
Paris, le vendredi 27 novembre 2015 – Les trithérapies disponibles depuis désormais près de vingt ans dans le traitement contre le Sida ont considérablement modifié le pronostic de cette maladie, qui s’apparente désormais bien plus certainement aux affections chroniques, qu’à une sentence à court terme. Cette révolution thérapeutique, qui permet en outre de restreindre le risque de transmission chez les patients correctement traités, ne se serait pas accompagnée d’une évolution comparable dans la société. De nombreuses dispositions adoptées dans les années 80, justifiées pour des raisons de santé publique, continuent en effet à être en vigueur et privent les séropositifs de l’accès à un grand nombre d’institutions, sans que ces restrictions puissent continuer à être totalement médicalement justifiées.
Une association consciente de la nécessité de la prévention
A la veille de la journée mondiale contre le Sida, qui doit se dérouler le 1er décembre, l’association Aides fait le point sur la persistance de ces discriminations, officielles ou non, qui selon l’organisation « fleure bon les années 80 ». Aides, pourtant, n’est pas un organe pourfendant systématiquement les mesures de prévention. Ainsi, quand il y a quelques semaines le ministère de la Santé a annoncé la modification des conditions dans lesquelles les homosexuels masculins pourraient être autorisés à donner leur sang, Aides n’a pas participé au concert de protestations considérant les modalités trop restrictives et a au contraire jugé qu’au regard de la situation épidémique chez les homosexuels, elles apparaissaient parfaitement justifiées. Cette tempérance permet de considérer les dénonciations faites aujourd’hui par l’association sans appréhension et sans crainte d’un militantisme trop aveugle.
Des réglementations pas en phase avec la réalité médicale
De fait, les situations présentées par Aides mettent en évidence l’application de réglementations dont la pertinence n’apparaît plus aujourd’hui parfaite, même si certaines ont été réactualisées en 2003, soit à une date relativement récente. Ainsi, à l’Ecole nationale de la magistrature, à Polytechnique et Saint Cyr les séropositifs ne sont toujours pas persona non grata. A propos de la classification Sigycop, concernant l’insertion de personnes porteuses du VIH au sein de l’armée (dont dépendent Polytechnique et Saint Cir), Aides observe : « Cette classification pourtant assez récente (2003) est non seulement discriminante mais totalement absurde : elle considère une personne séropositive sous traitement « moins apte » à exercer une fonction militaire qu’une personne séropositive non traitée. Or aujourd’hui, 79 % des séropositif-ve-s en France sont sous traitement, et on ne peut que s’en réjouir : le traitement permet non seulement de contrôler l’infection, mais aussi d’empêcher la transmission du virus. Cette classification ignore donc ostensiblement les dernières données de la science et les recommandations médicales actuelles » déplore Aides, qui fait des observations semblables en ce qui concerne l’exclusion de l’armée, de la police ou des sapeurs pompiers. Dans tous ses corps, la situation médicale des séropositifs ne peut justifier d’emblée un tel rejet estime Aides qui indique avoir saisi l’ensemble des autorités compétentes.
Les dentistes ont toujours une dent contre les séropositifs
Dans un second volet, l’organisation cible une nouvelle fois les discriminations observées dans le domaine de la santé, émanant notamment des cabinets dentaires, en se basant sur des résultats obtenus grâce à des opérations de testing menées auprès d’eux. Les refus de soins directs (refus de RDV clairement liés au VIH) concernent ainsi 3,6 % des demandes de consultation, tandis qu’Aides évoque 30 % de refus de soins déguisés et 16,8 % d’attitudes jugées « discriminatoires », qui sont souvent des maladresses. Si l’ensemble des situations pointées par l’organisation ne sont pas nécessairement appréciables sous le même angle, ces chiffres confirment la persistance de pratiques d’exclusion non justifiées.
Des patients atteints de maladie chronique presque comme les autres
Enfin, Aides pointe les difficultés d’accès à l’emprunt, qui ne sont cependant pas spécifiques aux patients séropositifs. D’une manière générale, exception faite dans une certaine mesure de l’accès aux soins, les difficultés rencontrées par les personnes porteuses du VIH sont semblables à celles éprouvées par un grand nombre de patients atteints de maladie chronique. Les restrictions d’accès à certains postes dans la fonction publique existent en effet également pour d’autres pathologies (que l’on pense par exemple au diabète) et les difficultés générales d’accès à l’emploi ne sont pas spécifiques à la séropositivité, même si la découverte de cette dernière entraîne évidemment des discriminations d’une nature souvent plus dégradante.
Aurélie Haroche