Quatrième journée de grève pour des sages-femmes exsangues

Paris, le jeudi 7 octobre - Pour la quatrième fois depuis début septembre, les sages-femmes participent aujourd’hui à un mouvement de grève, actif dans plus de 150 maternités et 60% des cabinets libéraux et manifesteront à Paris. Cette mobilisation fait suite à une « succession de rendez-vous manqués » écrivent les organisations qui les représentent*.

Les 100 euros de la honte

C’est un rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) qui aura mis le feu aux poudres. Le 16 septembre, l’institution remettait ainsi un rapport confirmant la nécessité de revaloriser la profession, ce à quoi le ministre a répondu par une prime de 100 euros brut et une hausse de salaire de 100 euros net. « Aucune perspective, aucun espoir n’a été donné aux sages-femmes quant au naufrage de notre profession, hormis l'indécence de proposer une augmentation de salaire de 100 euros » pointent-ainsi les syndicats dans un contexte de « situation dramatique des maternités françaises où la sécurité des femmes et des nouveau-nés ne tient qu’à un fil ». Ainsi, cet été, de nombreuses maternités ont dû fermer leurs portes en  raison d’un manque de personnel et 40% des sages-femmes se déclarent en épuisement professionnel.  Les revendications principales du mouvement sont la création d’une sixième année d’études, la révision des décrets périnatalité de 1998, la création d’unités entièrement gérées par les sages-femmes pour les grossesses non compliquées et une revalorisation salariale.

Un mouvement qui n’est pas centré sur des revendications salariales

Les maïeuticiennes demandent ainsi la création d’une sixième année d’études, durée nécessaire pour « acquérir l’ensemble des compétences qu’exige la profession » et améliorer le bien-être étudiant. Elles soulignent ainsi qu’au cours des études de sage-femme, il y a en moyenne 1246 heures de plus de cours ou de stages par rapport à la formation en odontologie qui elle, dure 6 ans… Les sages-femmes revendiquent également la révision des décrets de périnatalité de 1998 pour qu’ils soient mis en adéquation avec les recommandations de la HAS qui préconise « que toutes les femmes puissent bénéficier d’un soutien continu, individuel et personnalisé, adapté selon leur demande, au cours du travail et de l’accouchement ». En effet, « les effectifs déterminés par les décrets de 1998 ne permettent pas de pouvoir appliquer ces recommandations ». 

Également, elles demandent la création d’un statut médical pour les sages-femmes en accord avec le code de la santé publique. Cette réforme permettrait la « mise en place d’unités physiologiques gérées par les sages-femmes dans tous les établissements puisque nous sommes une profession médicale indépendante, spécialiste de la physiologie ». Une mesure, qui, sans nul doute, ne recevra pas l’assentiment de tous les médecins...

Enfin, les sages-femmes exigent une meilleure reconnaissance salariale. Elles ne perçoivent en effet que 2085 euros brut mensuels en début de carrière. Notons qu’elles ont reçu, ces dernières heures, un soutien de poids : celui du CNGOF (Collège national des gynécologues obstétriciens). « Les sage-femmes jouent un rôle fondamental dans les maternités publiques et privées. Rôle fondamental aussi bien dans les secteurs d’urgence comme la salle de naissance, que dans les secteurs d’hospitalisation ou de consultation.  Il est urgent de rendre les carrières hospitalières des sages-femmes plus attractives » écrit ainsi le Collège qui s’alarme d’une pénurie importante.

*ANESF (Association nationale des étudiants sages-femmes), CNSF (Collège national des sages-femmes de France), ONSSF (Organisation nationale syndicale des sages-femmes)

X.B.

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Vos réactions (3)

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    Le 08 octobre 2021

    Comme indiqué, les revendications sont plus relatives à la formation complémentaire et à la médicalisation du statut, que salariale. En hospitalier, le statut de PH est clairement revendiqué, pour peu que ce titre soit attractif après le Ségur.

    Il est illusoire de nier les conflits d'intérêts que le soutien, pas nécessité ou conviction, du CNGOF ne saurait éluder.
    Notons que ce mouvement s'inscrit dans le brouhaha récurrent mais bien d'actualité sur les "violences obstétricales" et qu'il marque une acutisation des corporatismes d'où qu'ils viennent.

    Comment ne pas rapprocher ce mouvement des SF des aspirations à l'universitarisation des IDE (Pratiques avancées), des délégations de taches et transferts de compétences entourant les IADE ou les IBODE ?

    Comment ne pas retrouver, à nouveau, un parfum de lutte des (dé)classes quand on lit dans le Monde Mme Marianne Benoit Truong Canh, vice-présidente du Conseil national de l’ordre des sages-femmes:
    "... Nous ne sommes pas sous la coupe des gynécologues obstétriciens. Encore moins sous leur autorité “intellectuelle” et “morale”... "

    Procès d'intention : "patient ou patiente" sont bien entendu mis en avant, quitte à occulter des revendications trés égo-centrées in fine.

    Une impression personnelle peu documentable : l'hostilité au PASSE et/ou VACCINALE me semble plus présente chez les paramédicaux que chez les médicaux "en titre" ; la frustration y est à nouveau omniprésente.

    Il est par contre peu discutable que le principe d'exemplarité a des failles, entretenues par l'ignorance inattendue mais aussi et surtout par l'idéologie. Ceci restera valable "après tout ça".

    Dr JP Bonnet (PH)

  • 6ème année, décret de 1998

    Le 09 octobre 2021

    Quand on a le choix de faire des DU adaptés à sa pratique et de s'épargner une année supplémentaire en échange d'étude sans salaire ni cotisation retraite, je sais ce que je le ferai. Maintenant si les étudiants sont en souffrance de la surcharge de stage et de cours, oui bien que la possibilité individuelle de redoubler existe aussi si le phénomène n'est pas majeur.

    S'il manque de sage-femmes ouvrez les formations, ça fera moins de dégât en maternité ou ailleurs et réduira d'autant le chômage. Surtout au prix où ils sont payés. En libéral, s'ils étaient salariés, ils auraient par convention collective en début de carrière entre 2200 et 2900 € brut en début de carrière, contre 2085 (+ 100 ?). On se demande pourquoi les salaires conventionnels libéraux et hospitaliés ne sont pas alignés...

    Sinon je rappelle qu'en libéral, les SF sont payés 25 € la consultation comme les spécialistes en médecine générale (qui ont un peu plus que 5 ou 6 ans d'études).

    Dr PS

  • Précisions sur la rémunération des SF

    Le 10 octobre 2021

    Si Mme Marianne Benoit Truong Canh, vice-présidente du Conseil national de l’ordre des sages-femmes a prononcé ces mots: "... Nous ne sommes pas sous la coupe des gynécologues obstétriciens. Encore moins sous leur autorité “intellectuelle” et “morale”... ", c'était en réponse du rapport de l'Igas dans lequel il était noté :

    "Les gynécologues représentent l'autorité médicale, intellectuelle et morale, constituent les connaissances sur la grossesse et les accouchements et définissent les principes de fonctionnement dans les maternités".

    C'est étonnant pour moi qui ai quitté le milieu hospitalier depuis un certain temps maintenant car je crois me souvenir que les cadres sages-femmes veillaient elles aussi aux principes de fonctionnement des maternités et que les sages-femmes contribuaient largement au partage de connaissances sur la physiologie de la grossesse et de l'accouchement. Il me semble également que notre profession médicale est indépendante et que, bien que nous soyons moins diplômé(e)s et majoritairement des femmes, nous n'avons pas tellement besoin d'être sous l'autorité intellectuelle et/ou morale de qui que ce soit.

    Mais merci aux rédacteurs du rapport IGAS pour cette belle contribution au débat. Si lutte des classes il y a, le rapport de l'Igas nous indique peut être d'où elle part...

    Par ailleurs les sages-femmes libérales perçoivent bien 25 euros pour des consultations physiologiques qu'elles pratiquent en 20 à 30 minute selon les cabinets (elles sont payées 30 euros au gynécologue qui est un praticien specialiste et est donc le référent pour le suivi des grossesses pathologiques). Pour ma part, je suis environ 5 femmes enceintes par semaine. Les consultations de suivi des nouveaux-nés, axées sur le dépistage et la prévention sont également rémunérées 25 euros (Lorsque le bébé est vu par un généraliste c'est 30 euros, par un pédiatre,c'est à dire un spécialiste, c'est 32 euros). Cette comparaison tarifaire n'a pas pour but de me plaindre mais de rassurer ceux qui pensent que je serais rémunérée à même hauteur que les médecins. Ce n'est pas le cas, et dans la mesure où leurs compétences médicales sont plus étendues que les miennes puisqu'ils sont amenés à traiter la pathologie, il me semble logique que des consultations pathologiques soient mieux rémunérées que des consultations de dépistage.

    Dans la plupart des cabinets libéraux, la rééducation perinéale occupe un fort pourcentage de l'activité avoisinant les 40%. Le tarif de la rééducation est à 21 euros (20 à 30 min selon la sage-femme). La préparation à la naissance en individuelle: 33,6 euros pour au moins 45 min (durée imposée par les textes)... Bref. Ces tarifs et bien d'autres placent le niveau de rémunération de notre profession médicale et indépendante loin derrière celle des infirmières (3600 euros brut mensuel et c'est tant mieux pour elles) et au dernier rang de rémunération des professions liberales, ex aequo avec les orthoptistes et les podologues qui font 3 ans d'etudes et sont des paramedicaux. Soit environ 2450 euros brut mensuel (pour info: médecin généraliste 4500 et gynécologue en moyenne 7000 euros brut mensuel)

    Le Dr PS suggère de former plus de SF car, si j'ai bien compris elles sont très peu chères et réduiront la masse des chômeurs en acceptant d'être sous payées... bon. Je passe sur le mépris. Admettons que n'importe qui veut/peut devenir une bonne sage-femme sous payée... Mais par qui et dans quelles conditions seront-elles formées? Puisque les étudiants sages-femmes sont formés pour moitié lors de stages en maternité et que les sages-femmes ne peuvent pas accueillir plus d'étudiants qu'elle ne le font déjà...

    Je soutiens bien évidement le mouvement des sages-femmes, maillons indispensables dans la prise en charge physiologique en périnatalité.

    Pacifiquement.

    CK (SF)

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