
Paris, le mercredi 20 janvier 2016 – L’année 2015 laissera sans doute chez beaucoup un souvenir empreint de tristesse. Les événements traumatisants et les mauvaises nouvelles ont en effet été légion et il semble que la démographie ne fasse pas exception. Les indicateurs publiés hier par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) dressent le portrait d’une année marquée par une baisse de la natalité, conjuguée à une hausse de la mortalité ; un bilan qui cependant ne doit pas encourager trop hâtivement au fatalisme.
Enfantant plus tardivement, les femmes ont toujours autant d’enfants (pour l’instant)
Les naissances ont été moins nombreuses en 2015 qu’en 2014 (- 19 000). Une tendance qu’il est "impertinent" de vouloir mettre sur le compte des attentats, même ceux de janvier, puisque l’INSEE précise que « cette légère baisse débute en réalité dès la fin de l’année 2014 et concerne ensuite tous les mois de l’année 2015 ». Par ailleurs, en dépit de cette diminution de 2,3 %, les chiffres de 2015 s’inscrivent dans une tendance générale de stabilisation du nombre des naissances depuis 1980, avec environ 800 000 naissances par an (791 000 en 2015). Faut-il cependant redouter l’amorçage d’une tendance négative sur le long terme ? Bien sûr, avec le vieillissement de la population, le nombre de femmes en âge de procréer diminue, ce qui n’est pas sans incidence sur le taux de fécondité. Celui-ci est d’ailleurs passé de 2 enfants par femme en 2014 à 1,96 en 2015. Cependant, ce dernier reste l’un des plus hauts d’Europe. Par ailleurs, si l’âge moyen lors de la naissance du premier enfant continue de progresser (atteignant désormais 30,4 ans, contre 30,3 ans) et si par voie de conséquence la "fécondité"(au sens des démographes) des moins de trente ans diminue, on ne constate cependant pas « une diminution du nombre moyen d’enfants que [les femmes] auront à la fin de leur vie féconde, par rapport aux femmes des générations précédentes. De fait, jusqu’à présent, le report des naissances auquel on assiste depuis plusieurs décennies ne s’est pas accompagné d’une baisse de la descendance finale des femmes ».
Chaud/froid sur la mortalité en 2015
Année peu spectaculaire en ce qui concerne le nombre de naissances, 2015 a a contrario été celle du deuil avec 41 000 décès supplémentaires (soit une hausse de 7,3 %). Là encore, les cassandres ne devraient pas trop rapidement en tirer des conclusions. Il semble que ce pic de mortalité soit principalement lié à des conditions exceptionnelles. L’année qui vient de s’achever a effet été marquée par « trois épisodes de mortalité », notent les statisticiens de l’INSEE. Ainsi, 24 000 décès supplémentaires ont été recensés au cours des trois premiers mois de l’année, probablement liés à une épidémie grippale d’une virulence particulière et face à laquelle le vaccin s’est révélé plutôt inefficace. Quelques mois plus tard, bien que bien mieux prévenues qu’en 2002, les conséquences de la canicule s’observaient avec 2 000 décès supplémentaires. Enfin, moins connu, l’INSEE évoque un surplus de 4 000 décès en octobre « probablement en raison des vagues de froid survenues au milieu du mois ». Autant d’éléments qui ne devraient pas nécessairement se reproduire cette année. Cependant, il est certain que la progression constante du nombre de personnes de plus de 65 ans n’est pas sans conséquences sur la mortalité : la part de la population dépassant cet âge a progressé de 2,4 points en dix ans et de 3,7 points en vingt ans et représente aujourd’hui 18,8 %. Les pics de mortalité ont, de façon mathématique, entraîné un recul de l’espérance de vie à la naissance, de 0,3 an pour les hommes et de 0,4 pour les femmes. Aussi marquante que puisse apparaître une telle donnée, l’INSEE relativise en notant que « Même si sur longue période l’espérance de vie à la naissance s’accroît, des baisses ont déjà été observées par le passé. D’ampleur un peu plus limitée, elles n’avaient alors touché que les femmes (0,2 an en 2012 par exemple) ». Enfin, encore au titre des mauvaises nouvelles que l’INSEE appelle cependant à relativiser, on signalera une légère hausse de la mortalité infantile, qui « reste dans les limites de la fluctuation habituelle de cet indicateur » constatent les experts.
Aurélie Haroche