
Barcelone, le samedi 27 août 2022 –D’Edgar Allan Poe à Dostoïevski, d’Ingmar Bergman à David Lynch, la figure du double ou sosie, aussi appelé « doppelganger », chemine dans les œuvres de fiction.
L’idée qu’il puisse exister, parmi la multitude d’êtres humains, quelqu’un qui nous ressemble comme deux gouttes d’eau, bien qu’il ne fasse pas partie de notre famille, intrigue. Si les sosies ont sans doute toujours existé, le partage massif de photos rendu possible par Internet et les réseaux sociaux ont permis à certains de rencontrer leurs sosies.
Une équipe de généticiens de l’institut de recherche de Barcelone a souhaité savoir s’il existait une explication génétique derrière l’existence de ces étonnantes paires d’individus semblables. Les scientifiques catalans se sont appuyés sur le travail de l’artiste québécois François Brunelle qui, depuis 1999, recherche des paires d’individus présentant une ressemblance troublante et les photographie.
Sur les 32 paires de sosies étudiées, 25 étaient démasquées par au moins deux logiciels de reconnaissance faciale sur trois utilisés et 16 étaient indissociables par tous les logiciels, comme le seraient deux vrais jumeaux.
Plus proche que des inconnus, moins que des jumeaux
L’analyse génétique comparative de chaque duo de sosies a permis de démontrer que ces individus ne partageaient pas seulement une ressemblance physique mais également de fortes similarités génétiques, partageant de nombreux polymorphismes nucléotidique (SNP).
Plus les individus étaient proches physiquement et difficilement distinguable, plus leur proximité génétique était importante. « Ils partagent des variants génétiques qui sont liés à la forme du nez, des yeux, de la bouche et même de la structure osseuse » explique le Dr Manel Esteller, l’un des principaux auteurs de l’étude.
Si les sosies sont évidemment moins proches génétiquement que des jumeaux, ils le sont bien plus que deux individus pris au hasard. L’étude génétique a également permis de d’exclure que ces sosies puissent avoir un ancêtre commun proche (moins de 100 ans) inconnu : leur similarité génétique est donc d’une nature différente de celle qu’ont deux membres de la même famille.
Etonnamment, sur les 13 paires de sosies blancs, seulement 7 ont une origine ethnique commune selon leur génome.
Cet article a-t-il été écrit par un double ?
« Ces résultats nous apportent de nouveaux enseignements sur les éléments génétiques qui déterminent notre apparence faciale et pourrait avoir des implications sur l’impact de la génétique sur d’autres caractères y compris les traits de personnalité » conclut l’étude publié ce mardi dans la revue Cell Reports.
Le suivi de ces sosies génétiques pourrait également permettre de mieux distinguer ce qui relève de la génétique et ce qui relève de l’environnement, relançant le vieux débat de l’opposition entre l’inné et l’acquis. Les auteurs de l’étude reconnaissent cependant que leur travail est en partie limité par le faible nombre de participants et par le fait que presque tous les individus étudiés sont des Européens blancs.
Pour le Dr Esteller, l’existence de ces sosies génétiques est le pur fruit du hasard. « Il y a tant d’être humains dans le monde que de temps en temps le système créé des humains avec des séquences ADN similaires » explique-t-il.
« Je pense que nous avons tous quelqu’un quelque part qui
nous ressemble, un double ». A nous de le trouver.
Nicolas Barbet (double de Quentin Haroche)