Fortunes diverses du droit à l’avortement dans le monde

Tokyo, le mercredi 3 mai 2023 – En progrès au Japon, en danger aux Etats-Unis, quasiment inexistant dans les pays musulmans : le droit à l’avortement connait des fortunes diverses par le monde.

On a pu parfois, dans nos colonnes, s’interroger sur la pertinence d’inscrire le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans notre Constitution, projet porté par l’opposition de gauche et finalement adoubé par Emmanuel Macron. Quel intérêt à protéger encore plus un droit qui n’est nullement en danger dans notre pays ? Mais si le droit à l’avortement ne souffre d’aucune contestation en France (l’allongement du délai légal à 14 semaines l’an dernier s’est faite presque sans débat), ce droit reste encore précaire voire inexistant dans de nombreux pays du monde.

Le Japon autorise la pilule abortive

A l’autre bout de la planète, au Japon, ce droit est en progression. Le pays du Soleil Levant est en effet devenu vendredi dernier le 66ème pays du monde à autoriser l’avortement médicamenteux et l’utilisation du mifépristone et du misoprostol, 35 ans après la France qui était le premier pays à avoir autorisé l’IVG médicamenteuse en 1988. Si l’avortement est légal au Japon depuis 1948, ce droit est encadré par de strictes conditions. Tout avortement doit notamment recevoir l’assentiment du conjoint de la femme (sauf en cas de viol ou de célibat) et surtout n’est pas remboursé par la Sécurité sociale. Il en coute donc entre 100 000 et 200 000 yens (entre 670 et 1 340 euros) pour une femme qui désire mettre un terme à sa grossesse sans raison médicale.

L’autorisation de la pilule abortive a suscité un vif débat au Japon et la consultation publique qui a été menée ces derniers mois a recueilli plus de 12 000 contributions, un fait rare dans un pays où l’engagement militant est souvent faible. Pour beaucoup de Japonais, étendre l’accès à l’IVG est un non-sens à une époque où le Japon doit à tout prix relancer sa natalité pour sortir du déclin démographique dans lequel il s’enlise depuis quinze ans. Le lobby des médecins japonais, résolument conservateur, a finalement obtenu que la délivrance de la pilule abortive soit assortie de conditions assez drastiques : prescription par un médecin agréé, hospitalisation obligatoire et non-remboursement du médicament. De plus, le prix de la pilule abortive sera aligné sur celui d’une IVG chirurgicale : la pilule abortive sera ainsi vendue 130 fois plus cher au Japon que dans le reste du monde.

Victoires en série des pro-choix aux Etats-Unis

De l’autre coté du Pacifique, aux Etats-Unis, la bataille de l’avortement entre les « pro-vie » et les « pro-choix » continue, près d’un an après la décision controversée de la Cour Suprême de mettre fin à la protection constitutionnelle du droit à l’avortement. Les dernières semaines ont donné plusieurs victoires aux partisans du droit à l’avortement. Le 21 avril, la Cour Suprême a confirmé (provisoirement) l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone.

Le 27 avril, deux Etats conservateurs, la Caroline du Sud et le Nebraska, ont échoué dans leur tentative d’interdire (en Caroline du Sud) ou de limiter à six semaines (au Nebraska) l’avortement. Lors des votes dans ces Etats, ce sont des élus républicains qui ont fait échouer le projet de restriction du droit à l’IVG, signe que la droite américaine est divisée sur le sujet. Enfin, ce lundi, le ministère fédéral de la Santé a rappelé que les médecins avaient l’obligation de fournir aux femmes enceintes les soins vitaux, même quand ces soins pourraient être assimilés à un avortement, y compris dans les Etats ayant interdit l’IVG. Ce rappel à l’ordre fait suite à une affaire dans laquelle un hôpital du Missouri, Etat dans lequel l’avortement est interdit, a refusé de prendre en charge une femme enceinte dont la grossesse n’était plus viable, au motif que les médecins craignaient d’être poursuivis pour avortement illégal.

Enfin, l’actualité nous rappelle malheureusement que le droit à l’avortement reste inexistant dans de nombreux pays, notamment dans ceux à majorité musulmane. Jeudi dernier à Meknès au Maroc, un médecin de 71 ans et une infirmière de 64 ans ont été arrêtés et placés en garde à vue pour avoir pratiqué un avortement sur une jeune fille de 15 ans. Pour cet acte, les deux professionnels de santé risquent jusqu’à 5 ans de prison. Si les associations féministes marocaines réclament régulièrement l’autorisation de l’IVG, l’avortement reste totalement prohibé dans le royaume chérifien.

Grégoire Griffard

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (1)

  • Le Droit à, mais surtout la Liberté de

    Le 04 mai 2023

    Une fois acquis et conforté le droit à, reste à être pragmatique : la liberté de recourir à l'avortement suppose une accessibilité pratique aux soins attenants, constitution ou pas.
    Passer de 12 à 14 semaines est un outil, insuffisant probablement : à suivre.
    Les dérives récentes du planning familial sur le chapitre bien plus "confidentiel" et "éveillé" de la transidentité risque d'en entacher la crédibilité au quotidien.
    La remarque sur le statut des pays "à majorité musulmane" peut laisser perplexe sur la contribution des praticiens qui en sont culturellement issus. Nous ne disposerons bien sur pas de données factuelles sur ce point.

    Dr JP Bonnet

Réagir à cet article