Une épidémie de grippe exceptionnellement précoce et intense

Paris, le lundi 2 janvier 2023 – L'épidémie de grippe qui touche le pays est déjà d’une très grande intensité, mettant à mal les services de SOS Médecins et les hôpitaux.

Elle s’était faite voler la vedette ces deux dernières années par la Covid-19, la voilà qui revient en force : l’épidémie de grippe qui touche la France cet hiver est à la fois particulièrement précoce et intense. Le dernier bilan hebdomadaire de Santé Publique France (SPF) fait état sur la semaine du 19 décembre d’une augmentation tout à la fois du taux d’incidence des consultations en ville pour syndrome grippal (+ 29 %), du nombre de passages aux urgences (+ 52 %) et du nombre d’hospitalisations (+ 75 %), le ministre de la Santé François Braun évoquant une “explosion de cas”.

Difficile cependant de connaitre l’ampleur réelle de l’épidémie et son impact, certaines données étant parcellaires ou sujette à caution. “Il est probable qu’une partie des cas de symptômes grippaux rapportés par notre surveillance de la grippe soit due à la Covid-19" indique ainsi SPF. Un indice qui ne trompe pas cependant, le taux de positivité des patients testés pour la grippe a augmenté, que ce soit en ville (65 % la semaine du 19 décembre contre 56 % la semaine précédente) ou à l’hôpital (20 % contre 14 %). Autre donnée parcellaire, celle de l’impact sur les services de réanimation. Depuis le 3 octobre, SPF fait état de 193 patients admis en réanimation, dont 142 depuis le 5 décembre et 41 % âgés de plus de 65 ans, mais ces données ne se basent que sur une quarantaine de services de réanimation.

Les épidémiologistes dans le brouillard

Nous sommes face à l’épidémie de grippe la plus précoce depuis au moins dix ans” indique Sybille Bernard-Stoecklin, épidémiologiste à SPF. En termes de nombre de consultations et d’hospitalisations, l’épidémie actuelle a atteint des taux qui sont habituellement observés à la mi-février lors des épidémies de grippe. La semaine du 19 décembre, la part des hospitalisations pour grippe ou syndrome grippal atteignait 41,2 pour 1 000 hospitalisations, “la valeur la plus élevée observée pour cet indicateur au cours de la période 2010-2023" note SPF.

La période de l’année à laquelle survient une épidémie de grippe n’est pas forcément corrélée à sa sévérité” tempère Sybille Bernard-Stoecklin. “Ce qui nous dira si c’est une épidémie d’ampleur, c’est le virus majoritaire” ajoute Vincent Enouf, infectiologue à l’institut Pasteur. Problème, le virus majoritaire pour le moment en France est le sous-type A (H3N2), “un virus qui évolue plus vite que les autres et a une plus grande capacité à échapper au vaccin” précise le chercheur de l’Institut Pasteur. “Ce n’est cependant pas parce que le virus A (H3N2) est majoritaire en début d’épidémie qu’il va le rester tout au long de la saison” tient à préciser Sybille Bernard-Stoecklin. “C’est notamment pour cela qu’il reste très difficile de prédire le pic de l’épidémie ni combien de temps elle va durer” : bref, les épidémiologistes sont (comme souvent) dans le brouillard.

Déjà affaibli par des problèmes structurels de manque de lits et de personnels ainsi que par la grève des médecins libéraux, les hôpitaux sont en grande difficulté face à cette épidémie particulièrement intense. Jeudi dernier, neuf hôpitaux et une clinique en Savoie ont décidé de déclencher leur plan blanc, en raison d’une “importante tension, touchant notamment les services d’urgence, majorée par une moindre disponibilité de la médecine de ville” indiquent ces établissements dans un communiqué, évoquant “des temps d’attente important aux urgences, parfois supérieurs à 10 heures et des difficultés pour hospitaliser les patients en médecine”. D’autres établissements de santé, en Bretagne, en Alsace et en Corse, ont également déclenché ce dispositif qui permet de réaliser des déprogrammations et de rappeler des soignants en repos. Le syndicat Samu-Urgences de France a pour sa part demandé le déclenchement d’un plan blanc national.

Les services de SOS Médecins sont également fortement affectés par cette épidémie intense et par la grève des médecins libéraux. La branche parisienne de l’association de médecins a fait état d’une augmentation de 30 % des consultations ces dernières semaines par rapport à l’an dernier avec un pic de 1 630 consultations par jour la semaine dernière, du jamais vu depuis plus de 10 ans.

Seule bonne nouvelle dans ce tableau noir, le risque de triple épidémie s’éloigne quelque peu, puisque si l’épidémie de grippe s’intensifie, celle de bronchiolite et surtout de Covid-19 reculent fortement. Pour la covid, le nombre de contaminations quotidiennes recensées a ainsi été divisé par deux depuis Noël, tandis que celui des hospitalisations quotidiennes (- 27 % sur la semaine) et des admissions en soins critiques (- 14 %) a également reculé.

Grégoire Griffard

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article