
Combien de vies réellement sauvées ?
L’absence de sensibilisation des femmes aux limites du dépistage a été régulièrement dénoncée ces derniers mois par des groupes de médecins qui regrettent que l’on n’accorde pas davantage d’éclairages aux femmes afin de leur permettre un choix plus réfléchi. Beaucoup, dont le professeur Bernard Bégaud, invité ce week-end à participer au Monde Festival, défendent une communication proche de celle mise en œuvre en Grande-Bretagne par le NHS qui consiste à exposer les véritables résultats du dépistage, les risques associés et ses bénéfices. Faisant écho à de telles préconisations, les docteurs Cécile Bour, Marc Gourmelon et Philippe Nicot qui animent le site www.cancer-rose.fr et qui avaient déjà réalisé une lecture critique de la dernière brochure d’information de l’INCA sur le dépistage, viennent de produire une vidéo dont le ton contraste avec les messages officiels. Ce clip qui se veut un outil pour un meilleur choix des femmes affirme par exemple que sur 2000 femmes non dépistées cinq mourront d’un cancer du sein, tandis que sur 2 000 femmes dépistées, quatre mourront d’un cancer du sein, une vie sera prolongée, deux-cent fausses alertes seront déplorées ainsi que 10 surdiagnostics, tandis qu’une vie sera raccourcie en raison des traitements. La vidéo rappelle par ailleurs que le dépistage n’a pas permis de diminuer la mortalité liée au cancer du sein. Le comparatif, qui n’est jamais ainsi présenté dans les communications institutionnelles, force en effet à la réflexion.Dépistage personnalisé
Si cette vidéo confirme que les turbulences autour d’octobre rose et au-delà de la gestion par les autorités du dépistage systématique sont encore vives, elles pourraient être demain dépassées.L’avenir semble en effet à la mise en place d’un dépistage plus personnalisé, tenant compte du niveau de risque de chacune. Ainsi, débutera le 1er décembre, une étude baptisée MyPeBS (pour Personalising Breast Screening) qui inclura 80 000 femmes volontaires âgées de 40 à 70 ans (30 000 en Italie, 20 000 en France, 15 000 en Israël, 10 000 en Belgique et 10 000 au Royaume-Uni). Pour chaque femme, le niveau de risque sera évalué en tenant compte de leur âge, leurs antécédents familiaux, la densité du sein et un test salivaire. Cet échantillon de salive permettra « une étude de polymorphismes » précise Suzette Delalogue coordinatrice de l’étude et oncologue au centre régional de lutte contre le cancer Gustave Roussy. Ces polymorphismes n’incluent pas (sauf en Israël) les mutations BRCA1 et BRCA2 qui ne seront recherchées qu’en cas d’antécédents. A partir des différents résultats obtenus, les participantes seront classées en fonction de quatre niveaux de risque : bas, moyen, haut et très haut (équivalent au fait d’être porteuse d’une mutation BRCA-1). Pour un risque bas, sera recommandée une mammographie tous les quatre ans, pour les risques moyens, une mammographie tous les deux ans, pour les risques élevés un examen par an et pour les risques très élevés une mammographie et une IRM chaque année. L’étude doit permettre de valider la méthodologie et la faisabilité d’un dépistage ainsi personnalisé. Si ces résultats ne sont pas attendus avant six ans, le développement de la génomique dans la prise en charge du cancer du sein devrait d’ici là contribuer à une réduction du risque de surtraitement. Ainsi on le voit, Octobre rose et ceux qui voient rouge contre cette manifestation pourraient vivre leurs dernières années.
Pour voir la vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=tnnwqxlHta0
Aurélie Haroche