Prolongation de l’urgence sanitaire : le gouvernement rend sa copie
Paris, le samedi 2 mai 2020 - Ce matin, le conseil des ministres a
planché sur la loi prolongeant l'état d'urgence sanitaire jusqu’au
24 juillet. Si elle reprend en grande partie le texte déjà voté en
mars, la loi comprendra également un nouveau volet de dispositions
qui seront discutées dès lundi par le Sénat.
Des situations de quarantaine obligatoire
Première annonce faite par le ministre de la santé en
conférence de presse les mesures d’isolement et de quarantaine ne
seront coercitives que dans certains cas précis. En pratique, il
s’agira de contraindre des personnes arrivant sur le territoire
national. Pour les personnes testées positives et déjà sur le
territoire, « nous faisons confiance à l'esprit de
responsabilité des Français », a indiqué Olivier Véran.
Le projet de loi prévoit ainsi que « les mesures
individuelles de placement sont prises par le représentant de
l'Etat, sur proposition du directeur général de l'Agence régionale
de santé et après constatation médicale de l'infection de la
personne concernée ». Elles ne s'appliqueront « qu'aux
personnes entrant sur le territoire national ou arrivant dans un
territoire d'Outre-mer ou en Corse ».
Les personnes qui font l'objet de ces mesures pourront exercer
un recours devant le juge des libertés et de la détention « qui
statue dans les 72 heures ». Le juge pourra également
s'autosaisir. « Ces mesures ne peuvent se poursuivre au-delà de
quatorze jours, sauf si la personne concernée y consent ou en
accord avec le juge des libertés et de la détention », poursuit le
texte, précisant que « la durée totale de ces mesures ne peut
excéder un mois ».
Au revoir Stop Covid, bonjour contact tracing
Olivier Véran a également mis en avant la création de deux
fichiers, le Sydep et « contact Covid » qui permettront
respectivement d’identifier les patients Covid + et leurs les
contacts. Pour cela, la collecte de données se fera à plusieurs
niveaux « tout d'abord, le recueil des résultats des tests
positifs par les laboratoires. Ensuite, ce qu'on appelle le tracing
de niveau 1, qui sera exercé par les médecins, les professionnels
de santé ». Ainsi, comme nous l’avons vu hier les médecins
généralistes seront incités (notamment par un tarif de consultation
majoré) à renseigner sur leur compte Ameli pro les identités
détaillées des patients Covid + et de leur contact.
« Le tracing de niveau 2, lui, sera organisé par
l'Assurance-maladie : il vise à enrichir la liste des contacts
potentiels au-delà de ce premier cercle, de vérifier qu'aucune
personne potentiellement malade n'ait pu échapper au premier
tracing et donner des consignes aux intéressés. Le tracing de
niveau 3 est organisé, comme c'est le cas depuis le début de
l'épidémie, par les agences régionales de santé : il s'agit d'aller
identifier des chaînes de contamination» a détaillé le
ministre. *
Ce contact tracing réalisé par les médecins généralistes, les
ARS et les « brigades d’anges gardiens » pourraient bien remplacer
la décriée application Stop Covid, même si cela n’est pas encore
tout à fait acté. Ainsi, le ministre de la santé a expliqué : «
on avait dit nous-mêmes que c'était un défi technologique, un
défi scientifique, un défi pratique et qu'engager la réflexion ne
nous engageait pas à mettre en place ce dispositif. Au 11 mai, non,
il n'y aura pas d'application Stop Covid disponible dans notre pays
et le Premier ministre a été très clair, si ce type d'application
devait voir le jour, être opérationnel, devait faire montre
d'efficacité, il y aurait un débat spécifique au Parlement, rien
n'a changé de ce point de vue-la ».
Concernant la liberté d’aller et de venir, Christophe Castaner
a précisé la pensée du Premier ministre : « grâce à ce projet de
loi, nous sortons du choix binaire entre ouverture et fermeture :
il sera désormais possible d'assujettir l'ouverture d'un
établissement à des conditions spécifiques, par exemple d'horaire
ou de densité ». Concernant le fameux rayon de 100 km autour du
domicile au-delà duquel une justification impérieuse est
nécessaire, le ministre de l'Intérieur a précisé qu'on pourrait
circuler entre des départements, qu'ils soient vert ou rouge dans
la carte du déconfinement. Il n’a toutefois pas précisé s’il
s'agissait d'une distance à vol d'oiseau ou par la route. De plus
la France ne rouvrira pas ses frontières avec les pays frontaliers
le 11 mai.
Enfin, Olivier Véran a fait savoir, que conformément aux
annonces faites il y a quelques jours, le conseil des ministres a
adopté ce matin « une ordonnance qui porte création d'un
dispositif d'aide à destination des professionnels de santé
libéraux et des structures de soins ambulatoires qui ont été
fortement impactés dans leur exercice habituel. Une compensation a
été élaborée en concertation avec ces professionnels de santé
libéraux et l'Assurance-maladie, qui permet de couvrir notamment
les charges de ces professionnels de manière à éviter toute
fermeture d'activité ».
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Décidément les Shadocks règnent plus que jamais là bas, en haut. On attendait un élan structuré, on a un pensum, y compris dans sa déclinaison sanitaire.
L’État des bureaux a repris la main, et concocte un plan illisible. On n'en voit ni la structure, ni l'épine dorsale, ni la finalité, ni le sens. C'est pour quoi faire tout ça ? Uniquement éviter au personnel hospitalier le stress d'une "vague" dont rien ne dit qu'elle doive se former (rien ne disant, c'est vrai, qu'elle ne le puisse pas) ?
Pour être important, ce élément ne peut être l’alpha et l’oméga , et surtout pas la seule finalité devant les êtres inquiets, les français que nous sommes. La structuration du "tracing" (comme tout cela est délicieusement français, c'est pas comme traçage ou, pire, pistage) est par lui même révélateur du gradient d’intérêt qui est vu de là bas, là haut et qui va de la périphérie (les soignants autoentrepreneurs, qui comptent pour du beurre) - ça rime - au glorieux sommet bureaucratique (et donc super efficace, pas vrai), des ARS, en passant par le régulateur (sic) des soignants autoentrepreneurs (les CPAM) ainsi que les mystérieuses brigades hospitalières, dont on ne sait vraiment pas si elles sont composées de soignants, de psychologues ou de policiers-traceurs.
La périphérie des soignants autoentrepreneurs est toujours perçue comme une troupe d’inutiles, ils serviront juste à balancer, adieu docteur, bonjour brigades du tigre de papier. L’hôpital terminal nous attendra toujours patiemment.
J'aurais quant à moi volontiers proposé une finalité plus terre à terre : assurer la santé, dont assurer la survie, des gens, braves ou pas. En mettant en avant cette valeur assez compréhensible de la santé, on permettait également d'assurer l'ensemble des buts qu'un plan de sortie d'épidémie imposait, selon un schéma médical assez partagé, côté docteurs et côté patients. On pouvait dans ce rôle utiliser les médecins et autres professionnels de proximité, et ils auraient pu transmettre les valeurs de la santé, puisqu’ils le font chaque jour, nul besoin de les former. On pouvait accrocher à cette notion raffermir les mesures prophylactiques (gestes barrières, distanciation), assurer le diagnostic par des tests biologiques répartis sur l'ensemble du territoire national à disposition des médecins de base, tests déclenchés devant toute possibilité de maladie ou de contact potentiellement infectant, et donc permettre l'éviction des malades réels ou potentiels.
Comme, je le répète, on attrape pas les mouches uniquement avec du vinaigre, même pour faire un "tracing", il aurait fallu qu'il y ait une carotte, car le dispositif gouvernemental est uniquement bâton (surveiller, repérer et éventuellement punir). Faire miroiter un traitement distribué, périphérique du covid, autre que contemplatif, en attente de la détresse respiratoire prélude à l'intubation aurait été une motivation sérieuse. On en restera au contemplatif, le vrai soin n'étant manifestement qu'hospitalier, et après qu'on ait interdit aux médecins non hospitaliers de rien prescrire, toute prescription étant par défaut anti-déontologique (sic le CNOM), jusqu’à ce que les agences lointaines donnent leur quitus dans cent années.
Quant au grand œuvre épidémiologique, ses graphes, ses indices, ses courbes il aurait pu attendre dans un bureau que les humains soient sauvés. La seconde chance donnée par l'initiative courageuse du PR de fixer un terme (le 11 mai) à l’engluement dans un confinement indifférencié et interminable s'est rapidement enlisée dans les marais administratifs, où il n'est une agence, un groupement, un conseil, un bureau qui ne donne sa petite note au grand choral de l'inefficacité routinière dans une cacophonie d'avis et de recommandations brouillonnes et contradictoires. La terreur qui tourne dans les bureaux finit par rejaillir dans les interventions angoissées des politiques issus de l'élection, et toujours davantage comme le terme fixé approche. C’est pas possible, ça va être une catastrophe (aka la seconde vague), voila ce qui est transmis partout. Tu parles d’une camomille.
S'il est un enseignement à tirer de ces séquences, c'est bien la preuve de l’inefficacité redoutable de l'appareil administratif de l'État, son effondrement et son incohérence devant l'inconnu, le nouveau, l'incertain, le peu prévisible. Plus que les pénuries (masques, gel, etc), c'est l'incapacité de rien mettre en place d'une stratégie rapide et intelligible, quelle qu'elle soit du reste, et de s'en tenir aux routines sensées fonctionner en temps normal, aux normes, aux avis, aux commissions, aux protocoles, aux précautions, et de diffuser son propre sentiment de panique et d'incapacité à la Nation entière qui, pourtant, elle, a fait bien plus front devant l'inconnu.
C’est à cette inefficacité qu’il faudra, le jour d’après, penser, sans trop compter pour ce faire aux femmes et hommes politiques standard, trop habitués à s’en suffire, y compris notre actuel PR, qui, pourtant, donnait parfois le change.