
Paris, le samedi 24 février 2018 – Si les militants opposés à la vaccination ont toujours existé, ils ont trouvé ces quinze dernières années avec internet, puis avec les réseaux sociaux, des vecteurs d’expression qui leur ont permis de toucher un public élargi et de s’inviter dans l’intimité de leurs cibles. A l’occasion du rappel de l’existence de médecins acceptant d’établir de faux certificats de vaccination pour répondre à la demande des familles refusant de se conformer aux obligations en la matière, nous avions pu constater le foisonnement des discussions antivaccins sur la toile et la place prise par les interrogations des mères de famille. Violaine Drappier, internaute, a voulu rencontrer (virtuellement) ceux qui parlent à longueur de "posts" de la vaccination et de ses méfaits. Ses observations livrées ici au JIM ne manquent pas d’être intéressantes.
Par Violaine Drappier
Les groupes anti-vaccins sont nombreux sur Facebook. Certains comptent plusieurs dizaines de milliers de membres.
Il s'agit souvent de groupes privés, dont le contenu n'est accessible qu'aux membres. Pour savoir ce qu'il s'y dit, le meilleur moyen est donc d'y entrer. Pour accéder à certains groupes, vous devrez néanmoins répondre à quelques questions concernant votre avis sur la vaccination. Peu de chance d'y être admis si vous dites y être favorable. Une fois entré, beaucoup l'ont vécu, vous risquez d'être rapidement banni si vous parlez des bénéfices de la vaccination ou si vous contre-argumentez contre les opposants. Au sein de ces groupes, la liberté d'expression est à géométrie variable. Vous pouvez parler si vous avez des arguments contre la vaccination, ou du moins des doutes, des questionnements,...
La réponse est toujours : ne vaccinez pas!
Si vous optez pour la discrétion et que vous vous contentez d'observer, vous serez témoins d'échanges dans lesquels les parents qui posent des questions se voient systématiquement conseiller d'éviter toute vaccination, en toutes circonstances. Est-ce convenable de vacciner un enfant selon le calendrier des recommandations ? Bien sûr que non, il sera trop jeune, trop fragile ! Est-il utile de vacciner un enfant qui a passé l'âge des recommandations ? Bien sûr que non, puisque qu'il ne craint plus les maladies ! Sans oublier la collection d'arguments pseudo-scientifiques issus du manuel du militant anti-vaccins : mercure, aluminium, formaldhéyde, autisme, vaccin inefficace, maladie bénigne,...
Certains parents demandent aux autres membres du groupe comment faire pour cacher le fait que l'enfant ne soit pas vacciné, par exemple lors d'une visite dans un service d'urgences ou lors d'une demande de l'école ou de la crèche. La réponse proposée par les membres est généralement «d'oublier le carnet» et de mentir au médecin, quand il n'est pas question de produire la copie du carnet d'un autre enfant, voire de falsifier le carnet. C'est une attitude qui n'est pas sans danger. Un diagnostic de rougeole, de coqueluche, de diphtérie, ou d'haemophilus influenzae pourrait être retardé, et le traitement également. Retard de diagnostic et de traitement pouvant être préjudiciables pour un enfant malade.
Face à la coqueluche
De temps en temps, une maman pose au groupe des questions pour son enfant malade (rougeole, coqueluche,...). En effet, les recettes miracles pour renforcer le système immunutaire de l'enfant que les parents peuvent trouver dans la littérature anti-vaccins ne sont pas la panacée. Et non, peu importe à quel point vous y croyez, vous ne protégerez pas votre enfant de la rougeole simplement en l'allaitant.
Prenons l'exemple de cette maman, que nous appellerons Hélène. Sa petite fille de 5 mois, non vaccinée, a la coqueluche et sera hospitalisée quatre semaines. Au fil des jours, cette maman décrit l'angoisse, le stress qu'elle vit pour sa petite fille, les quintes de toux horribles, les bradycardies,... "J'espère qu'elle va s'en sortir !" ,"Je prie pour elle !", écrit-elle. En réponse, certains conseillent d'emmener la petite en avion, d'aller chez un homéopathe, de lui donner de l'argile, de la chlorophylle ou du jus de carottes, etc. Ces solutions sont tout à fait inadéquates. D'autres membres la félicitent de son choix de ne pas vacciner, lui disent qu'elle est une battante (alors qu'au même moment, c'est la petite fille qui se bat contre la coqueluche). On apprend que l'enfant est mis sous antibiothérapie à l'hôpital. Un membre du groupe effraie la maman en lui disant que cet antibiotique provoque l'autisme, un autre lui suggère de changer de médecin. Les échanges se succèdent, tout aussi effrayants les uns que les autres.
Message d'une maman dont la petite fille, atteinte de la coqueluche a passé quatre semaines à l'hôpital
Dissonance cognitive
Il est très difficile pour Hélène de remettre en question sa décision de ne pas avoir fait vacciner sa petite fille. Accepter de s'être trompé, d'avoir été dupé par des arguments mensongers demandent de mettre de côté sa fierté et provoque un inconfort mental très important. On parle de "dissonance cognitive". C'est un mécanisme puissant, un engrenage dont il est très difficile de sortir.
La fille d'Hélène pourrait présenter des séquelles ou aurait pu mourir. Et quatre semaines à l'hôpital pour un enfant, ce n'est pas ce qu'il y a de plus joyeux. En tant que parents, ce n'est certainement pas ce que l'on souhaite pour nos enfants.
Des récits comme celui-ci ne sont pas si rares. En 2015, un enfant espagnol est décédé de la diphtérie. Les parents ont eu le courage de témoigner et d'avouer avoir été dupés par le mouvement anti-vaccination.
Si vous testez l'immersion dans un groupe anti-vaccins,
racontez-nous...
Les intertitres sont de la rédaction du JIM