
Marseille, le lundi 25 septembre 2023 – Le projet de loi sur la fin de vie, censé être présenté à la fin de l’été, se fait attendre. Les opposants, qu’ils soient religieux ou médicaux, se préparent à un long combat.
« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Cette célèbre phrase des Evangiles signifie en principe qu’il faut se garder de mélanger religion et politique. Mais cette maxime n’a pas empêché le Pape François de multiplier les déclarations politiques lors de son voyage à Marseille la semaine dernière. Si ce déplacement a notamment été l’occasion pour l’évêque de Rome d’appeler les pays européens à accueillir davantage de migrants, le Pape a également rappelé l’opposition traditionnelle de l’Eglise à toute forme d’aide active au suicide et ce alors que la France pourrait prochainement légaliser le suicide assisté et l’euthanasie.
« Avec la vie on ne joue pas, ni au début, ni à la fin » a lancé le Pape aux journalistes ce samedi dans l’avion qui le ramenait de Marseille à Rome. Il a ainsi mis en garde contre « la perspective faussement digne d’une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer » et a fustigé les « colonisations idéologiques qui vont à l’encontre de la vie humaine ».
Contredisant le communiqué officiel de l’Elysée, le Pape a indiqué qu’il n’avait pas évoqué la question avec le Président de la République Emmanuel Macron lors de leur rencontre à Marseille mais qui lui avait en revanche déjà signalé son opposition à la légalisation de l’aide active à mourir lors d’une précédente rencontre à Rome en octobre dernier. « Ce n’est pas une question de foi, c’est une question humaine » a conclu le Saint Père.
Le projet de loi sur la fin de vie se fait attendre
L’Eglise s’est toujours fermement opposé à la légalisation de l’aide active à mourir sous toutes ses formes mais a essuyé ces dernières années plusieurs défaites, des pays de forte tradition catholique comme l’Espagne et le Portugal ayant légalisé l’euthanasie. La fille ainée de l’Eglise suivra-t-elle le même chemin ? Tout porte à le croire.
La légalisation de l’aide active à mourir figurait dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron en 2022 et la convention citoyenne sur la fin de vie s’est prononcée en avril en faveur de l’ouverture d’un droit au suicide assisté et à l’euthanasie. Dans la foulée, le Président de la République a confié à la ministre des Professionnels de santé Agnès Firmin Le Bodo le soin d’élaborer un projet de loi.
Un projet de loi qui se fait cruellement attendre. Alors qu’il devait au départ être présenté avant la fin de l’été, donc a priori la semaine dernière, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran évoque désormais « une avancée importante d’ici à la fin du mois de septembre », sans plus de précisions. Le chef de l’Etat multiplie les réunions avec ministres et conseillers pour décider des derniers arbitrages.
Car s’il semble acquis que ce nouveau droit à l’aide active à mourir (qui sera nommé « mort choisie ») sera limité aux adultes souffrant d’une maladie somatique incurable et en fin de vie, plusieurs questions restent sans réponse. Comment définir la fin de vie et un pronostic vital engagé « à court ou moyen terme » ? Faut-il n’autoriser que le suicide assisté et pénaliser ceux qui ne pourront pas se donner la mort eux même ou faut-il également légaliser l’euthanasie et risquer de braquer les soignants ?
Une co-construction impossible
En avril dernier, au moment de se mettre à l’ouvrage, le gouvernement avait affiché sa volonté de « coconstruire » le projet de loi avec les députés et les représentants des soignants. Une démarche qui a fait long feu, aucun terrain d’entente n’ayant été trouvé entre partisans et opposants à la légalisation de l’euthanasie, ces derniers accusant le gouvernement de fausser le débat. « Il ne s’agissait pas d’un échange, mais uniquement d’une information descendante, nous n’avions pas d’ordre du jour » fustige ainsi le Pr Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’HEGP et député.
Ce mardi, à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, treize sociétés savantes et organisations représentatives des soignants se sont réunis pour rappeler leur opposition à toute légalisation de l’aide active à mourir. Ils étaient accompagnés de plusieurs députés de tout bord politique, ainsi que du Dr Jean Leonetti, connu pour avoir porté les deux précédentes lois sur la fin de vie en 2005 et en 2016. Les opposants au suicide assisté ont dénoncé « l’enfumage » du gouvernement, qui souhaite inscrire dans son projet de loi un volet sur le développement des soins palliatifs.
« Comment les députés pourraient voter contre ce magnifique projet de développer des soins palliatifs dans lequel on a glissé aussi le sujet moins consensuel de l’aide active à mourir ? » ironise Ségolène Perruchio, vice-présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). En première ligne dans le combat contre l’euthanasie, la Sfap estime que la loi de 2016 qui autorise la sédation profonde en fin de vie est suffisante pour répondre aux besoins des malades. « Donner la mort n’est pas un soin » rappellent les spécialistes des soins palliatifs.
Quentin Haroche