
Il est possible, explique l’éditorialiste de The American Journal of Psychiatry, que notre approche future de la schizophrénie l’assimile « plutôt à une maladie systémique » (révélée d’abord par des troubles psychiques et du comportement) « qu’à une affection du cerveau en soi. » S’appuyant sur ce paradigme, l’auteur estime qu’on pourrait bien « en apprendre davantage sur la maladie à partir de ses comorbidités qu’en renforçant nos connaissances sur le fonctionnement cérébral. » Mais si cette conception connaît un regain actuel, elle n’est pas récente, car « avec la schizophrénie, toute idée ancienne connaît une nouvelle jeunesse » (in schizophrenia, everything old is new again).
À ce propos, l’auteur rappelle quelques pistes « nouvelles-anciennes » :
–La schizophrénie s’apparenterait à une forme de diabète
familial [S Mukherjee & coll.: Family history of type 2
diabetes in schizophrenic patients. Lancet 1989; 1:
495].
–Elle pourrait résulter d’un dysfonctionnement des micro-vaisseaux,
en particulier des anomalies morphologiques des capillaires [Alson
E: Psychological correlates of capillary morphology in
schizophrenia. Am J Psychiatry 1965; 122: 444–446 & Norris AS :
Capillary morphology of the nailfold in the mentally ill. J
Neuropsychiatry, 1964; 5: 225–234].
–On soupçonne, depuis Kraepelin, la possibilité d’un contexte
organique associé à la schizophrénie, et en 1976, Johnstone et ses
collègues ont mis en évidence, grâce aux nouvelles techniques
d’imagerie (scanographie), l’existence de ventricules élargis dans
la schizophrénie [EC Johnstone EC & col.: Cerebral ventricular
size and cognitive impairment in chronic schizophrenia Lancet 1976;
2: 924–926].
Dans cette quête d’un arrière-plan organique dans la schizophrénie, les pistes sont « à la fois toujours plus larges » (génétique, rôle des infections, des processus immunitaires, des toxines, de la sociologie, des phénomènes migratoires, des antécédents familiaux) et « focalisées plus étroitement » sur des domaines spécifiques (neuro-anatomie, neurosciences, circuits neuronaux, synapses, molécules). Une étude récente de Meier et coll.[1] met l’accent sur un « fait très intéressant » : l’imagerie directe des micro-vaisseaux de la rétine montre un calibre « significativement plus large » chez les schizophrènes (et « même chez ceux ayant seulement présenté des symptômes psychotiques transitoires dans l’enfance »). Ce phénomène n’a pas pu être rapporté à d’autres facteurs : hypertension artérielle, diabète, traitement neuroleptique, tabagisme… Il est d’ailleurs possible, remarque l’auteur, que ce constat de veinules rétiniennes élargies ne soit pas spécifique des micro-vaisseaux cérébraux, mais concerne aussi d’autres organes. Et même inconstante, cette dilatation des micro-veinules repérable par l’imagerie rétinienne pourrait ainsi constituer un biomarqueur possible pour confirmer (voire anticiper) le diagnostic de schizophrénie.
[1] Meier MH et coll.: “Microvascular abnormality in schizophrenia as shown by retinal imaging” Am J Psychiatry 2013; 170:1451–1459.
Dr Alain Cohen