Prévention de l’atteinte cardiaque dans les rhumatismes inflammatoires : échec des statines

Les rhumatismes inflammatoires chroniques, pour la plupart d’entre eux, accélèrent la progression de l’athérosclérose notamment quand elle est encore à son stade infraclinique. Les facteurs de risque cardiovasculaire jouent un rôle non négligeable dans ce contexte, qu’il s’agisse de l’HTA, des dyslipidémies ou encore du diabète, lesquels peuvent être aggravés par certains traitements, tels que la corticothérapie. C’est tout le contraire pour les statines qui ont de nombreux effets bénéfiques : outre l’amélioration du profil lipidique qui est le plus évident, il semblerait que ces médicaments agissent par d’autres mécanismes au cours des rhumatismes inflammatoires chroniques, tels une baisse de la pression artérielle ou encore de la rigidité artérielle, selon certaines études. La combinaison de ces effets élémentaires plus ou moins hypothétiques suffit-elle pour favoriser la régression de l’atteinte cardiaque ?

Pour tenter de répondre à cette question une étude ouverte a inclus 84 patients (âge moyen 61 ± 9 ans ; femmes : 63 %) atteints d’un rhumatisme inflammatoire chronique à type de polyarthrite rhumatoïde (PR) (n = 52), de spondylarthrite ankylosante (SPA) (n = 12) ou encore de rhumatisme psoriasique (n = 12). A l’état basal, il n’existait aucun argument en faveur d’une maladie cardiovasculaire cliniquement patente. Une échocardiographie a été réalisée avant et au terme d’un traitement d’une durée de 18 mois par la rosuvastatine. Une atteinte cardiaque préclinique était définie par les critères suivants : présence d’une hypertrophie ventriculaire gauche, géométrie concentrique du ventricule gauche (VG), augmentation du diamètre du VG ou encore dilatation auriculaire gauche.

Effet possiblement cardioprotecteur des biothérapies

A l’état basal, une hypertension artérielle a été diagnostiquée chez 63 % des participants. Trente-six pour cent des patients bénéficiaient d’un traitement de fond par biothérapie, le plus souvent par un anti-TNF alpha. L’administration de rosuvastatine pendant 18 mois n’a eu aucun effet significatif sur la fréquence de l’atteinte cardiaque infraclinique, de l’ordre de 44 % à l’état basal, et de 50 % à la fin du traitement (NS).

Les analyses univariées et multivariées par régression logistique ont montré que le risque d’atteinte cardiaque infraclinique au cours de la période de suivi était influencé par trois facteurs :

(1) indice de masse corporelle basal : majoration, l’odds ratio  (OR) correspondant étant estimé à 1,3 (intervalle de confiance à 95 % IC 95%: 1,1, 1,5 ; p = 0,01] ;
(2) atteinte cardiaque basale : majoration (OR 6,4, IC 95% : 2,2, 18,5, p = 0,001) ;
(3) recours à une biothérapie : réduction (OR 0,3, IC 95%: 0,1, 0,9, p = 0,03).

Cette étude d’observation par essence ouverte révèle que la rosuvastatine administrée pendant 18 mois n’influe pas sur la progression de l’atteinte cardiaque préclinique chez les patients atteints d’un rhumatisme inflammatoire chronique, ce qui n’est pas vraiment une surprise. En revanche, les biothérapies semblent réduire ce risque ce qui leur confèrerait un rôle cardioprotecteur : une hypothèse qu’il convient de confirmer par d’autres études de préférence contrôlées.

Dr Philippe Tellier

Référence
Os HA et coll. : Preclinical cardiac organ damage during statin treatment in patients with inflammatory joint diseases: the RORA-AS statin intervention study. Rheumatology (Oxford). 2020 ;59(12):3700-3708. doi: 10.1093/rheumatology/keaa190.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article