Quelle qualité de vie après l’ECMO ?

Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) concerne environ 10 % de tous les patients des unités de soins critiques (USC), avec, selon la définition révisée de Berlin, un taux de mortalité de 46 %. Les survivants de pathologies graves souffrent de séquelles physiques et psychologiques persistantes, malgré des tests de fonction pulmonaire presque normaux. Ces patients rapportent des taux élevés de symptômes dépressifs, d'anxiété, de syndrome/trouble de stress post-traumatique, ainsi que des difficultés à reprendre leurs activités antérieures, y compris à prendre soin d'eux-mêmes, et à retourner au travail. Ces déficiences fonctionnelles à long terme sont associées à un coût important pour le patient et la société.

L'oxygénation extra-corporelle veino-veineuse par membrane (ECMO) apporte un bénéfice en termes de mortalité dans des populations soigneusement sélectionnées. Des études contradictoires ont été menées concernant les résultats fonctionnels à long terme et la qualité de vie (QoL), certaines faisant état d'un avantage de l'ECMO par rapport à la ventilation mécanique conventionnelle, tandis que d'autres font état de résultats moins bons avec l'ECMO ou d'une absence de différence.

Cette étude a cherché à évaluer les états psychologiques et la qualité de vie à 6 mois au sein d'une population britannique traitée par ECMO veino-veineuse, technique la plus représentative des ECMO de nos jours. Elle a également tenté d’élucider les facteurs cliniques associés à un mauvais résultat fonctionnel.

De manière prospective, tous les patients traités par ECMO pour un SDRA d'un hôpital du Royaume-Uni ont été recrutés entre 2013 et 2015. Leur fonction pulmonaire et leur qualité de vie, 6 mois après l'admission, ont été évaluées à l'aide de trois instruments de qualité de vie : EuroQoL 5D (EQ-5), HADS et PTSS-14. Seuls les patients, en vie 6 mois après leur sortie de l’hôpital, et qui avaient rempli au moins une composante des mesures de la qualité de vie ont été inclus dans l'analyse. Tous les patients de cette cohorte répondaient aux critères du SDRA sévère selon la définition de Berlin.

Une bonne récupération pulmonaire à 6 mois et un retour au travail dans les trois quarts des cas

L'indication pour l'ECMO était chez ces patients âgés de 16 ans au moins : une insuffisance respiratoire aiguë sévère potentiellement réversible, sans limitation du traitement de maintien en vie en cours, un score de Murray ≥ 3,0 ou une hypercapnie non compensée avec un pH < 7,20 malgré une FiO2 > 90 % en échec de prise en charge conventionnelle. Les patients ont reçu un bolus de 75 U/kg d'héparine pendant la canulation et une antibioprophylaxie : gentamicine 2 mg/kg et cloxacilline 1 g. Les objectifs d'anticoagulation ont été fixés pour viser un TCA de 160-200. L'ECMO a été poursuivie jusqu'à la récupération des poumons ou jusqu'à la survenue d'une défaillance multiviscérale irréversible.

Quarante-trois patients (âge moyen : 43 ans) inclus dans l'analyse avaient une fonction pulmonaire proche de la normale à 6 mois.

L'échelle HADS a révélé une anxiété et une dépression modérées à sévères chez 32 % et 11 % des patients, respectivement. Le PTSS-14 a montré que 29 % présentaient des signes de stress post-traumatique. L'EQ-5D a montré que 67 % des patients avaient des difficultés à reprendre leurs activités habituelles, 74 % souffraient de douleurs, aucun n'a signalé de problèmes graves et 77 % ont pu reprendre le travail. Aucune variable clinique ou démographique n'était associée à une mauvaise qualité de vie à 6 mois.

Cette étude, outre son faible effectif et son caractère monocentrique, ne comportait pas de groupe témoin apparié et ne mentionne nullement le type et la dose de médicaments psychotropes administrés pendant le séjour en USC. Alors qu'un test de marche, ou un test similaire, aurait été utile pour objectiver les résultats fonctionnels, les évaluations fonctionnelles se sont limitées aux tests de la fonction pulmonaire et aux scores auto-déclarés de l'EQ-5D.

Néanmoins, elle montre que cette cohorte de patients atteints de SDRA traités par ECMO présentait à 6 mois, des résultats similaires en termes de qualité de vie à ceux rapportés précédemment chez les patients atteints de SDRA et pris en charge sans ECMO. La plupart des patients ont été en mesure de retourner au travail et d'effectuer des activités d'auto-soins ; cependant, les problèmes d'incapacité physique et psychologique sont courants chez les survivants du SDRA, mais cette incapacité n'a pas été corrélée à la gravité de la maladie ou à la durée de l'ECMO.

Dr Bernard-Alex Gaüzère

Référence
Hussein D. Kanji et al. Quality of life and functional status of patients treated with venovenous extracorporeal membrane oxygenation at 6 months. J Crit Care. 2021; 66: 26-30. DOI:10.1016/j.jcrc.2021.07.010

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