plus difficile. Mais une part de moi s’accroche à cette idée que peut être il ne souffrira plus jamais ».

Malgré le drame, cette mère courage (terme qu’elle refuse totalement) a tenu à adresser un message d’espoir aux parents d’enfants handicapés. « J’avais des moments magnifiques avec mon fils, l’espoir qu’avec tout ce qu’on mettait en place autour de lui, les jours meilleurs allaient venir. Je dis aux familles : « accrochez-vous, on ne vous laissera jamais tomber ». On continue le combat ». La mort de Sammy ne mettra donc pas fin à son parcours militant. « Je me sens toujours mère d’un enfant handicapé aujourd’hui ».  

Nicolas Barbet

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article