Quelle place pour le cannabis médical ?

Digitaliques, opiacés, curarisants, alcaloïdes de l’ergot du seigle… l’histoire de la pharmacologie comporte maints exemples de poisons « domestiqués » à des fins thérapeutiques, à tel point que la plupart des médicaments (sinon tous) s’enracinent dans des substances toxiques. Pourquoi le cannabis ferait-il exception à cette règle commune ? Comme le montre un article rédigé par des praticiens exerçant à l’Université d’Otago (Nouvelle-Zélande), le débat autour de l’administration du cannabis « à des fins médicales » concerne aussi l’hémisphère austral.

Avant d’intégrer les produits dérivés du cannabis au rang de médicaments potentiels, les auteurs estiment nécessaire de documenter c leur efficacité, leur innocuité et leur tolérance », et préconisent de réserver leur usage éventuel « au traitement des douleurs résistantes, mettant en échec les autres médicaments ou quand les autres analgésiques ne sont pas tolérés. » Ces substances « cannabinoïdes » ne devraient être prescrites, estiment-ils, « que chez les patients susceptibles de bénéficier de leur utilisation, notamment en cas de douleurs neuropathiques[1], y compris dans la sclérose en plaques. »

Idéalement, les recherches sur ces molécules issues du cannabis devraient s’orienter vers la disponibilité de « produits sans THC » (Δ-9-tétrahydrocannabinol) offrant une « action analgésique sans effets psychiatriques adverses. » Sans risque de faire avancer la cause de ceux qui souhaitent la libéralisation du cannabis à usage « récréatif », ces nouvelles formulations auraient ainsi l’intérêt de dissocier son emploi comme drogue prétendument « douce » de son application thérapeutique, justifiée par « la prévalence des douleurs chroniques » incoercibles.

Mais des études soigneuses (sur de larges populations et une exposition prolongée) seraient encore nécessaires pour préciser les indications des cannabinoïdes médicaux, proposer des « formulations (chimiques) et des posologies normalisées. » Sous toutes ces réserves, et à condition de n’employer ces nouveaux produits anti-douleurs que sous un « strict contrôle médical qualifié », le recours à certains cannabinoïdes médicaux semble envisageable « sur une base limitée aux patients avec des douleurs spécifiques. »

[1] http://www.omedit-centre.fr/fichiers/upload/Traitement_douleurs-neuropathiques_adulte.pdf
[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9trahydrocannabinol

Dr Alain Cohen

Références
Shipton EA et Shipton EE: Should doctors be allowed to prescribe cannabinoids for pain in Australia and New Zealand? Aust N Z J Psychiatry, 2014; 48: 310–313.

NB de la rédaction. En France, le Sativex (THC) a obtenu récemment l’AMM pour le seul traitement symptomatique de la spasticité liée à la sclérose en plaques des patients adultes, résistante aux autres traitements

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