
Une étude publiée par The American Journal of Psychiatry[1] montre que le Δ9-tetrahydrocannabinol (THC) contenu dans le cannabis peut perturber le bon fonctionnement de la mémoire quand il est administré durant 6 mois à des singes adolescents. L’exposition de ces primates au THC correspond à celle d’un être humain consommant « une à deux cigarettes de marijuana, 5 fois par semaine, pendant six mois. » Les anomalies observées concernent le développement de la mémoire de travail spatiale (spatial working memory) et affectent notamment les résultats chez les jeunes singes entraînés à l’une des tâches suivantes :
– Regarder un écran où un carré est affiché au hasard sur l’un
des quatre coins.
– Toucher ce carré.
– Regarder une croix fixe pendant une, quatre, huit ou seize
secondes.
– Pointer le coin de l’écran où le singe se rappelle avoir vu un
carré auparavant.
Les singes étant comme nous des primates, ce type d’étude donne
vraisemblablement un bon aperçu des effets nocifs du THC sur le
cerveau humain, en confirmant l’altération des fonctions cognitives
dans la mesure où leur maturation normale serait compromise par
cette drogue, consommée à l’adolescence.
Ce sujet constitue aux USA un grave problème de société : en effet, « les prescriptions de cannabis à usage médical » (ou présumé tel) sont désormais « légalisées dans près de la moitié des 50 états » et, d’autre part, la « vente de cannabis à usage récréatif » (ou présumé tel) se trouve « légalisée au Colorado et à Washington, avec d’autres états envisageant cette option. » Deux éléments font craindre une libéralisation du commerce du cannabis : l’argument financier (vu la manne fiscale que représenteraient des taxes sur le cannabis, évaluées en dizaines ou en centaines de millions de dollars par état !) et l’argument statistique selon lequel, dans un pays démocratique comme les États-Unis, l’opinion de la majorité finit toujours par s’imposer et faire force de loi (puisqu’un récent sondage montre que « plus de la moitié des Américains soutiennent la légalisation du cannabis »).
Dans ce contexte chaotique où l’usage du cannabis semble ainsi en passe de se multiplier, les chercheurs doivent donc exposer au plus large public les résultats éloquents de ces travaux sur les primates : « les effets persistants du THC sont d’autant plus marqués que l’exposition coïncide avec un stade de développement au cours duquel s’opère la maturation active des circuits neuronaux. » [2] Autrement dit rappeler l’impact insidieux du THC sur le fonctionnement cérébral (en particulier chez l’adolescent, fragilisé par une maturation cognitive encore en cours), d’où les risques psychiatriques liés à la banalisation alarmante de cette drogue.
[1] CD Verrico CD & col: Repeated Δ9-tetrahydrocannabinol
exposure in adolescent monkeys: persistent effects selective for
spatial working memory. Am J Psychiatry, 2014; 171: 416–425.
[2] http://en.wikipedia.org/wiki/Spatial_memory
&
http://www.chups.jussieu.fr/polys/dus/duneuropsycho/memoiredetravailaspecttheorique2006.pdf
Dr Alain Cohen