
Paris, le samedi 13 janvier 2024 – Après sept ans de traversée du désert, la sarkozyste Christine Vautrin, peu connue du grand public, fait un retour fracassant au ministère de la Santé.
Dans son panthéon personnel, elle place « le général de Gaulle, le président Chirac et Simone Veil ». Si on la voit mal un jour succéder aux deux premiers à l’Elysée, Christine Vautrin aura finalement réussi, à 63 ans, à occuper le bureau d’une de ses idoles. Nommée contre toute attente ministre du Travail et de la Santé ce jeudi par le tout nouveau Premier Ministre Gabriel Attal, elle a d’ailleurs rendu hommage à Simone Veil lors de sa passation de pouvoir avec Agnès Firmin Le Bodo au ministère de la Santé ce vendredi. Une nomination qui met fin à six ans de traversée du désert (pour la comparer avec une autre de ses références) dans une carrière politique faite de haut et de bas.
Contrairement à beaucoup de ses nouveaux collègues, Christine Vautrin ne vient pas du sérail politique et n’a fait ni l’ENA, ni Sciences Po et encore moins HEC. Diplômée en droit des affaires, elle s’est pendant une grande partie de sa vie tenue à l’écart de la politique, occupant pendant 13 ans un poste un poste de cadre au sein de la compagnie d’assurance américaine Cigna.
C’est en 2002 qu’elle se lance dans le grand bain. Alors que l’UMP, nouvellement créé, lui refuse l’investiture et lui préfère le Dr Claude Maffioli, président de la CSMF, elle se présente en dissidente à la députation dans la 2ème circonscription de la Marne. Non seulement le candidat UMP officiel est battu, mais Christine Vautrin est finalement élue députée face à la socialiste Adeline Hazan, futur contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.
De l’ascension à la chute
Discrète mais efficace, elle tape dans l’œil de Jean-Louis Borloo, son mentor en politique et entre dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en 2004. Elle sera tour à tour secrétaire d’Etat à l’Egalité des chances puis aux Personnes âgées et enfin ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la parité entre 2005 et 2007 sous Dominique de Villepin.
Tous ces camarades de droite qui l’ont côtoyé à cette époque ne tarisse pas d’éloge pour cette élue qualifiée d’«assidue, bosseuse et efficace » par le Dr Bernard Acoyer, président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale à l’époque. « Elle s’occupait des choses les plus compliquées » se souvient Jean-Louis Borloo, tandis que Jean-François Copé évoque « une femme courageuse avec beaucoup de caractère ».
La belle ascension va cependant prendre fin en 2007. Catherine Vautrin n’est en effet pas reconduite au gouvernement après l’élection de Nicolas Sarozy. Les échecs et les difficultés s’enchainent : en 2008, elle échoue à se faire élire maire de Reims, pourtant tenue par la droite depuis la libération, battue au second tour par Adeline Hazan. Après la défaite de la droite en 2012, elle est nommée trésorière de l’UMP, ce qui lui vaut une mise en examen en 2014 dans l’affaire des comptes de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy (elle bénéficiera finalement d’un non-lieu en 2015).
L’année 2017 semble sonner le glas définitif de ses ambitions nationales. Dans cette année de grand chamboulement politique, elle mise à plusieurs reprises sur le mauvais cheval : elle soutien d’abord Nicolas Sarkozy durant la campagne des primaires (elle est son porte-parole avec Eric Ciotti) puis François Fillon durant la campagne présidentielle, avant de demander le retrait de sa candidature lorsque le candidat sera impliqué dans un scandale d’emploi fictif. Lors des élections législatives, elle ne survit pas à la vague LREM et perd son poste de députée après 15 ans, battue par Aina Kuric, une macroniste inconnue de 30 ans.
L’ancienne future Première Ministre
Catherine Vautrin s’est alors essentiellement consacrée à son engagement local. Depuis 2014, elle gère la ville de Reims en tandem avec le président de la Fédération Hospitalière de France (FHF) Arnaud Robinet, lui en tant que maire, elle en tant que présidente du Grand Reims. La surprise est donc grande lorsque les médias la présentent comme la probable future Première Ministre à la suite de la réélection d’Emmanuel Macron en 2022. Une passation de pouvoir officieuse aurait même eu lieu avec l’ancien Premier Ministre Jean Castex, avant qu’Elisabeth Borne ne lui soit finalement préférée au dernier moment.
En réalité, l’ancienne ministre préparait dans l’ombre son retour depuis plusieurs années. Dès 2019, elle indique ne plus être adhérente du parti Les Républicains, gênée dit-elle par les prises de position droitière de Laurent Wauquiez. En 2022, elle soutient officiellement la candidature d’Emmanuel Macron avant de faire amende honorable en reconnaissant s’être trompé en s’opposant à la légalisation du mariage homosexuel en 2013.
La traversée du désert de près de sept ans a donc pris fin ce jeudi avec sa nomination comme ministre du Travail et de la Santé. Cette femme « discrète, efficace, robuste, solide qui mène ses idées jusqu’au bout » comme l’a qualifié l’ancien ministre de la ville Azouz Begag se retrouve désormais quatrième dans l’ordre protocolaire du gouvernement, juste après les mastodontes Bruno Le Maire et Gérald Darmanin.
La femme de l’ombre va, à 63 ans, enfin prendre la lumière.
Quentin Haroche