
Londres, le mardi 26 janvier 2021 – Notre regard sur la
pandémie est souvent très sombre. Pourtant, la mise au point
extrêmement rapide de vaccins contre la Covid-19 connaissant des
niveaux d’efficacité cliniques très importants, les produits de
Moderna et de Pfizer-BioNTech est indéniablement une
victoire.
Néanmoins, en Europe et aux Etats-Unis (les autres régions du
monde ayant souvent fait le choix d’autres vaccins), l’impatience
est grande de pouvoir disposer d’autres produits. La logistique
imposée par les vaccins à ARNmessager est en effet complexe, tandis
qu’une diversification des sources permettrait de soulager les
tensions sur le nombre de doses. Par ailleurs, de nombreux pays
espèrent voir leurs industries et équipes de recherche connaître la
même aura que celles des Etats-Unis (Pfizer et Moderna) et
d’Allemagne (BioNtech).
La France réduite à produire les vaccins des autres ?
C’était ainsi l’ambition de la France avec plusieurs projets développés par son parc industriel et sa recherche publique. Cependant, les déconvenues se succèdent. Après la confirmation fin décembre du retard pris par Sanofi, l’Institut Pasteur a confirmé hier quelques minutes après son partenaire industriel (Merck & Co. ou MSD) que son projet était abandonné. Prometteur, le candidat sur lequel travaillaient avec ardeur les équipes de l’Institut Pasteur reposait sur l’utilisation du virus de la rougeole atténué véhiculant un antigène de SARS-CoV-2. Cependant, les résultats encourageants obtenus chez l’animal, sont loin d’avoir été confirmés par l’essai de phase I/II conduit chez 90 patients volontaires. S’ils ont tous développés « une réponse anticorps (…), les taux d’anticorps neutralisants ont été trois fois plus faibles, en moyenne, que les taux d’anticorps mesurés chez des patients convalescents à la suite d’une infection naturelle » et ceux ayant reçu les vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna détaille dans Le Monde, Bruno Hoen, directeur des affaires médicales de Pasteur. De tels résultats et la concurrence très marquée des autres vaccins (soit déjà sur le marché, soit en phase III) ne pouvaient conduire qu’à l’abandon. Si ce dernier ne signifie pas que la France soit totalement écartée de la course (tant Sanofi que l’Institut Pasteur sont engagés dans d’autres projets), à court terme sa contribution la plus marquante devrait plus certainement être l’utilisation de ses capacités de production (c’est-à-dire celles de Sanofi) pour fabriquer les vaccins déjà approuvés. Le ministre délégué de l’Industrie a ainsi confirmé hier que deux laboratoires (dont un dont le vaccin est déjà utilisé en Europe) avaient manifesté leur intérêt pour les chaines de production de Sanofi.Rumeurs persistantes
A cette déconvenue majeure concernant les projets français, se sont ajoutés hier des doutes concernant le vaccin AstraZeneca. Nous avions déjà évoqué les rumeurs selon lesquelles l’Agence européenne du médicament qui doit donner ce vendredi son verdict concernant l’agrément de ce vaccin dans l’Union européenne, pourrait édicter des indications différenciées en fonction des classes d’âge. De fait des incertitudes existeraient sur l’efficacité du vaccin chez les plus âgés (doutes cependant qui n’ont pas été retenus par le régulateur britannique). Mais plus que des questionnements, deux journaux allemands hier, le Bild Zeitung et le quotidien économique Handelsblatt affirmaient (sans s’appuyer sur des données opposables) que selon des sources gouvernementales, l’efficacité du vaccin AstraZeneca chez les plus de 65 ans ne serait pas supérieure à 8 %.Des effectifs très limités
Les laboratoires britanniquo-suédois ont évidemment démenti avec force ces informations, qualifiées de « complétement fausses ». Ils ont en outre rappelé que les données de phase I/II avaient mis en évidence une efficacité (biologique) de 100 % chez les plus âgés. L’essai clinique de phase III publié début décembre dans le Lancet (et relayé par le JIM, voir ci-dessous) permet pour sa part difficilement de trancher. On retient tout d’abord que les effectifs chez les plus de 70 ans sont faibles (444 sur près de 25 000). Aussi, les données présentent une puissance statistique limitée, puisque 27 infections seulement ont été rapportées dans le groupe vacciné contre 71 dans le groupe placebo (tous âges confondus). Sans doute en raison de la limitation des effectifs, l’étude publiée dans le Lancet ne distingue pas l’efficacité chez les plus de 65 ans (selon les auteurs seuls 5 cas d’infections ont été constatés chez les plus de 55 ans ce qui ne permettait pas d’évaluer l’efficacité vaccinale clinique dans cette tranche d’âge). L’étude de l’Université d’Oxford met ainsi simplement en avant une efficacité globale de 62,1 % qui pourrait être inférieure chez les plus âgés. Au moment de la publication des travaux dans le Lancet, des données complémentaires étaient attendues concernant les groupes les plus âgés, recrutés secondairement et pour lesquels un suivi plus prolongé serait disponible.Désunion européenne
Si on ne peut à partir des données publiées aujourd’hui
confirmer les informations diffusées par la presse allemande on
notera que ce n’est pas la première fois que des controverses
existent autour de la production du vaccin Astra-Zeneca (on se
souvient du quiproquo autour de résultats censés être plus
avantageux après l’administration par erreur d’une demi première
dose). Si elles étaient confirmées, les informations avancées par
la presse allemande constitueraient en tout état de cause une
immense déception.
Enfin, l’affaire suscite deux observations. Existe-t-il au
sein des autorités sanitaires britanniques une précipitation qui
aboutirait à un défaut de prudence face à des données non
parfaitement consolidées ?
Par ailleurs, après les échos de la presse allemande
concernant des éventuelles pressions de la France pour ne pas
commander davantage de doses des vaccins Pfizer-BioNTech ou
l’invitation faite par l’Allemagne à la Russie de déposer une
demande d’AMM pour son vaccin Spoutnik-V en vue d’une collaboration
avec l’industrie germanique on devine avec ces nouveaux doutes
concernant Astra-Zeneca, une position singulière de nos
voisins.
Aurélie Haroche