
Paris, le mardi 8 décembre 2015 – Le gouvernement, on le sait, s’est donné pour objectif la réalisation de 10 milliards d’euros d’économie dans le domaine de la santé d’ici 2017, dont trois milliards devront être "supportés" par les hôpitaux. Pour atteindre cet objectif ambitieux, l’accent sera notamment mis sur le développement de la chirurgie ambulatoire, avec le souhait de dépasser un taux global national de chirurgie ambulatoire de 66 % en 2020. Qui dit économie et développement parallèle de la chirurgie ambulatoire suppose des restructurations hospitalières, d’une part pour diminuer certains coûts, mais aussi parce que la chirurgie ambulatoire suppose une technicité et une compétence qui ne peuvent être maintenues que dans les unités connaissant une activité soutenue.
Une liste non officielle de 58 services menacés
Aussi, dans une lettre adressée le 28 septembre aux Agences régionales de santé (ARS) révélée par le Figaro et l’AFP, le ministère de la Santé dessine clairement son ambition de mettre « en œuvre des restructurations, notamment des fermetures de services ayant une faible activité de chirurgie ». Parmi les critères retenus, est précisé « à titre indicatif » un seuil de 2 101 actes de chirurgie par an, qui pourrait être considéré comme un volume faible, pouvant justifier une suspension. Sur la base de ce chiffre, en consultant la base Hospi Diag, le Figaro estime que 58 hôpitaux de proximité publics et privés pourraient être dans l’œil du cyclone. S’il en publie la liste, il précise bien évidemment que rien n’est arrêté et qu’en fonction des contraintes territoriales, certains établissements n’atteignant pas le seuil de 2 101 actes pourraient être "épargnés", quand d’autres bien qu’au-delà de ce pallier pourraient pourtant être "inquiétés".
Des services à la qualité effectivement moindre et délaissés par les patients
La perspective de fermeture de services de chirurgie est un sujet extrêmement sensible et bien d’autres avant Marisol Touraine s'y sont brûlé les ailes. On se souvient, à l’instar du Figaro, comment Roselyne Bachelot avait dû renoncer à faire appliquer un décret qui proposait la fermeture des services réalisant moins de 1 500 interventions par an. Au-delà de ce précédent national, localement des manifestations d’élus, de syndicats et de riverains saluent systématiquement toute hypothèse de suspension d’un service. Pourtant, derrière ces tollés, qui souvent aboutissent à l’ajournement de la décision de fermeture, les populations se détournent souvent de ces petites structures dont la réputation est parfois mauvaise. Il faut dire que la plupart des études menées sur le sujet confirment que statistiquement quantité rime avec qualité. En 2010, une analyse de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) avait ainsi mis en évidence que « la probabilité de réadmission à trente jours est plus élevée dans les établissements à faible volume pour six prises en charge » sur huit étudiées.
Marisol Touraine brouille les cartes
Face à ce contexte paradoxal, quelle attitude Marisol Touraine adoptera-t-elle ?
Côté lumière, le ministre a déjà pris soin de rassurer. Hier, alors que la médiatisation de cette information intervient pendant les élections régionales, elle a ainsi affirmé qu’il n’y avait pas de « plan de fermeture d’unité de chirurgie », ni de « liste de services de chirurgie menacés de fermeture ou de restructuration ». Ce discours s’inscrit dans la continuité des manifestations d’affection envoyées par le ministre à l’hôpital public ces dernières semaines. De telles déclarations ont d’ailleurs été adressées aux acteurs de terrain, rapidement après la diffusion de la lettre en septembre. Ainsi, le coordonateur national des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, Michel Antony se déclare, cité par la Dépêche du Midi « surpris que cette instruction ministérielle refasse surface car le texte présenté en septembre avait été jugé non utilisable par le ministère ».
Mais côté ombre, la machine pourrait bien être en marche, car on le sait ces derniers mois ont été marqués par la multiplication des fermetures de lits, suscitant d’ailleurs l’inquiétude et la colère de la Fédération hospitalière de France (FHF). Est-ce la méthode choisie par Marisol Touraine : faire agir l’administration en sous main, tout en continuant à adresser un rassurant discours de fermeté en public ? Certains n’en seraient pas totalement étonnés.
A.H.